Le Christ et la samaritaine           

 

 

(Jean 4, 1-45).

Je vous invite à me suivre pas à pas dans l'étude d'un texte qui relate un bout du cheminement que Jésus fit avec une femme, connue sous le nom de Samaritaine. Vous serez sans doute agréablement étonnés des surprises que nous réserve cette promenade qui débouche sur bien des découvertes au fil des virages et des sentiers empruntés.

1. Mémoire douloureuse:

v.4: "il fallait qu'il passe par la Samarie". Ce n'était pas une obligation géographique ou topographique, car il aurait pu prendre une autre route. Était-ce une obligation malheureuse, du type: il fallait encore que tu manges la confiture alors que tu viens de mettre ta chemise blanche qui maintenant est sale... Ou bien est-ce de la provocation: Jésus qui cherche non pas la confrontation avec des adversaires, mais l’affrontement avec les ennemis au coeur de leur fief intégriste, quitte à courir le risque de se faire tuer ou du moins tabasser? Avait-il autre chose en tête, et si oui quoi?

Nous sommes à une époque particulière et à un endroit spécial, les renseignements historiques et les détails géographiques dont nous disposons dans le texte sont riches d'enseignement: la ville de Sychar, au coeur de la Samarie, en compétition avec Jérusalem, le poumon d'Israël, avec des questions vitales portant

sur le lieu: Quel est le bon endroit pour la vraie adoration: la Samarie? Israël? Sychar? Jérusalem? le Mont Garizim? le Sinaï? Ma montagne? Ma ville?

sur les gens: qui sont les meilleurs? les Samaritains? les Juifs? les Pharisiens?Jean-Baptiste? Jésus? les disciples duquel des deux? les croyants? les libéraux ou les fondamentalistes?

Nous avons en tout cas une certitude: souvent nous croyons que sommes meilleurs que les gens du monde. Il y a très nettement un contexte de compétition, de rivalité: (voir les versets 1 et 2). C'est une configuration mentale du type diabolique, en grec diabolos (le diable) signifiant celui qui divise, qui établit la rivalité et la compétition entre les gens (l'un se croyant supérieur à l'autre, alors qu'il est peut-être simplement différent de lui); rivalité aussi et exclusion entre les lieux qu'ils habitent, même entre les lieux qu'ils vénèrent dans leur mémoire (nous reparlerons de cet aspect avec la Samaritaine et dans sa manière d'établir des rapports avec les lieux du passé qu'elle évoque en dialoguant avec Jésus).

Peut-être qu'une des raisons qu'avait Jésus de passer en Samarie était de changer cette mentalité, cette rivalité, pour la métamorphoser en réconciliation et en coopération.

Il y a aussi le champ de Jacob, donné à son fils Joseph, et surtout ce puits, vivant dans la mémoire individuelle de la femme, et dans la mémoire collective de la tribu dont elle faisait partie, tout en se situant "à la marge" (pas vraiment à la margelle). Endroit magique, imprégné d'une histoire passée qu'on ne peut évoquer sans être touché, sans vibrer, car elle évoque avant tout la mémoire affective. Jésus s'y assied, fatigué. Un détail chronologique: c'est la sixième heure, le soleil au zénith, frappant dur comme du plomb. C'est l'heure où les gens "normaux" restent chez eux, à l'ombre. C'est le moment propice pour faire des rencontres... bizarres, avec des gens étranges: c'est en tout cas là que vont se croiser, une femme (pas comme les autres), et un homme (unique en son genre).

Présentation des personnages:

v.7: "une femme de Samarie", encore assez anonyme, une femme. Jésus qui lui demande d'intervenir dans la satisfaction d'un de ses besoins fondamentaux, vitaux: "donne-moi à boire". Pour l'autre besoin vital, manger, les disciples étaient allés dans le supermarché d'à côté.

v.9: "la femme samaritaine", l'article défini précise un peu, le zoom se focalise plus sur elle. Elle se renferme pourtant sur elle-même: comment me demandes-tu, à moi, femme (à l'époque, elles ne jouissent pas d'une grande estime), en plus, moi, une samaritaine, que vous juifs vous considérez comme des tarés, ce qui n'est pas que faux quand on connaît les problèmes de dégénérescence dus à la consanguinité).

