La position de l’Église catholique sur les principaux domaines de la bioéthique
(haut)

Les caractéristiques de l'éthique qui se diffuse dans notre société expliquent la position de l’Église catholique sur les principaux domaines de la bioéthique :

1. L'avortement
2. Les recherches sur l'embryon
3. Le clonage
4. La Procréation médicalement assistée (PMA)
5. Les différents diagnostics
6. Les dons d'organe
7. L'euthanasie
8. La contraception


1. L'avortement

La pratique de l'avortement a toujours existé. Ce n'est pas une invention de notre époque ni de la loi de 1975. Cette dernière au contraire pensait pouvoir en limiter le nombre, ce qu'elle n'a pas réussi à faire. Mais l'avortement était considéré comme un acte de mort, condamné par la loi. Même la loi de 1975 (la loi Veil), dans son article 1er, affirmait que la vie doit être protégée dès le premier instant de son existence. Elle reconnaissait encore que l'avortement est une transgression. Mais cette loi a dépénalisé l'avortement. Elle l'a autorisé en certaines situations de détresse et avec des conditions précises : dialogue préalable, clause de conscience pour le personnel médical, nécessité de l'autorisation parentale pour les mineures. Un pas de plus a été fait avec le remboursement par la Sécurité Sociale, car c'était faire de l'avortement un acte de santé. Très vite, sous la pression de certains groupes, l'avortement est devenu une liberté, puis un droit. Le légal est devenu le critère du moral.

D'abord autorisé jusqu'à 10 semaines, l'avortement a été légalisé récemment jusqu'à 12 semaines (3 mois). Il a été déclaré comme une priorité des soins de santé, avec financement important pour développer les services hospitaliers nécessaires en vue de répondre rapidement à toutes les demandes. Le dialogue préalable est devenu caduc. Les médecins chefs de service sont obligés d'admettre les avortements dans leur service. Les mineures sont dispensées, en certains cas, de l'autorisation parentale. La dégradation s'est accentuée avec la décision rendant libre et gratuite la distribution dans les pharmacies de la « pilule du lendemain », ce qui pose de graves cas de conscience à certains pharmaciens.

Ces progressives dérives favorisent l'homme et l'adolescent toujours absents de ce débat. Elles incitent les mineures aux relations sexuelles. Elles banalisent de plus en plus l'acte sexuel, ce qui, avec l'invasion de la pornographie, explique que certains adolescents, parfois en bande, violent des adolescentes sans que cela leur pose de problème de conscience : « je n'y vois rien de grave, d'ailleurs elles sont consentantes », a-t-on entendu récemment après une de ces « tournantes ». Elles ne tiennent pas compte du traumatisme causé à la femme par l'avortement, traumatisme dont on se garde bien de parler, que pourtant certaines femmes commencent à reconnaître publiquement en tel magazine ou en telle émission télévisée. Elles marginalisent les parents par rapport à la vie de leurs enfants, alors que par ailleurs on tend à les juger coupables des délits de ces mêmes enfants. Notons qu'en Espagne par exemple l'avortement est autorisé jusqu'à 22 semaines (pratiquement cinq mois, moment de la viabilité d'un bébé). Chez nous, les avortements thérapeutiques, pour raisons de santé de la mère, peuvent être pratiqués jusqu'à la naissance.

L’Église catholique, mais pas elle seule, est absolument opposée à l'avortement dès la fécondation. Ce faisant, elle ne prétend pas condamner les femmes en cause, mais s'adresser à la conscience de la société et l'inciter à aider moralement et financièrement les jeunes filles et les femmes à garder leur enfant. Car pour elle l'embryon doit être respecté comme un être humain dès le premier instant de sa formation. Ce n'est pas le cas pour bien des chercheurs, qui prétendent fixer l'humanisation de l'embryon à certains stades de son développement. Leurs positions vont de une semaine après la fécondation jusqu'à six mois. Certains font dépendre l'humanité de l'embryon du « projet parental » : la qualité humaine d'un embryon dépend du projet de ses parents d'en faire un homme ou une femme. Cela revient à dire que le statut humain d'un être dépend du choix de ses parents, donc du jugement que portent sur lui d'autres hommes. On décrète ainsi pratiquement que les êtres humains ne sont pas également humains aux différentes étapes de leur croissance.

Juridiquement l'embryon est peu protégé par la loi jusqu'à présent. La Cour de cassation vient pourtant de reconnaître, à propos d'une erreur médicale, que l'enfant avant de naître est un être humain. Un courant riche de promesses est en train de se produire. Des parents, dont le fœtus est mort à 4, 5 ou 6 mois, demandent que ce fœtus soit reconnu comme leur enfant, qu'il ait un lieu de sépulture. Un mouvement se crée pour réclamer que ces fœtus soient pleinement reconnus comme des enfants.

L’Église catholique a toujours opté pour le fait que l'embryon dès la fécondation doit être respecté comme une personne. Nous trouvons la condamnation de l'avortement dès les premiers textes chrétiens. Le Concile de Vatican II a une formule forte : « L'avortement et l'infanticide sont des crimes abominables » (G.S. 51, § 3). La position de l’Église va dans le sens des données actuelles de la science : dès la constitution du premier noyau, tout l'avenir génétique de l'être humain commençant est présent en lui. Il n'y a pas un instant où il ne serait qu'un petit paquet de cellules pour passer ensuite à un stade humain. Il évoluera quant à sa personnalité psychologique, non quant à son être de personne. Il est un être humain dès le début ou il ne le sera jamais. Aucun projet parental ne peut faire qu'un embryon non humain devienne humain à un moment quelconque de son évolution. Là, si l'on peut dire, est le fondement du véritable esprit républicain : tous les êtres humains, dès leur fécondation, sont égaux. Ils ont à être traités comme tels avant même leur naissance.


