Journée Nationale pour la Vie 2003:
« Fêter les mères, c'est
accueillir la vie. »
La Journée Nationale pour la Vie aura lieu cette année le dimanche 25 mai 2003
cf journée 2002 (prière
...) et intervention Mgr Vingt-Trois
bilan de cette journée
Cette journée a été souhaitée par Jean Paul ll et décidée par nos évêques.
" Son but est de susciter dans les consciences, dans les familles,
dans l'Eglise et dans la société civile la reconnaissance du sens et de la
valeur de la Vie humaine à toutes les étapes et dans toutes ses conditions
en attirant spécialement l'attention sur la gravité de l'avortement et de
l'euthanasie."
Jean-Paul II - Evangelium Vitae n°85.
Vers quelle éthique va notre société ?
Mgr Raymond BOUCHEX
Archevêque d'Avignon
Bulletin Religieux du Diocèse d'Avignon, 25 Mai 2002.
Le mot d'éthique est préféré aujourd'hui à celui
de morale. Dans la morale, nos contemporains voient en général un ensemble
d'interdits brimant la liberté. L'éthique est un mot nouveau qui fait plus
moderne que celui de morale. Son contenu est encore flou et semble laisser
une marge plus grande à l'interprétation individuelle. Il partage l'auréole
dont bénéficient les recherches scientifiques et techniques. En réalité les
deux mots disent à peu près la même chose (cf. à ce sujet : J. L. BRUGUES,
Dictionnaire de morale catholique). Même si elle voit d'un mauvais œil la
morale, notre société, en parlant d'éthique, fait encore de la morale. Elle
n'a même jamais autant parlé d'éthique, donc de morale. Il ne suffit pas de
rejeter le mot de morale pour ne pas faire de morale. Il ne suffit même pas
de dire qu'est permis aujourd'hui ce qui hier était interdit. Car dire cela,
c'est encore de l'éthique, donc de la morale.
Ce qui contribue au succès de l'éthique est l'usage qui en est fait dans ce
dont il est beaucoup question aujourd'hui : la bioéthique. La bioéthique est
l'éthique de la vie. Elle est l'éthique de la totalité de la vie humaine,
de l'homme vivant tout entier, personnel et social, à toutes les étapes de
son existence. En fait le mot est surtout appliqué aux domaines de la vie
commençante et finissante : la contraception, l'avortement (dit IVG), la procréation
médicalement assistée (PMA) ou l'assistance médicale à la procréation (AMP),
les différents types de diagnostic (préimplantatoire, prénatal, échographie),
la recherche sur l'embryon, le clonage, l'euthanasie. Il est lié à la volonté
de plus en plus affirmée de maîtriser la vie humaine à son stade finissant
comme à son stade commençant.
Quelles sont les caractéristiques de l'éthique telle que l'entend de plus
en plus la société actuelle ? L'éthique qui tend à s'imposer dans la bioéthique
nous indique assez bien les caractéristiques de l'éthique ou de la morale
qui imprègne de plus en plus l'ensemble des comportements humains, personnels
et sociaux. Quelles sont donc ces caractéristiques ?
Il s'agit de plus en plus d'une éthique sans transcendance, sécularisée,
puisant ses critères, non plus en Dieu ou en un absolu dont dépendrait l'homme,
mais en l'homme envisagé comme pleinement autonome, comme seule source et
seule fin de l'agir humain.
C'est dès lors une éthique qu'il devient difficile de fonder, car il n'y a
plus de conception unanime de la personne humaine. Qui peut dire et imposer
dans notre société laïque une conception unique de l'être humain ? A partir
de quels fondements peut-on le faire ? Même la Déclaration universelle des
droits de l'homme n'y suffit pas. Car il faut savoir ce qu'est l'homme pour
qu'une reconnaissance officielle des droits de l'homme soit autre chose qu'une
signature apposée au bas d'une déclaration. Le comportement des nations est
très significatif à cet égard : elles mettent sous les droits de l'homme des
idées bien différentes. Il en est de même de l'attitude d'adolescents qui
savent que tuer quelqu'un peut les mener en prison, mais qui ne savent pas
que c'est un mal moral ni pourquoi c'est un mal. Le seul garant des droits
de l'homme devient dans notre monde la force qui s'applique souvent en méprisant
les droits de l'homme.
Dès lors, nous avons à faire de plus en plus à une éthique procédurale, c'est-à-dire
élaborée dans la discussion, le compromis et le consensus. Tel est le motif
pour lequel prennent une place de plus en plus grande les comités d'éthique
où l'on cherche à définir des comportements acceptables par tous. L'éthique
devient une éthique dépendante des urnes. Elle ne relève plus des catégories
du bien et du mal moral fixées selon des critères objectifs, mais d'une majorité
s'exprimant dans une élection démocratique. Ce qui peut se faire et ce qui
est interdit est fixé par un vote majoritaire au sein d'un comité puis d'un
parlement, même si cette majorité est faible. Puisque le parlement a voté
l'avortement à douze semaines et que l'assemblée a décidé que la recherche
sur l'embryon pourra se faire, l'avortement à douze semaines et la recherche
sur l'embryon deviennent légitimes. Le moral est fixé par le légal.
Cette éthique ne peut être qu'une éthique en permanente évolution. Elle ne
propose plus de repères définitifs, mais se plie aux fluctuations du temps.
Ce qui était jugé mauvais hier peut être jugé bon aujourd'hui. Et inversement.
Tout est donc possible, selon l'opinion dominante d'une assemblée, le changement
des mœurs, les pressions exercées sur elle.