Il n'y a pas ou que peu de contacts entre ta tribu et la mienne, entre ma secte et la tienne. C'est l'auteur lui-même, Jean, qui pose le diagnostic: "les juifs en effet, n'ont pas de relations avec les samaritains". Le texte grec dit: pas de “synchronos”, c'est à dire pas de synchronie, d'harmonisation du temps, il y a toujours un décalage à nos pendules, aux montres de nos histoires respectives: c'est ou trop tôt ou trop tard, mais jamais le moment opportun, adéquat, pour faire quelque chose en commun. Pas une symphonie, mais une cacophonie, pas une groupe homogène, mais hétérogène, pas une action complémentaire, mais une rivalité= mentalité tribale, clanique, diabolique (dans le sens de la division, du conflit).

v.10: Jésus, face à ce positionnement sectaire, tente d'élever le débat et de débloquer la situation, de défaire les noeuds qui emprisonnent. Mais elle reste, pour le moment, dans sa configuration mentale de cloisonnement, dans son système mi-clos, mi-fermé, derrière lequel on se barricade grâce aux multiples mécanismes de défense possibles.

v.11: "tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond, d'où aurais-tu cette eau vive? "= réponse de type fonctionnaliste: comment ça marche? matériellement, techniquement? Rappelle la réponse du Nicodème au chapitre précédent (comment retourner dans le ventre de sa mère?). Et toujours ce schéma de compétition, d'inféodation à un lieu qui prouve la supériorité de mes ancêtres: "es-tu plus grand que notre père Jacob...". On est tellement bien à l'abri des murs de séparation, alors que lui, qui est le plus Grand, s'abaisse jusqu'à nous pour nous rejoindre dans l'humanité, et invite à jeter des ponts, pas à ériger des murs de séparation.

v.13-14: Jésus n'en reste pas qu'au bas de la pyramide des besoins: satisfaction des besoins vitaux (respirer, manger, boire, dormir), sinon on meurt. Il sait comme nous que la privation des besoins est source de frustration et de mal-être. Une personne qui souffre, qui est mal-adaptée, est souvent celle qui a été privée de la satisfaction des besoins plus élaborés tels que la tendresse, le droit à la sécurité, la confiance, le besoin d'appartenance et d'appréciation, l'estime de soi et la reconnaissance... Jésus indique qu'il est possible de

trouver la satisfaction de tous ces besoins, même de la soif la plus profonde, mais de manière définitive, de telle sorte qu'on devienne "source d'eau" à son tour, inducteur de satisfaction et non plus de frustration permanente. La femme est interpelée par ces paroles, elle a confiance en lui et le respecte ("Kurios", "Seigneur", pour la 2ème fois, v.11 et 15).

v.15 et ss: elle s'ouvre, enfin, elle peut exprimer qu'elle a une soif très profonde, et qu'elle en a assez de venir puiser ici. Jésus en profite pour évoquer le passé douloureux, la mémoire affective blessée, qu'il est peut-être plus facile de refouler ou d'oublier par l'amnésie (mais la blessure reste quand-même là). Appel au mari; pas là. Tu en as cinq, et celui que tu as n'est pas le tien. Démarche moitié diplomatique moitié provocante, mais avec finesse et délicatesse, sans jugement hâtif et définitif: tu es en concubinage, en situation de péché irrémédiable...

v.19: elle reconnaît qu'il est prophète. En réalité, ce n'est pas très difficile, tout le monde devait être au courant, avec radio-cocotier, téléphone arabe, agence de presse adventiste... L'endroit (puits), qui était lieu de souffrance, d'isolement, devient lieu de bénédiction, l'endroit pour régler un vieux problème, qui remonte en surface parce que maintenant c'est le bon moment, opportun et favorable (kairos), parce que la situation est mûre (pleroma), et surtout parce que Lui ne l'a pas ni rejetée ni commis avec elle le péché d'une relation trop intime basée sur la pitié fusionnelle. La femme s'est ouverte un peu, puis elle se retranche à nouveau derrière le mécanisme de défense qui consiste en l'appartenance tribale: nos pères ont adoré... Jésus remplace l'importance de l'endroit et la primauté topographique par la qualité de la motivation du coeur, et par la nécessité de s'élever au-dessus des contingences tribales (avait déjà dit la même chose à Nicodème: il faut naître d'en haut, se ressourcer auprès du père céleste), non pas pour déjà être au ciel et y rester, mais pour puiser en lui les forces nécessaires au combat quotidien de notre vie.

Finalement Jésus se révèle comme le Messie, les disciples reviennent (ils n'ont rien compris, comme d'habitude), et la femme devient inductrice d'évangile, porte-parole et témoin de sa propre libération, fondée sur l'acceptation ou l'aveu de la faute passée: "Venez-voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait, ne serait-ce point le Christ" v.28.