2. Les recherches sur l'embryon

C'est une des conséquences de la pratique de plus en plus normale de l'avortement et de la création des nombreux embryons surnuméraires due à l'Assistance médicale à la procréation (AMP). Que faire de ces embryons ? La réponse, de plus en plus admise dans l'opinion, est de les utiliser pour la recherche. Même si une telle possibilité est fortement « encadrée » par la loi, elle est une dégradation de plus dans la conception de l'être humain commençant. Les arguments utilisés sont de plusieurs ordres. Plutôt que de laisser mourir ces embryons, il vaut mieux les utiliser pour la recherche. Cette recherche peut apporter de grands progrès à la médication de certaines maladies. Si nous ne le faisons pas chez nous, d'autres pays le font ou vont le faire ; il convient donc de ne pas prendre de retard. De grands enjeux économiques sont en cause. Il existe déjà un commerce international d'embryons surnuméraires. L’Église, et d'autres qu'elle, sont opposés à une telle pratique. Car peu à peu des embryons humains vont être transformés en carrières de matériau utilisable. La tentation, à laquelle a déjà succombé tel chercheur qui le reconnaît, sera de créer des embryons uniquement pour la recherche, y compris par le clonage thérapeutique. Qui pourra empêcher d'autres formes d'utilisation des êtres humains pour la santé et le confort d'autres êtres humains ? L'exploitation de l'homme par l'homme a un bel avenir devant elle.


3. Le clonage

De l'utilisation des embryons pour la recherche, il est naturel de passer au clonage. Puisqu'il faut des embryons pour la recherche, pourquoi ne pas fabriquer des embryons par clonage ? On parle d'un double clonage : le clonage thérapeutique et le clonage reproductif. En réalité il n'y en a qu'un. Car le clonage thérapeutique est un clonage reproductif interrompu. Qu'est le clonage ? C'est un procédé technique qui consiste à créer un embryon en introduisant dans un ovule féminin privé de son noyau une cellule somatique provenant d'un individu humain. On met ainsi en route un embryon identique à l'être humain sur lequel a été prélevée la cellule. En arrêtant le développement de cet embryon au bout de cinq ou six jours, on détruit cet embryon et on prélève sur lui des cellules, qui peuvent être multipliées à l'infini. C'est ce qu'on appelle les cellules souches embryonnaires. On pourra alors réimplanter ces cellules qui vont régénérer l'organisme malade. Tel est le clonage thérapeutique.

Si on laisse se développer l'embryon ainsi cloné, il deviendra au bout de dix jours un embryon pouvant aboutir à un être identique à celui sur lequel a été prélevée la cellule. Tel est le clonage reproductif. D'un côté il y a toujours destruction de l'embryon. De l'autre on aboutit à un être humain, non pas procréé par fécondation humaine, mais fabriqué en série. Le clonage est la négation de la création telle que nous l'entendons, la négation de la fécondation humaine par la rencontre d'un homme et d'une femme, la négation de l'unicité de chaque être humain, la négation de la suite des générations, la négation de la participation d'un être humain à une généalogie, ce qui est fondamental pour qu'un homme soit vraiment un membre de l'humanité. C'est l'homme transformant la création en fabrication .Cela fait dire à certains que le clonage est un crime contre l'humanité.

Jusqu'à présent tout le monde s'oppose au clonage reproductif, sauf tel ou tel médecin ou groupe qui se dit prêt à réaliser un tel clonage. Mais le clonage thérapeutique est déjà admis en Grande Bretagne. Il semble difficile qu'il ne se généralise pas. Car, dit-on : il ne faut pas prendre scientifiquement de retard sur d'autres pays. Il faut sauvegarder le prestige scientifique de son pays. Si on ne le fait pas, il faudra acheter de telles cellules souches embryonnaires à d'autres pays, ce qui vient d'être décidé en France. Le clonage thérapeutique aboutira à transformer plus encore les embryons en simple matériau utilisable pour d'autres fins que leur propre vie. Il risque d'aboutir à une commercialisation des ovules féminins, donc à un nouveau marché de femmes, surtout celles des pays pauvres. Cela est d'autant plus regrettable qu'il est possible de développer la recherche sur les cellules souches adultes, qui ne posent pas de problème éthique. Encore faut-il que la société encourage et finance une telle recherche.

(Après l'avortement, les recherches sur l'embryon et le clonage, voici les autres domaines de la bioéthique pour lesquels il me semble utile de présenter la position de l’Église catholique. Je l'ai fait en réponse au désir de certains de voir résumé et synthétisé ce qu’Église d'Avignon a présenté en articles différents).


4. L'Assistance médicale à la procréation (AMP) ou la Procréation médicalement assistée (PMA)

Il s'agit, non de la création de la vie par les chercheurs, mais de la fécondation réalisée en dehors du sein de la mère à partir du prélèvement de la semence masculine et de l'ovule féminin dont la rencontre se fait dans un milieu chimique. De là vient le nom de « bébé-éprouvette ». L'embryon est ensuite implanté dans le sein de la mère où il va se développer jusqu'à la naissance. Cela se fait soit avec les gamètes du mari (homologue), soit avec ceux d'un donneur qui n'est pas le mari (hétérologue). Cette assistance médicale est utilisée pour remédier à l'impossibilité pour un couple d'avoir un enfant d'une manière naturelle, ou pour mieux choisir l'enfant désiré.

L’Église catholique est opposée aux deux formes d'AMP. Outre que l'hétérologue aboutit à un enfant adultérin, les deux formes d'assistance médicale sont refusées par l’Église pour les raisons suivantes :

Il faut créer plusieurs embryons pour être sûr qu'il y en ait un qui atteigne le but recherché. D'où le problème des milliers d'embryons surnuméraires congelés dont on ne sait pas que faire, à moins que, comme cela se fait et va se faire de plus en plus, on les destine à la recherche.