Qu'est-ce qui détermine le vote des comités et du parlement ? De plus en plus,
c'est, non pas une grande vision politique de l'homme et de la société, mais
l'avis des experts, en particulier des scientifiques et des techniciens auxquels
s'en remettent les hommes politiques, qui ne peuvent pas tout connaître et
qui souvent n'ont pas une idée philosophique, - encore moins religieuse -,
très précise de l'homme. Jamais nous ne dirons assez de bien de la science
et de la technique mises au service de l'homme et de son bien. Que de reconnaissance
nous devons aux chercheurs pour leurs réussites en bien des domaines !
Mais grande est la tentation des chercheurs et des techniciens de se laisser
séduire par l'exploit technique au prix de graves dégâts humains : ainsi les
milliers d'embryons surnuméraires produits pour l'assistance médicale à la
procréation ou les nombreux embryons parfaitement sains détruits lors de l'examen
prénatal par prélèvement de liquide. Ils sont attirés par le prestige d'être
les premiers à réaliser la prouesse dont on parlera, y compris pour certains
d'être les premiers à réaliser le clonage reproductif. Ils sont soumis aux
enjeux financiers et à la concurrence économique que représentent les nouvelles
découvertes : les cellules souches embryonnaires et leur commerce, le marché
à venir des ovules féminins en vue du clonage thérapeutique.
L'éthique devient alors de plus en plus une éthique de l'utilitarisme.
Ce qui est déterminant dans la qualification éthique d'un comportement personnel
ou social est son utilité pour les personnes ou la collectivité. Ainsi en
est-il pour la recherche sur l'embryon, peut-être bientôt pour le clonage
thérapeutique ou pour les dons d'organe qui risquent demain de n'être plus
des dons, mais des prélèvements imposés.
Comment empêcher que cette éthique devienne une éthique de l'individualisme
catégoriel ou individuel, donc une éthique de l'irresponsabilité
? Une société dominée par l'utilitarisme ne peut qu'amener les individus à
prendre en elle ce qui les arrange et à refuser ce qui les gêne. « Je fais
ce que je veux. J'ai ma conscience pour moi. Ma conscience ne me reproche
rien ». « Je suis libre d'user de mon ventre comme je veux », scandaient certaines
manifestations pour l'avortement. « Je suis maître de ma vie et de ma mort
». Pourquoi ne pas détruire les biens personnels ou collectifs pour imposer
ma volonté ? Il n'y a pas que des jeunes à faire cela ! Pour tout inconvénient
subi, chacun cherche des responsables en dehors de lui (dans la société, dans
les institutions, dans les pouvoirs publics), et demande que lui soient versées
des indemnités pour des dommages dont il est lui-même l'auteur.
Cette éthique s'oriente vers une éthique du fait accompli. La loi légalise
les comportements déjà adoptés ou souhaités par l'ensemble d'une population.
Les barrières, devant encadrer une loi, sont franchies peu à peu dans la pratique,
et une nouvelle loi vient légaliser ces franchissements. De la loi dépénalisant
l'avortement en 1975, on est passé à un droit reconnu, remboursé, donnant
droit à des indemnités s'il n'a pas pu avoir lieu (cf. le fameux arrêt Perruche),
librement proposé par la publicité, objet d'information comme tout autre événement.
Une telle éthique en arrive peu à peu à être, sans que l'opinion s'en formalise
et même s'en aperçoive, une éthique de la valeur graduée de l'être humain.
Certains hommes sont jugés plus ou moins hommes que d'autres. Ils peuvent
être utilisés pour le bien et le progrès d'autres hommes, comme c'est le cas
par exemple dans la détermination du statut de l'embryon ou les projets concernant
les recherches sur l'embryon. On en arrive à cette demande inquiétante d'un
homme politique connu qui suggère que bientôt obligation soit faite aux parents
et aux médecins de ne pas laisser naître les enfants handicapés afin que leur
vie ne pèse pas financièrement sur la société. Comment empêcher tel chercheur
de considérer que certains êtres humains sont des « im-personnes », des «
non-personnes », et même de dire qu'il n'y a pas de différence entre certains
embryons humains et des embryons d'animaux ? Ce dernier exemple soulève l'indignation
maintenant, mais jusqu'à quand ?
L'éthique dans la bioéthique et dans l'ensemble de la vie sociale est de moins
en moins une éthique fondée sur la dignité objective de l'être humain, reconnu
comme une personne ayant valeur en elle-même (cf. Gaudium et Spes), créé à
l'image de Dieu, sauvé par le Fils de Dieu devenu homme, appelé à être divinisé
et fils de Dieu en lui, en un mot une éthique fondée sur l'homme voulu par
Dieu, ayant une valeur indépendante du jugement que les autres hommes peuvent
porter sur lui. Une telle dérive inquiète, non seulement l’Église catholique,
mais beaucoup d'hommes.
La disparition de plus en plus marquée de cette
éthique fondée sur la dignité intrinsèque de l'être humain est à la base des
prises de position de l’Église catholique sur les différentes orientations
de la bioéthique et sur les dérives morales de la société. Elle a conscience
qu'une telle éthique est en train d'envahir, non pas toutes les personnes,
mais les mentalités et les comportementsd'ensemble.
C'est pourquoi, quand elle dit « non » à de telles dérives, c'est en fait
un grand « oui » qu'à la face du monde elle proclame à l'homme, à la vie,
à l'avenir, au bonheur, éternel certes, mais déjà temporel. Devons-nous désespérer
? Bien sûr que non !
Beaucoup de personnes et d'associations œuvrent pour la véritable dignité de l'homme. Beaucoup de parents, d'éducateurs, de responsables, travaillent à revaloriser la formation morale des consciences.
Là est l'avenir de l'humanité.
Mgr Raymond BOUCHEX
Archevêque d'Avignon
Bulletin Religieux du Diocèse d'Avignon, 25 Mai 2002.