La reconnaissance de la faute, de l'erreur, consentie au bon moment et dans les bonnes conditions, accompagnée de l'aveu sincère, libère et permet de réinvestir positivement l'énergie laissée si longtemps au repos ou utilisée à l'autodestruction. En même temps, la culpabilité est transformée en responsabilité et le remords en regret d'avoir commis du tord à quelqu’un.

Grâce à ce témoignage de la femme, qui maintenant est en voie de guérison par un triple pardon accordé et reçu: par rapport à Dieu, par rapport aux autres et par rapport à soi-même); les autres membres du village, du clan, écouteront, verront le changement, croiront, puis découvriront par eux-mêmes, que Jésus est non pas un simple prophète ou un seigneur, mais bien le Sauveur du monde (v.42). Nous assistons là à l’aboutissement d’un changement de mentalité, d’un élargissement du champ de conscience, qui permettra le passage d’une conception des choses et des gens assez limitée à un perception plus universaliste et englobante.

2. Implications pratiques:

1) Jésus est venu pour apaiser toutes nos soifs, toutes nos sécheresses personnelles et collectives, comme le montre le cheminement de cette femme à la recherche du temps perdu: v. 25, elle est en quête, en attente, car elle aspire à la venue du Messie: "Je sais que le Messie doit venir, quand il sera venu il nous annoncera toutes choses"; elle est soulagée et libérée, comme nous le voyons au verset 29Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait...; et enfin, elle est inductrice d'évangile, porteuse de bonne nouvelle, v.39: "Plusieurs samaritains crurent à cause de cette déclaration formelle de la femme: Il m'a dit tout ce que j'ai fait…”

2) Il a un projet pour chacun en particulier et pour nous tous en tant que familles (biologiques, sociales et spirituelles-églises), et invite à rentrer dans un projet, dans une perspective d'avenir, non par pour survivre sous le poids de la culpabilité, de la dette à payer ou du plaisir à rechercher à tout prix, mais pour vivre, dans la joie des retrouvailles et du bonheur à construire,

3) le premier pas vers le changement consiste à accepter qu'on a été faillible dans tel ou tel registre (chacun sait où il doit changer: une faille dans un domaine ne devient pas forcément la faillite générale d'une personne ou d'un système), puis à Lui avouer la faute, le manquement, en vue de la transformation en profondeur par Lui avant de se rendre auprès de la personne offensée ou blessée. La mémoire douloureuse devient ainsi l'occasion d'un réinvestissement porteur de sens et d'espoir, avec toutes les nouvelles potentialités qui s'y rattachent,

4) Il ne condamne pas mais libère et pardonne, demandant en retour à ceux qui ont bénéficié de son pardon d'être prêts à leur tour à l'offrir, à s'engager résolument sur le chemin de la réconciliation (la vraie, celle qui passe par le Fils: Sohn, Versöhnung...),

5) La vie est faite de certitudes, mais aussi d'hésitations: celle du chrétien aussi, avec l'exigence de vivre les certitudes, d'éviter les erreurs et de rectifier celles qui ont été commises. Ceci implique une certaine dose de flexibilité, de tolérance, de modestie (ne pas se prévaloir de ce qu'on sait) et d'humilité (savoir ce qui me manque encore), avec la capacité d'aller vers le monde et l'autre en l'interrogeant pour le découvrir, apprendre de lui grâce aux échanges possibles entre lui et moi, ce qui d'ailleurs ne signifie pas que je doive renoncer à mes principes, aux valeurs qui m'ont été transmises et que j'essaie de partager,

6) Ainsi si le chrétien a droit à l'erreur, il a aussi le devoir de rectifier. Comme le dit le philosophe Karl POPPER: "L'homme est le seul être vivant bénéficiant de l'extraordinaire chance de pouvoir faire mourir ses idées à sa place... il est vital pour la société ouverte de douter que nous détenions la vérité. Mais il est mortellement dangereux de douter qu'on puisse la trouver...",

7) L'Eglise n'échappe pas à cette réalité: elle a pu se tromper. Chacune des communautés éclésiastiques est confrontée avec le rendez-vous douloureux de ses propres erreurs et de ses errements à reconnaître et à surmonter. Sur ce chemin, elle doit être habitée par ce Sauveur, qui est déjà venu, et qui bientôt, reviendra, Lui "qui est notre paix... qui a renversé le mur de séparation, l'inimitié.." (Ephésiens 2).