On entre dans le processus du tri des embryons, donc dans un processus d'eugénisme, par volonté de vouloir des enfants parfaits (enfants zéro-défaut). On empêche l'enfant de rester libre d'être différent de ce que veulent les parents. Or l'enfant est un don, donc par définition non choisi, voulu pour lui-même quel qu'il soit. Pour nous, il est un don de Dieu. L'enfant n'est pas le fruit d'un simple projet parental. Il est à l'image de Dieu avant d'être à l'image des parents. On insiste beaucoup sur l'enfant désiré. Plus important que d'être désiré est le fait pour un enfant d'être adopté quand il arrive. Là sont le sens de la paternité de Joseph par rapport à Jésus et la valeur de l'adoption. Il y a dans la PMA une volonté de maîtriser l'origine de la vie qui peut devenir une idolâtrie : faire les enfants qu'on veut, quand on veut, tels qu'on les désire. Le désir d'enfant est bon, mais l'enfant ne doit pas être voulu pour la seule satisfaction des adultes. L'aspect inter-générationnel risque d'en pâtir. Avec la PMA hétérologue, dont le donneur doit être anonyme, on empêche l'enfant de savoir d'où il vient, au moment où on insiste sur la nécessité pour l'enfant de connaître ses parents.

- Le processus est très éprouvant pour la femme et très coûteux. Il y faut souvent de nombreux essais, aboutissant parfois à des échecs définitifs.

- Surtout pour l’Église le mystère de la procréation disparaît derrière l'intervention technique du médecin. La procréation ne se fait plus à deux mais à trois avec intervention extérieure. Or la fécondation est une action de Dieu à l'intérieur de la relation d'amour. Le mystère de l'origine, donc de la filiation, est occulté par l'action technique. Le sein maternel est le lieu de la rencontre de l'homme et de la femme et de la mère et de l'enfant. La fécondation est le fruit d'une alliance entre l'homme et la femme par l'engagement du corps, et d'une alliance de la mère et de l'enfant par l'engagement de la parole. La succession des générations tend à disparaître. On occulte la fécondation comme lieu exceptionnel d'expérience humaine.


5. Les différents diagnostics

Les progrès techniques permettent de connaître de mieux en mieux ce que sera l'enfant, donc de trier et de choisir, donc d'aller vers l'eugénisme, un eugénisme qui ne dit pas son nom, qu'on dit ne pas être un eugénisme d’État, mais qui devient officiel par les incitations déterminant les choix et interventions privés . Quels sont ces diagnostics ?

* le diagnostic préimplantatoire : il s'agit du diagnostic réalisé sur les embryons obtenus par PMA avant qu'ils ne soient implantés dans le sein de la mère. Ce diagnostic permet de choisir l'embryon qu'on veut mener jusqu'à la naissance. Parmi les neuf ou dix embryons créés, on fait un tri pour ne retenir que celui qui semble le plus sain et qui correspond le mieux au désir des parents. Cela s'est déjà réalisé en France, sans que cela pose aucun problème à l'opinion, qui y voit au contraire un grand progrès.

* le diagnostic prénatal : c'est le diagnostic réalisé sur l'embryon dans le sein de la mère, en particulier par l'amniocentèse. Cette manière de faire aboutit au même résultat que le précédent, à savoir qu'on en vient à éliminer par avortement tout embryon qui ne semble pas de bonne qualité. Il faut noter, en outre, qu'en prélevant le liquide amniotique qu'on va analyser, beaucoup d'embryons souvent en bonne santé sont détruits. Il y a presque autant de bons embryons détruits que de mauvais éliminés.

* l'échographie : l'échographie permet de voir les anomalies, même minimes, des embryons et des fœtus. Ces examens aboutissent très souvent à l'avortement, y compris pour des défauts minimes de l'embryon. L'arrêt Perruche, c'est-à-dire la décision de la Cour de cassation de verser des indemnités à un jeune handicapé dont l'échographie n'avait pas décelé les symptômes de handicap, a fortement ébranlé les médecins échographes, qui se sentent menacés de procès chaque fois qu'ils n'ont pas pu ou su déceler un défaut de l'embryon et dont les assureurs sont tentés d'augmenter dans des proportions énormes leurs cotisations. Nous savons que l'assemblée, sur l'intervention du professeur Mattei, a récusé ce qui s'était passé avec Nicolas Perruche.

Ces divers diagnostics aboutissent de plus en plus à des avortements. En d'autres termes, nous sommes de plus en plus dans une société d'où les handicapés et les malades sont exclus. On a pu écrire qu'on allait vers l'éradication du mongolisme par l'éradication des mongoliens avant leur naissance. C'est d'autant plus vrai que certains hommes politiques déclarent publiquement qu'il faut aller vers l'obligation faite aux parents, - donc aux médecins -, d'éliminer par avortement les futurs enfants menacés de handicap, sous peine de se voir supprimer toute aide financière pour l'éducation des enfants handicapés qu'ils auront décidé de garder. Au lieu de promouvoir la recherche médicale pour soigner certaines maladies, on prône la suppression de ces futurs malades. Il est heureux que les associations de handicapés et ceux qui les soutiennent et les accompagnent réagissent fortement contre cette vision d'une société rejetant les plus faibles.


