
Déclaration de Mgr Jean-Pierre Ricard,
président de la Conférence des évêques de France
Ni euthanasie, ni acharnement thérapeutique
«Ni euthanasie ni acharnement thérapeutique»,
écrit le président de la conférence des évêques de France, qui souligne
que «la confusion entre mort délibérément provoquée et légitime interruption
de traitement est extrême».
Le drame de Vincent Humbert et de sa mère,
et sa tragique issue, ont provoqué une grande émotion dans notre pays. Chacun
pressent l’ampleur de leur épreuve, en cette situation marquée par de si
lourds handicaps et une totale dépendance. Ni les circonstances particulières
de ce drame ni l’aide qui aurait pu être apportée à ces personnes en détresse
n’ont fait l’objet d’une grande attention, à la différence de la demande
de mourir du jeune homme qui a été si largement commentée. Il y aurait aussi
beaucoup à dire sur les répercussions de tout cela sur les personnes atteintes
de handicaps semblables à ceux du jeune Vincent. Le débat public soulevé
par ces événements s’est concentré sur la question d’une acceptation par
la société de l’euthanasie. Une fois de plus, des voix s’élèvent pour demander
que soient reconnues des exceptions à la loi qui réprouve toute forme d’homicide.
La position de l’Église catholique est constante à ce sujet : la valeur
de l’interdit du meurtre demeure fondatrice. Le Conseil permanent des évêques
de France le réaffirmait en 1991 : «L’homme n’a pas à provoquer délibérément
la mort de son semblable ; cela dépasse son pouvoir. "Tu ne tueras
pas" (Ex 20, 13) demeure une exigence morale inéluctable, et, pour
le croyant, un commandement de Dieu. L’acceptation, plus même, la légitimation
de l’euthanasie, ne seraient pas un progrès mais une grave régression pour
notre société».
Tout en demeurant clairement attachée à l’interdiction de toute forme d’homicide,
l’Église catholique s’est également toujours prononcée pour un soin raisonnable
et humain, qui n’implique aucunement l’obligation de maintenir la vie à
tout prix. La déclaration du Conseil permanent de 1991 le rappelait en ces
termes : «Tout homme a le droit et a le devoir, en cas de maladie grave,
de recevoir les soins nécessaires pour conserver la vie et la santé. Mais
un tel devoir n’implique pas pour lui le recours à des moyens thérapeutiques
inutiles, disproportionnés ou imposant une charge qu’il jugerait extrême
pour lui-même ou pour autrui. […] Il est légitime de s’abstenir des traitements
qui apporteraient peu de bénéfices au regard des désagréments, des contraintes,
des effets nocifs ou des privations qu’ils entraîneraient. On pourra interrompre
ces traitements lorsque les résultats en seront décevants. Un juste respect
de la vie humaine n’exige pas davantage».
Le pape Jean Paul II affirmait à son tour cette position en 1995 : «Le
renoncement à des moyens extraordinaires ou disproportionnés n’est pas équivalent
au suicide ou à l’euthanasie ; il traduit plutôt l’acceptation de la condition
humaine devant la mort».
Aujourd’hui la confusion entre mort délibérément provoquée et légitime interruption
de traitement est extrême, y compris dans certains milieux médicaux. Cette
confusion ne facilite pas le nécessaire discernement éthique. Il est par
conséquent devenu capital pour notre société de s’interroger sur les fonctions
de la médecine, de façon à donner aux médecins des indications suffisamment
claires sur les limites de leur mission. L’enjeu est de taille pour notre
société. Il s’agit d’offrir à tous une médecine à visage humain et respectueuse
de la volonté du malade tout en garantissant le respect intangible de l’interdit
de l’homicide.
+ Mgr Jean-Pierre Ricard
[09/10/2003]
Source : www.cef.fr
Mgr Jean-Pierre Ricard, Archevêque de Bordeaux, est Président de la Conférence
des évêques de France.