
"L’Eglise est contre
la sexualité", un "cliché" devenu défi pastoral
« France : témoin d’espérance pour le nouveau millénaire »
CITE DU VATICAN, Mardi 4 décembre 2001 (ZENIT.org)
- Le premier défi à relever pour les catholiques, pour la promotion du mariage
et de la famille, est c'est celui d'une "vision positive de la sexualité", indique Mgr Vingt-Trois. Ce "cliché"
que "L'Eglise est contre la sexualité" est devenu un "défi"
pour la pastorale familiale.
"Il y a quelque paradoxe à affirmer que la France puisse être un témoin
d’espérance pour le troisième millénaire, surtout dans le domaine de la
famille après la législation mise en œuvre dans notre pays depuis bientôt
trente ans. Aussi le bref développement du titre : "perspectives et
défis" est-il le bienvenu", indique Mgr André Vingt-trois au seuil
de son exposé sur la famille en France, lors du symposium organisé, le 1er
décembre, à l'athénée pontifical "Regina Apostolorum", à Rome,
sur le thème: « France : témoin d’espérance pour le nouveau millénaire ».
Mgr Vingt-Trois termine sur une note optimiste: "le bon sens finira
par l’emporter". Mgr Vingt-trois est archevêque de Tours et président
de la commission épiscopale française de la Famille. On peut se procurer
les Actes du colloque en en faisant la demande à l'adresse: France@upra.org
.
Mgr Vingt-Trois présente un "bref inventaire des points sensibles qui
marquent l’image de la famille dans ce troisième millénaire qui commence".
Il signale d'abord les "ruptures culturelles", puis présente le
premier défi qui se propose à l'Eglise: "vision positive de la sexualité"
(pour répondre au slogan: "l’Eglise est contre la sexualité",
accusation non sans "fondements historiques"), explique que les
jeunes continuent de demander à l'Eglise ce qu'ils appellent un « vrai mariage
» - deuxième défi -, et - troisième défi - "le rapport entre les deux
sexes". La question ne concerne pas seulement l'Eglise mais l'humanité,
souligne l'archevêque: "La position de principe du mariage unique et
définitif est un témoignage que nous devons continuer à donner sans aucune
espèce de doute et d’état d’âme. Faute de quoi nous perdrions notre crédit,
ce qui n’est pas dramatique, mais surtout nous ferions tort à l’humanité
entière et pas seulement à nos propres fidèles". Et de conclure: "Je
suis convaincu que le bon sens finira par l’emporter sur les mythes de l’unisexualité
ou de l’androgynie. C’est la réalité de notre foi en l’Incarnation qui est
en cause. Jésus n’était pas citoyen du monde, il était juif. Il n’était
pas homme ou femme, ni homme et femme, il était homme, vrai homme".
Parmi les "ruptures culturelles", Mgr Vingt-Trois signale la première
"transformation des représentations culturelles et des discours sur
la réalité familiale", la première "mutation", concerne la
"privatisation" qu'il décrit en ces termes: "Peu à peu la
norme sociale et le consensus qui pouvait la soutenir se délitent au profit
d’une conception de plus en plus étendue du domaine de la vie privée. Cette
mutation est clairement manifestée pour tout ce qui concerne le mariage
et la vie familiale. Alors que, dans la période précédente, le mariage était
reconnu comme un lien social qui débordait les limites personnelles de l’engagement
des époux, on en vient très rapidement à ne considérer dans l’engagement
matrimonial que le simple contrat privé".
D'où la fragilité du lien. "Selon cette approche, explique l'archevêque
français, il ne concernerait que les deux intéressés et ne tiendrait dans
la durée que pour autant que les époux veuillent le maintenir et y trouvent
chacun leurs intérêts. Dès lors, la dissolution de ce lien n’est plus, elle
aussi, qu’une affaire privée dans laquelle la société n’intervient que dans
les cas de conflits graves à arbitrer judiciairement. Mais on ne considère
plus que l’état a quelque chose à défendre dans la stabilité du mariage,
et quelque chose qui aurait une importance pour la société tout entière".