6. Les dons d'organe (don du sang, d'un rein, du cœur, etc.)

C'est une forme de charité très belle, encouragée par l’Église. L’Église met pourtant quelques conditions : que ce don soit gratuit ; qu'on évite soigneusement toute dérive commerciale qui se fera au détriment des pauvres, des familles pauvres donnant par exemple des organes de leurs enfants contre argent ; que cela ne mette pas en danger la vie du donneur ; que le consentement du donneur, et des parents quand il s'agit d'enfants, soit demandé et donné explicitement (cf. la découverte que des médecins anglais prélevaient des organes sur des enfants morts sans demander l'avis des parents ; sur ce point des dérives sont en passe de se réaliser : après avoir exigé le consentement positif du donneur, on en vient à demander le refus exprimé du donneur, lequel n'étant pas obtenu est considéré comme un accord) ; et bien sûr qu'on ne mette pas au monde des enfants afin d'avoir des organes à donner ou à vendre comme cela s'est déjà fait dans des pays pauvres.


7. L'euthanasie

A l'autre bout de la vie commençante, il y a la vie finissante. Ce qu'on appelle l'euthanasie relève aussi de la bioéthique, c'est-à-dire de l'éthique de la vie. A l'évidence, il y a en France un courant idéologique et politique qui travaille pour la légalisation de l'euthanasie, à l'exemple des Pays Bas et maintenant de la Belgique. Quand on parle de l'euthanasie, il convient de préciser le sens du mot. Car ce mot est encore utilisé en deux sens différents, l'un qui n'est pas acceptable et l'autre qui est acceptable.

Selon un premier sens, l'euthanasie est l'intervention positive de l'homme pour donner la mort, pour aider à mourir, pour assister le suicide de quelqu'un (ce qu'on appelle l'euthanasie active). C'est en ce sens seul qu'il faudrait décider d'utiliser le mot euthanasie, surtout depuis qu'avec les crises de la vache folle et de la fièvre aphteuse il a été souvent question d'euthanasier des milliers d'animaux. En ce sens l’Église dit non. Et beaucoup d'autres hommes et associations avec elle. La vie est un don et ne nous appartient pas. La société est faite pour soutenir la vie et la médecine pour soigner la vie (d'où l'anomalie de l'avortement considéré comme un problème de santé). La confiance des malades risque d'être mise à mal en certaines circonstances. Il faut remédier à la démission du personnel soignant, des proches, de la société, devant la difficulté d'accompagner les grands malades et les mourants. Il faut renoncer à la volonté de maîtrise totale sur la vie et la mort, qui rejoint celle sur les débuts de la vie.

Selon le deuxième sens, l'euthanasie est l'attitude qui consiste à laisser la mort faire son œuvre (ce qu'on appelle l'euthanasie passive). Elle veut répondre à ce que nous appelons l'acharnement thérapeutique, c'est-à-dire l'utilisation des moyens ultra-perfectionnés et lourds, souvent cause de grandes douleurs et à l'efficacité nulle.

Selon l’Église, il est licite d'abandonner en certains cas ces moyens extrêmes pour en rester aux moyens ordinaires, à la demande des malades et dans une réflexion commune entre médecins et proches. Il en va de même pour l'utilisation de médicaments anti-douleurs dont on sait qu'ils abrégeront la vie. Dans ces cas, ce qui est visé, ce n'est pas de donner la mort, mais de laisser la mort faire son œuvre et d'empêcher le malade de souffrir. Il ne faudrait plus utiliser le mot d'euthanasie en ce sens, pour parler d'accompagnement des grands-malades ou des mourants et d'usage de médicaments contre la douleur.

Un double effort est à faire dans l'avenir. Il s'agit d'abord de développer l'accompagnement des malades en fin de vie et des mourants en promouvant avec investissement financier la formation de personnel soignant et d'équipes aptes à accompagner les malades et mourants. Il faut en même temps pousser la recherche des médicaments contre la douleur. Là est la manière d’œuvrer pour la mort dans la véritable dignité.


8. La contraception

Elle a toujours été pratiquée, selon des méthodes plus ou moins efficaces (le préservatif-capote, le coït interrompu). Les traités de morale en ont toujours parlé. Ce qui a été source de nouveaux comportements, c'est les progrès médicaux et techniques qui ont amené une maîtrise de la conception, donc une médicalisation de la conception, grâce à la diffusion de la pilule contraceptive sans cesse améliorée. Ce qui a transformé aussi les attitudes, c'est l'autorisation de la vente de la pilule, la propagande en faveur de la contraception, les consultations de planning familial, la formation des adolescents, etc. L'homme et la femme deviennent maîtres du don de la vie, par l'utilisation de moyens techniques. Désormais, la conception n'est plus laissée à la nature. Elle perd de son mystère. L'origine de la vie perd de son caractère sacré. Elle est dépendante de l'utilisation de moyens médicaux. La femme et l'homme deviennent, selon une formule qui sera beaucoup employée à propos de l'avortement, libres d'user de leur corps comme ils veulent. La conception peut être séparée de l'acte d'amour. Le plaisir peut être pris sans risque.

Cela explique la réaction de l’Église, surtout avec l'encyclique « Humanae Vitae » de Paul VI, que beaucoup de catholiques ont refusée et refusent. Contrairement à ce qui est dit parfois, l’Église catholique ne demande pas aux couples d'avoir le plus d'enfants possible. La conception des enfants est bien liée à la responsabilité des parents. Pour cela, elle préfère parler de régulation des naissances plutôt de contraception. La régulation des naissances implique un choix responsable, un lien entre l'amour et la conception, un dialogue d'amour, une prise en charge commune de la conception. La contraception souligne l'opposition à la conception, le refus de la vie, une décision de la femme seule plus que du couple, une dépendance par rapport à la médecine.


Conclusion

Il nous faut bien comprendre et expliquer la position de l’Église et sa radicalité. Elle ne dit pas non aux recherches, au progrès, au bonheur humain. Elle ne se situe pas seulement sur un plan moraliste. Elle dit un oui clair à l'être humain, à sa vie, à sa vocation éternelle découlant du projet créateur de Dieu et du salut accompli par le Fils de Dieu devenu homme. L’Église est pour tout ce qui se fait pour l'homme. Elle estime hautement et remercie ceux qui œuvrent pour l'homme. Elle appelle ses membres et la société à agir sans violence pour la dignité de l'homme partout où elle est en cause.