Jean-Michel MARTIN
 

 

 

Chapitre 21  :  Le message UNIVERSEL de Jésus à la samaritaine

 

Après la mort de Salomon qui régna (comme son père David) sur douze tribus d'Israël, vint un schisme qui sépara le pays d'Israël en deux royaumes : celui de Jérusalem et celui de Samarie. Les juifs de Jérusalem haïssaient les juifs de Samarie (les samaritains) qui avaient construit à Sichem un temple rival à celui de Jérusalem.

HYRCAN 1er, roi des juifs de Jérusalem (régna de -134 à -105) envoya ses deux fils : Aristobule et Antigone mettre le siège à la ville de Samarie. Ce siège fut long et cruel, car les assiégés livrés à une épouvantable famine en vinrent à manger des cadavres et ce qu'ils n'avaient pas l'habitude de manger ...

Le temple de Sichem et la capitale Samarie furent rasés et reconstruits 80 ans plus tard par le roi Hérode le Grand. (Histoire des juifs - Flavius Josèphe)

Malgré cette vieille haine réciproque, Jésus s'est souvent rendu chez les samaritains pour les enseigner, puisqu'ils adoraient en fait le même Dieu, observaient les commandements de Moïse et acceptaient le Pentateuque (les 5 premiers livres de la Bible).

C'est donc dans ce climat d'hostilités que Jésus, un jour d'été s'arrêta à Sichem au bord du puits de Jacob et demanda à boire à une étrangère qui fut très choquée qu'un juif ose lui adresser la parole. Et un formidable dialogue s'engagea entre ces deux personnes :

Et Jésus lui répondit :

La femme écoute ces paroles surprenantes qu'elle ne comprend pas, mais elle s'aperçoit tout de suite qu'elle n'a pas devant elle un juif ordinaire, alors elle va désormais l'appeler Seigneur !

Jésus lui répond :

Pendant quelques instants la femme se tait et réfléchit, et n'ayant pas compris que Jésus lui offrait des paroles pour désaltérer son âme, lui répond avec sa naïve simplicité :

A ce moment Jésus voit que la femme ne comprend pas le message qu'il voulait lui donner et le Maître agacé lui dit :

A ce moment Jésus plonge un regard instantané dans le bilan et la vie cachée de cette pauvre femme qui a traversé de nombreuses difficultés :

Cette fois la femme est bouleversée ! Comment un étranger qu'elle n'a jamais rencontré  auparavant est capable de savoir des choses qu'elle a caché même à son entourage ?  Alors elle lui déclare :

Et puisqu'elle a cette chance inespérée de pouvoir parler à un vrai prophète, elle va immédiatement en profiter pour lui poser la grande question qui la préoccupe depuis son enfance :

Et Jésus va aider cette petite foi chancelante :

Nous nous excusons de reprendre ce fameux dialogue déjà détaillé dans le site consacré au Bimillénaire de la naissance de Jésus de Nazareth. Mais nous pensons que les affirmations concernant la prière, la façon de prier, l'endroit où l'on prie sont expliquées de manière tellement importante pour un dogme universel, qu'il fallait les répéter pour ceux qui n'auraient pas encore lu cet autre SITE. En quelques lignes Jésus dans sa prophétie indique qu'il viendra un temps où ce ne sera plus à Jérusalem, à Sichem ou à Rome... que les VRAIS adorateurs de l'Eternel le prieront mais dans leur cœur qui deviendra le vrai temple du Saint-Esprit...

Koran  23 - 52 :

Nous fîmes du fils de Marie, ainsi que de sa mère, un signe pour les hommes. Nous leur donnâmes à tous deux pour demeure un lieu (spirituellement) élevé, sûr et abondant en sources d'eau.

Koran  02- 254 :

(...) Nous avons envoyé Jésus, fils de Marie, accompagné de signes évidents et nous l'avons fortifié par l'esprit de sainteté.

Koran  23 - 53 :

Prophètes de Dieu nourrissez-vous d'aliments bons au goût, pratiquez le bien, je connais vos actions.

Koran  23 - 54 :

Votre religion, celle que vous prêchez est UNE. Je suis votre Seigneur, craignez-moi.

 

 

 

 

 

La Bible en images

 

Nouveau Testament, vie publique de Jésus Christ.

 

Rencontre avec la samaritaine au puits de Jacob.