Le mariage est perçu comme un "engagement à temps limité", et
le divorce "devient la simple expression de l’étape à franchir à un
moment donné". "Il est clair que cette extension statistique,
-et surtout psychologique-, du divorce donne de l’engagement conjugal une
toute autre image que celle d’un engagement définitif. Il accentue le sentiment
qu’il s’agit d’un engagement provisoire", explique Mgr Vingt-Trois.
Troisième "mutation": "la normalisation des changements",
comme "conséquence logique de la dissociation entre relation sexuelle
et engagement personnel", d'où une "dévalorisation de la relation
sexuelle". "Dès lors que la relation sexuelle est détachée, au
moins dans le discours, des relations affectives, psychologiques et existentielles,
elle devient un simple langage physique dans lequel le partenaire n’a de
consistance que dans cette relation elle-même. C’est à la fois une réduction
de la personne à ses performances sexuelles et une dévalorisation de la
relation sexuelle détachée de tout engagement interpersonnel".
Une conception qui se reflète dans l'éducation. Mgr Vingt Trois déplore
que "les programmes de soi-disant éducation sexuelle" se résument
"à des conseils prophylactiques pour favoriser, sans risque, les relations
avec des partenaires multiples". "Le changement de partenaires
et l’instabilité qu’il suppose s’étend à une certaine apologie de l’homosexualité",
ajoute l'archevêque.
Or, le premier défi auquel les chrétiens sont confrontés est d'abord d'ordre
"médiatique", indique l'archevêque: "Les slogans qui courent
sur la conception chrétienne de la sexualité sont une sempiternelle répétition
d’un cliché : l’Eglise est contre la sexualité. Même si nous devons reconnaître
que cette accusation n’est pas sans certains fondements historiques, nous
savons bien que, parallèlement à une tradition de refus du corps, -tradition
qui fut toujours suspecte dans le christianisme-, se développait une réelle
estime de la réalité physique de l’amour conjugal, au point d’en faire un
des fondements et un de signes du mariage valide. Comment expliquer cet
entêtement dans la caricature de la doctrine et de l’enseignement de l’Eglise
? Mon hypothèse est la suivante : ces idées toutes faites jouent un rôle
d’exorcisme. Elles permettent de récuser a priori non seulement le discours
chrétien mais encore tout discours raisonnable sur la sexualité, sans avoir
à se donner la peine de l’analyser et de l’affronter dans son contenu".
Le défi est aussi "anthropologique": la perspective de l'Eglise
est "personnaliste". "Loin de sous-estimer ou de mépriser
la sexualité il en propose une compréhension positive en exposant les conditions
éthiques de cette positivité... L’union des corps y est toujours exaltée
comme l’expression d’une catégorie anthropologique fondamentale qui est
celle du don interpersonnel. Dans cette perspective personnaliste, on devient
soi-même dans le don que l’on fait de soi par amour, en même temps que l’on
permet à l’autre de devenir lui-même. Si bien que la relation sexuelle n’est
plus un lieu de domination et d’aliénation, mais un lieu d’accomplissement
dans une relation qui unit en une seule chair ce que la nature a donné séparé
(sexualité=séparation). Pour être achevé et accompli en plénitude, encore
faut-il que ce don soit un engagement total, une perte de soi pour naître
à la vie".
"La sexualité n’est plus alors, comme on nous la présente trop souvent,
le règne de l’arbitraire des pulsions dominé par l’angoisse des dangers.
Elle est, jointe à l’union des esprits, la forme sacramentelle de la communion
des personnes". D'où le défi qui attend les éducateurs: "L’enjeu
de cette espérance ne sera atteint que si nous développons nos capacités
de présenter aux adolescents la relation sexuelle, non comme une tombola
des sentiments et des risques, mais comme l’aboutissement et le couronnement
d’un choix de toute la personne engagée dans une relation affective et responsable".