Ce qui se passe dans les domaines de la vie commençante comme de la vie finissante touche l'homme dans sa globalité. Il ne s'agit pas là comme on le dit parfois de la vie privée des personnes. La preuve en est qu'il est demandé aux instances gouvernementales et parlementaires de légiférer, ce qu'elles font officiellement. La preuve en est encore que la nation, donc tous les citoyens, y compris ceux qui sont en désaccord avec ces prises de position publiques, est appelée à financer la mise en œuvre de ces décisions.

La preuve en est enfin que ce qui est en train de se jouer dans ces domaines entraîne une profonde modification des mentalités et des jugements, ayant des conséquences parfois dramatiques sur le comportement des enfants, des jeunes et des générations à venir. Prétendre devenir les maîtres absolus de la vie et de la mort conduit certains à se croire en effet les maîtres absolus de la vie et de la mort et à passer aux actes. Pourquoi la société interdirait-elle et pourquoi certains agissements seraient-ils moralement condamnables si officiellement, en toute légalité, des actes de mort peuvent être accomplis ? Dans son apparente intransigeance, l’Église catholique prend le parti de l'homme.

Mgr Raymond BOUCHEX
Archevêque d'Avignon
Bulletin Religieux du Diocèse d'Avignon, 8 Juin 2002.




Vers quelle éthique va notre société ?
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Le mot d'éthique est préféré aujourd'hui à celui de morale. Dans la morale, nos contemporains voient en général un ensemble d'interdits brimant la liberté. L'éthique est un mot nouveau qui fait plus moderne que celui de morale. Son contenu est encore flou et semble laisser une marge plus grande à l'interprétation individuelle. Il partage l'auréole dont bénéficient les recherches scientifiques et techniques. En réalité les deux mots disent à peu près la même chose (cf. à ce sujet : J. L. BRUGUES, Dictionnaire de morale catholique). Même si elle voit d'un mauvais œil la morale, notre société, en parlant d'éthique, fait encore de la morale. Elle n'a même jamais autant parlé d'éthique, donc de morale. Il ne suffit pas de rejeter le mot de morale pour ne pas faire de morale. Il ne suffit même pas de dire qu'est permis aujourd'hui ce qui hier était interdit. Car dire cela, c'est encore de l'éthique, donc de la morale.

Ce qui contribue au succès de l'éthique est l'usage qui en est fait dans ce dont il est beaucoup question aujourd'hui : la bioéthique. La bioéthique est l'éthique de la vie. Elle est l'éthique de la totalité de la vie humaine, de l'homme vivant tout entier, personnel et social, à toutes les étapes de son existence. En fait le mot est surtout appliqué aux domaines de la vie commençante et finissante : la contraception, l'avortement (dit IVG), la procréation médicalement assistée (PMA) ou l'assistance médicale à la procréation (AMP), les différents types de diagnostic (préimplantatoire, prénatal, échographie), la recherche sur l'embryon, le clonage, l'euthanasie. Il est lié à la volonté de plus en plus affirmée de maîtriser la vie humaine à son stade finissant comme à son stade commençant.

Quelles sont les caractéristiques de l'éthique telle que l'entend de plus en plus la société actuelle ? L'éthique qui tend à s'imposer dans la bioéthique nous indique assez bien les caractéristiques de l'éthique ou de la morale qui imprègne de plus en plus l'ensemble des comportements humains, personnels et sociaux. Quelles sont donc ces caractéristiques ?

Il s'agit de plus en plus d'une éthique sans transcendance, sécularisée, puisant ses critères, non plus en Dieu ou en un absolu dont dépendrait l'homme, mais en l'homme envisagé comme pleinement autonome, comme seule source et seule fin de l'agir humain.

C'est dès lors une éthique qu'il devient difficile de fonder, car il n'y a plus de conception unanime de la personne humaine. Qui peut dire et imposer dans notre société laïque une conception unique de l'être humain ? A partir de quels fondements peut-on le faire ? Même la Déclaration universelle des droits de l'homme n'y suffit pas. Car il faut savoir ce qu'est l'homme pour qu'une reconnaissance officielle des droits de l'homme soit autre chose qu'une signature apposée au bas d'une déclaration. Le comportement des nations est très significatif à cet égard : elles mettent sous les droits de l'homme des idées bien différentes. Il en est de même de l'attitude d'adolescents qui savent que tuer quelqu'un peut les mener en prison, mais qui ne savent pas que c'est un mal moral ni pourquoi c'est un mal. Le seul garant des droits de l'homme devient dans notre monde la force qui s'applique souvent en méprisant les droits de l'homme.

Dès lors, nous avons à faire de plus en plus à une éthique procédurale, c'est-à-dire élaborée dans la discussion, le compromis et le consensus. Tel est le motif pour lequel prennent une place de plus en plus grande les comités d'éthique où l'on cherche à définir des comportements acceptables par tous. L'éthique devient une éthique dépendante des urnes. Elle ne relève plus des catégories du bien et du mal moral fixées selon des critères objectifs, mais d'une majorité s'exprimant dans une élection démocratique. Ce qui peut se faire et ce qui est interdit est fixé par un vote majoritaire au sein d'un comité puis d'un parlement, même si cette majorité est faible. Puisque le parlement a voté l'avortement à douze semaines et que l'assemblée a décidé que la recherche sur l'embryon pourra se faire, l'avortement à douze semaines et la recherche sur l'embryon deviennent légitimes. Le moral est fixé par le légal.

Cette éthique ne peut être qu'une éthique en permanente évolution. Elle ne propose plus de repères définitifs, mais se plie aux fluctuations du temps. Ce qui était jugé mauvais hier peut être jugé bon aujourd'hui. Et inversement. Tout est donc possible, selon l'opinion dominante d'une assemblée, le changement des mœurs, les pressions exercées sur elle.

Qu'est-ce qui détermine le vote des comités et du parlement ? De plus en plus, c'est, non pas une grande vision politique de l'homme et de la société, mais l'avis des experts, en particulier des scientifiques et des techniciens auxquels s'en remettent les hommes politiques, qui ne peuvent pas tout connaître et qui souvent n'ont pas une idée philosophique, - encore moins religieuse -, très précise de l'homme. Jamais nous ne dirons assez de bien de la science et de la technique mises au service de l'homme et de son bien. Que de reconnaissance nous devons aux chercheurs pour leurs réussites en bien des domaines !

Mais grande est la tentation des chercheurs et des techniciens de se laisser séduire par l'exploit technique au prix de graves dégâts humains : ainsi les milliers d'embryons surnuméraires produits pour l'assistance médicale à la procréation ou les nombreux embryons parfaitement sains détruits lors de l'examen prénatal par prélèvement de liquide. Ils sont attirés par le prestige d'être les premiers à réaliser la prouesse dont on parlera, y compris pour certains d'être les premiers à réaliser le clonage reproductif. Ils sont soumis aux enjeux financiers et à la concurrence économique que représentent les nouvelles découvertes : les cellules souches embryonnaires et leur commerce, le marché à venir des ovules féminins en vue du clonage thérapeutique.

L'éthique devient alors de plus en plus une éthique de l'utilitarisme. Ce qui est déterminant dans la qualification éthique d'un comportement personnel ou social est son utilité pour les personnes ou la collectivité. Ainsi en est-il pour la recherche sur l'embryon, peut-être bientôt pour le clonage thérapeutique ou pour les dons d'organe qui risquent demain de n'être plus des dons, mais des prélèvements imposés.

Comment empêcher que cette éthique devienne une éthique de l'individualisme catégoriel ou individuel, donc une éthique de l'irresponsabilité ? Une société dominée par l'utilitarisme ne peut qu'amener les individus à prendre en elle ce qui les arrange et à refuser ce qui les gêne. « Je fais ce que je veux. J'ai ma conscience pour moi. Ma conscience ne me reproche rien ». « Je suis libre d'user de mon ventre comme je veux », scandaient certaines manifestations pour l'avortement. « Je suis maître de ma vie et de ma mort ». Pourquoi ne pas détruire les biens personnels ou collectifs pour imposer ma volonté ? Il n'y a pas que des jeunes à faire cela ! Pour tout inconvénient subi, chacun cherche des responsables en dehors de lui (dans la société, dans les institutions, dans les pouvoirs publics), et demande que lui soient versées des indemnités pour des dommages dont il est lui-même l'auteur.

Cette éthique s'oriente vers une éthique du fait accompli. La loi légalise les comportements déjà adoptés ou souhaités par l'ensemble d'une population. Les barrières, devant encadrer une loi, sont franchies peu à peu dans la pratique, et une nouvelle loi vient légaliser ces franchissements. De la loi dépénalisant l'avortement en 1975, on est passé à un droit reconnu, remboursé, donnant droit à des indemnités s'il n'a pas pu avoir lieu (cf. le fameux arrêt Perruche), librement proposé par la publicité, objet d'information comme tout autre événement.

Une telle éthique en arrive peu à peu à être, sans que l'opinion s'en formalise et même s'en aperçoive, une éthique de la valeur graduée de l'être humain. Certains hommes sont jugés plus ou moins hommes que d'autres. Ils peuvent être utilisés pour le bien et le progrès d'autres hommes, comme c'est le cas par exemple dans la détermination du statut de l'embryon ou les projets concernant les recherches sur l'embryon. On en arrive à cette demande inquiétante d'un homme politique connu qui suggère que bientôt obligation soit faite aux parents et aux médecins de ne pas laisser naître les enfants handicapés afin que leur vie ne pèse pas financièrement sur la société. Comment empêcher tel chercheur de considérer que certains êtres humains sont des « im-personnes », des « non-personnes », et même de dire qu'il n'y a pas de différence entre certains embryons humains et des embryons d'animaux ? Ce dernier exemple soulève l'indignation maintenant, mais jusqu'à quand ?

L'éthique dans la bioéthique et dans l'ensemble de la vie sociale est de moins en moins une éthique fondée sur la dignité objective de l'être humain, reconnu comme une personne ayant valeur en elle-même (cf. Gaudium et Spes), créé à l'image de Dieu, sauvé par le Fils de Dieu devenu homme, appelé à être divinisé et fils de Dieu en lui, en un mot une éthique fondée sur l'homme voulu par Dieu, ayant une valeur indépendante du jugement que les autres hommes peuvent porter sur lui. Une telle dérive inquiète, non seulement l’Église catholique, mais beaucoup d'hommes.

La disparition de plus en plus marquée de cette éthique fondée sur la dignité intrinsèque de l'être humain est à la base des prises de position de l’Église catholique sur les différentes orientations de la bioéthique et sur les dérives morales de la société. Elle a conscience qu'une telle éthique est en train d'envahir, non pas toutes les personnes, mais les mentalités et les comportements d'ensemble.

C'est pourquoi, quand elle dit « non » à de telles dérives, c'est en fait un grand « oui » qu'à la face du monde elle proclame à l'homme, à la vie, à l'avenir, au bonheur, éternel certes, mais déjà temporel. Devons-nous désespérer ? Bien sûr que non ! Beaucoup de personnes et d'associations œuvrent pour la véritable dignité de l'homme. Beaucoup de parents, d'éducateurs, de responsables, travaillent à revaloriser la formation morale des consciences. Là est l'avenir de l'humanité.