Pour ce qui est de la "demande", plus de 250.000 jeunes français
se présentent chaque année pour se marier à l’église, indique l'archevêque
de Tours. Ils disent souhaiter un "vrai mariage", "un mariage
qui apporte plus de sécurité et de garanties que le mariage civil".
Mais attention aux "illusions" ajoute Mgr Vingt-Trois: "L’image
que donne l’Eglise catholique d’être promotrice d’un vrai mariage est directement
liée à sa conviction exprimée sur l’engagement définitif, à son application
dans le rejet du divorce comme première et seule solution de toutes les
crises conjugales et à son refus de célébrer une seconde union après divorce".
L’approche pastorale de "situations douloureuses" doit être améliorée,
remarque Mgr Vingt-Trois. "Mais la position de principe du mariage
unique et définitif est un témoignage que nous devons continuer à donner
sans aucune espèce de doute et d’état d’âme. Faute de quoi nous perdrions
notre crédit, ce qui n’est pas dramatique, mais surtout nous ferions tort
à l’humanité entière et pas seulement à nos propres fidèles".
Mgr Vingt-Trois rappelle les trois "conditions fondamentales du mariage"
que sont liberté, unicité et fécondité". Une conception qui, dit-il,
"rejoint très profondément les attentes de ceux qui décident de se
marier alors que plus rien ne les y oblige, ni pression sociale, ni avantages
fiscaux, financiers ou administratifs. A fortiori, il rejoint les attentes
de ceux qui viennent se marier à l’église, alors qu’ils y sont encore moins
poussés, même s’ils sont peu attachés à la foi".
"Le troisième défi qui nous attend est celui du rapport entre les deux
sexes, continue l'archevêque. Nous savons combien les représentations de
chacun des sexes, de leurs rôles et de leurs missions, des relations mutuelles
qui en découlent, sont marquées par les accentuations culturelles d’une
société et sujettes à évoluer à mesure que les conditions sociales et culturelles
évoluent elles-mêmes. Il n’est donc pas surprenant que dans ce domaine,
plus qu’en d’autres peut-être, les indications héritées de la tradition
chrétienne soient soumises à examen et contestées dans leur permanence à
travers les différents systèmes sociaux".
Après avoir examiné l'Ecriture Sainte, Mgr Vingt-Trois interroge: "Est-il
besoin de la Révélation biblique pour constater qu’il y a de réelles différences
entre l’homme et la femme ?". Il soigne ce "paradoxe": "Nous
n’avons jamais été aussi informés sur les interactions du corps et de l’esprit
et nous feignons de les ignorer pour n’en pas tenir compte". "Cette
différence fondatrice entre l’homme et la femme s’exprime et se réalise
normalement dans des différences de rôles et de missions".
Car "évolution" ne signifie pas "disparition" de ces
différences. "La mission commune des deux sexes de contribuer, chacun
selon ce qu’il est, à la conception et à l’éducation des enfants, ne retire
pas à la femme l’exclusivité de la maternité, pas plus qu’elle ne retire
à l’homme le rôle de la paternité", précise Mgr Vingt-Trois. Plus encore,
"cette différence est un plus pour l’humanité et pour l’Eglise... Elle
seule permet à l’homme et à la femme d’exprimer chacun le meilleur de ses
possibilités".
Défendre une telle conviction est un défi "dans une culture occidentale
qui fait de la fusion son mode habituel de relation". "Mais je
suis convaincu que le bon sens finira par l’emporter sur les mythes de l’unisexualité
ou de l’androgynie. C’est la réalité de notre foi en l’Incarnation qui est
en cause. Jésus n’était pas citoyen du monde, il était juif. Il n’était
pas homme ou femme, ni homme et femme, il était homme, vrai homme",
conclut Mgr Vingt-Trois.