Mgr Raymond BOUCHEX
Archevêque d'Avignon
Bulletin Religieux du Diocèse d'Avignon, 25 Mai 2002.




Embryon mon amour
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Depuis que s’est ouvert le passionnant et, pour moi, stupéfiant débat sur le clonage reproductif humain, je ne cesse de méditer l’alternative élaborée par Claude Bruraire, professeur de philosophie à la Sorbonne : "Ou bien nous croyons, selon le vieux rêve de Prométhée, que l’homme doit tout ce qu’il est à lui-même, à ses conquêtes, à ses puissances, à ses choix historiques et personnels. Ou bien nous pouvons comprendre et savoir que nous sommes, dès l’origine, en dette de nous-mêmes, de notre être et de notre existence. Libres du don ou du refus, nous démettre de nous-mêmes serait à désespérer des chances de l’esprit."

On ne peut plus clairement tracer la ligne de partage entre ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, entre ceux pour qui tout est grâce et don de Dieu et ceux pour qui tout est matière et énergie, soumises aux lois du hasard et de la nécessité.

Par 325 voix contre 21, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture, le 22 janvier dernier, un projet de loi bioéthique qui autorise l’expérimentation sur l’embryon et entrouvre la voie au clonage. Ce vote a soulevé, parmi les chrétiens les plus conscients des enjeux et des conséquences d’un tel projet, une vague de stupeur et d’indignation.

Stupeur devant l’inconscience ou la désinvolture de la grande majorité de ceux qui sont censés avoir pour mission de protéger les biens les plus précieux de chacun des membres d’une société authentiquement humaine : la vie et la dignité. Indignation devant une nouvelle forme de massacre des innocents scientifiquement programmée et justifiée.

Des voix éminentes de biologistes et de philosophes, de médecins et de psychanalystes, de théologiens et de juristes se sont élevées pour dénoncer cette aberration. Jamais nos connaissances n’ont été aussi précises sur les tout débuts de la vie. Nous savons désormais que chacun de nous a commencé d’exister en une unique et merveilleuse cellule, riche de l’intégralité d’un patrimoine génétique unique et irremplaçable. Cette première forme de notre être a quelque chose d’extraordinaire. A partir d’elle, au gré des divisions cellulaires, les tissus vont se différencier et se spécialiser, mais c’est avec elle qu’un nouvel être est donné et que tout commence.

Tout est donné et tout commence, mais dans une impressionnante fragilité. En sa cellule initiale, l’embryon est à la fois si extraordinaire et si prodigieusement différent de nous que la question qu’il nous pose est d’une absolue radicalité : pour toi, suis-je quelqu’un ou quelque chose ?

Parmi toutes les voix qui se sont élevées pour répondre à cette question, il en est une dont la compétence scientifique et l’autorité morale m’ont plus particulièrement impressionné. Cette voix m’a aussi conforté dans ma protestation contre la dérive actuelle dans laquelle trop de scientifiques et de responsables politiques nous entraînent.

Cette voix est celle du Docteur Jean-Marie Le Méné, Président de la fondation Jérôme Lejeune.

Dans un texte adressé aux candidats à la magistrature suprême, il écrit : "Faut-il s’excuser de savoir et de dire que l’embryon est membre de la famille humaine ? Et qu’à ce seul et unique titre, il a droit absolu au respect, au dévouement et à la compassion de l’Etat qui n’a, en aucune façon, le droit de disposer de lui. Les actes collectifs tendant au mépris ou au respect de l’embryon sont, au sens strict, des actes de guerre ou de paix vis à vis de l’humanité. Le geste à l’égard de l’embryon est donc le critère majeur en politique. Embryon, mon amour, pour te défendre la campagne électorale sera courte".

Embryon, mon amour. La formule peut faire ricaner les cyniques. Pour ma part, puisqu’il s’agit de la vie et de la dignité de l’homme, je la trouve magnifique. Instruit par la Parole du Christ et l’enseignement de son Eglise, je n’ai jamais douté que la grandeur et la dignité que l’homme tient de son Créateur ne peuvent être accueillies et reconnues que dans un acte d’amour.

"C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra pour mes disciples" (Jn 13, 35), "Ce que vous avez fait à ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait" (Mt 25, 40). A l’écoute du Christ, nous ne cessons d’être appelés à aimer et nous savons que chacune de nos vies, entre les mains de son Père qui est notre Père (Jn 20, 17), ne pèsera que son poids d’amour.

A toutes les femmes qui, en apprenant qu’elles étaient enceintes, ont su dire “ Mon tout-petit, mon amour ”, je souhaite une belle et heureuse Fête des Mères.

Mgr André FORT
Évêque de Perpignan
Editorial du Bulletin diocésain de Perpignan, Mai 2002.



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Respecter la vie humaine en ses commencements

Déclaration du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France

Le gouvernement français a déposé un projet de loi relatif, en particulier, à l’interruption volontaire de grossesse. Même s’il est bien difficile de prendre des positions qui vont à l’encontre de l’idéologie dominante, des voix s’élèvent pour dire que les mesures préconisées ne vont pas de soi, ni du point de vue médical, ni à cause de leurs implications psychologiques, familiales, sociales ou philosophiques. Peut-on espérer qu’elles seront entendues de ceux à qui il revient de prendre des décisions ? Peut-on oser espérer qu’on abordera à frais nouveaux la question même de l’interruption volontaire de grossesse ?


Une évaluation qui reste à faire

Après 25 ans d’application de la loi de 1975, en effet, on compte 200 000 avortements annuels pour près de 720 000 naissances. On pourrait s’attendre à ce que la considération de tels chiffres entraîne un examen critique de la législation adoptée, de ses implications et de ses conséquences, en particulier dans la vie, le coeur, le corps des femmes qui ont subi l’avortement. Au lieu de cela, les dispositions projetées ressemblent à une fuite en avant, qui non seulement écartent les objections graves des praticiens mais ancre un peu plus dans les mentalités l’idée d’un droit à l’avortement. L’allongement du délai légal risque d’entraîner une plus longue soumission d’un certain nombre de femmes à la pression d’un entourage qui veut qu’elles avortent.

Faut-il ajouter que l’alignement sur la pratique d’autres pays européens n’est en la circonstance pas forcément à l’honneur de la France ? S’il est un domaine où on se réjouirait que celle-ci s’affirme différente, c’est bien celui du respect inconditionnel de la vie et de la dignité humaines.


La véritable liberté

Tout le monde s’accorde à reconnaître dans l’avortement un traumatisme ou un acte grave. Mais alors l’avortement relèverait-il d’une fatalité ? Comment se fait-il qu’on semble d’abord se préoccuper d’en faciliter l’accès, alors que le premier problème est de tout faire pour qu’aucune femme ne puisse penser qu’elle n’a d’autre solution que celle-là ? Parler de la liberté d’avorter est, à propos de beaucoup de femmes qui ont recours à l’avortement, d’une douloureuse ironie. Aider les femmes, c’est agir de telle manière qu’elles aient la liberté d’aller au terme de leur grossesse. Cette liberté est souvent liée, pour une large part, à la manière dont le père accepte de prendre ses responsabilités. Il paraît être le grand absent de tout ce qui se dit à propos de l’avortement.


S’agit-il d’un droit ?

Le sens du projet de loi serait de « faire progresser à nouveau le droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité ». Au delà du langage militant, de quel droit parle-t-on, puisque ce dont il s’agit, c’est de la mort de l’enfant non encore né ? Au lieu de « disposer de leur corps », combien de femmes sont dépendantes de la volonté des hommes et abandonnées par la société à leur solitude et à leur désarroi ? Que deviennent-elles ensuite lorsqu’elles comprennent, avec le recul du temps, qu’on a répondu à leur détresse par la mort de leur enfant, lorsqu’elles portent de façon douloureuse le geste qui a inscrit la mort en leur corps ?


Les mineures et leurs parents

Le projet de loi comporte « l’aménagement de l’obligation d’autorisation parentale pour les mineures souhaitant avoir recours à l’IVG ». On ne peut, certes, ignorer les difficultés familiales vécues par certaines des jeunes filles concernées. Mais quel signe va-t-on donner aux jeunes et à leurs parents ? Comment le drame caché pourra-t-il être ensuite assumé dans les relations familiales ? Il est dangereux de toucher, à partir d’une situation d’exception, au statut de la famille. En tous domaines, ce qui est capital, c’est d’aider les parents à jouer leur rôle. Qui, par ailleurs, protégera les mineures du poids que l’on fait peser sur elles en les pressant d’avoir recours à l’avortement ?


Le respect de la vie humaine

Les circonstances présentes amènent à réfléchir à toutes sortes de questions de ce genre. Mais chacune d’elles renvoie au problème fondamental du respect de la vie humaine. « L’avortement provoqué est le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d’un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance » (Jean-Paul II, Encyclique Evangelium vitae, 58).

Faut-il le redire ? Un embryon représente le commencement d’une vie dont l’épanouissement, s’il n’est pas entravé, se traduira par la naissance d’un enfant. Il n’est pas d’existence humaine qui n’ait commencé ainsi. Dès lors, tout embryon humain appartient à l’humanité, à l’ensemble des êtres humains qui la constituent.

Certes, beaucoup voudraient que ce caractère humain ne soit reconnu à l’embryon qu’à partir d’un certain stade. Mais l’humanité n’a pas le pouvoir de fixer des seuils d’humanité, et donc d’exclure de l’humanité. « La seule probabilité de se trouver en face d’une personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer l’embryon humain. […] L’Église a toujours enseigné, et enseigne encore, qu’au fruit de la génération humaine, depuis le premier moment de son existence, doit être garanti le respect inconditionnel qui est moralement dû à l’être humain dans sa totalité et dans son unité corporelle et spirituelle. […] lorsqu’il est encore dans le sein maternel ­ comme de nombreux textes bibliques en témoignent ­, l’homme est l’objet le plus personnel de la providence amoureuse et paternelle de Dieu » (Evangelium vitae, 60-61).

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Comment ne pas appeler une fois de plus tous ceux qui, en ce domaine, ont quelque pouvoir ­ nous pensons en particulier aux responsables politiques ­ à tout faire pour que les femmes enceintes en situation de précarité soient vraiment aidées, pour que toutes les femmes puissent trouver d’autres solutions que l’issue nullement fatale de l’avortement ? Puisque malheureusement, nous le savons bien, des femmes ont recours à l’avortement, nous encourageons vivement les personnes et les associations qui les aident, après qu’elles aient vécu ce drame, à retrouver un chemin d’estime d’elles-mêmes et d’amour de la vie humaine.

Paris, le 11 octobre 2000

Le Président : Mgr Louis-Marie Billé
Le Vice-Président : Mgr Jean-Pierre Ricard
Cardinal Jean-Marie Lustiger
Mgr Louis Dufaux
Mgr François Favreau
Mgr François Garnier
Mgr Bernard Housset
Mgr Georges Gilson
Mgr André Lacrampe
Mgr Yves Patenôtre
Mgr Gaston Poulain
Mgr Guy Thomazeau


Prière de Jean-Paul II
Position de l’Église catholique
Prière de la future maman
Morale et éthique
Embryon mon amour
Déclaration des évêques de France
Pour la défense de la Vie
source http:// spiritualité-chrétienne.com/pro-vie

 

Journée pour la Vie