Le puits de Jacob, Terre Sainte

La samaritaine au puits, Ethiopie

Evangile de
St Jean chapitre 4,4-30

 

La samaritaine au puits, crèche catalane, Espagne

 

 

Le mont Garizim où adorent les samaritains

Le mont Garizim où adorent les samaritains

Les samaritains adorent sur le mont Garizim et non pas au Temple de Jérusalem.

 

 

 

La Samaritaine


Jean 4, 1-42

Au temps de Jésus, les Samaritains sont considérés par les Juifs comme des schismatiques qu'il est interdit de fréquenter et auxquels on ne doit demander aucun service. Samaritains et Juifs ont chacun leur Temple et se haïssent.

Jésus parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure. Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : "Donne-moi à boire". Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : "Comment ? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine !" Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. Jésus lui répondit : "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : "Donne-moi à boire", c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive". La femme lui dit : "Seigneur, tu n'as pas même un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc, cette eau vive ? Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ?" Jésus lui répondit : "Quiconque boit de celle-ci aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle". La femme lui dit : "Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici". Jésus lui dit : "Va, appelle ton mari et reviens ici". La femme lui répondit : "Je n'ai pas de mari". Jésus lui dit : "Tu dis bien : "Je n'ai pas de mari"; tu en as eu cinq et l'homme que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai". "Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu'à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer". Jésus lui dit : "Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité". La femme lui dit : "Je sais qu'un Messie doit venir - celui qu'on appelle Christ. Lorsqu'il viendra, il nous annoncera toutes choses". Jésus lui dit : "Je le suis, moi qui te parles". Sur quoi les disciples arrivèrent. Ils s'étonnaient que Jésus parlât avec une femme; cependant personne ne lui dit "Que cherches-tu ?" ou "Pourquoi lui parles-tu ?" La femme alors, abandonnant sa cruche, s'en fut à la ville et dit aux gens : "Venez donc voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Christ ?" Ils sortirent de la ville et allèrent vers lui. Entre temps, les disciples le pressaient : "Rabbi, mange donc". Mais il leur dit : "J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas". Sur quoi les disciples se dirent entre eux : "Quelqu'un lui aurait-il donné à manger ?" Jésus leur dit : "Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre. Ne dites-vous pas vous-mêmes : "Encore quatre mois et viendra la moisson" ? Mais moi je vous dis : levez les yeux et regardez; déjà les champs sont blancs pour la moisson ! Déjà le moissonneur reçoit son salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, si bien que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. Car en ceci le proverbe est vrai, qui dit : "l'un sème, l'autre moissonne ce qui ne vous a coûté aucune peine; d'autres ont peiné et vous avez pénétré dans ce qui leur a coûté tant de peine". Beaucoup de Samaritains de cette ville avaient cru en lui à cause de la parole de la femme qui attestait : "Il m'a dit tout ce que j'ai fait". Aussi lorsqu'ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer parmi eux. Et il y demeura deux jours. Bien plus nombreux encore furent ceux qui crurent à cause de sa parole à lui; et ils disaient à la femme : "Ce n'est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons; nous l'avons entendu nous-mêmes et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde".

(Jean 4, 1-42)



Le septième homme

Les Juifs considèrent les Samaritains comme des faux-frères. On ne discute pas avec eux. On ne discute pas non plus avec une femme. On ne fréquente pas les pécheurs. Voilà le comportement normal d'un Juif pieux. On comprend donc l'étonnement des disciples devant Jésus qui discute avec une femme, une Samaritaine, vivant en concubinage après avoir eu cinq maris. Mais Jésus n'est pas sectaire et s'adresse à tous, particulièrement aux pécheurs et aux pécheresses. Voici une première lecture de ce texte. Mais il y en a d'autres.
Dans l'évangile de Jean, il y a toujours différents niveaux de compréhension. La scène se passe en Samarie. Les cinq maris peuvent être une allusion aux cinq divinités principales (les Baals) adorées par les habitants du pays. Ne retrouverait-on pas dans ce texte les accents du prophète Osée reprochant aux habitants de cette région de se prostituer avec les faux dieux ? Cette femme a t-elle trouvé avec ses cinq maris et avec l'homme qui actuellement partage sa vie de quoi combler toutes ses aspirations ? A-t-elle pu étancher sa soif de vraie vie ? Celui qui est devant elle, qui lui demande à boire et qui lui promet l'eau vive ne serait-il pas celui là ? Jésus le "septième homme" de cette femme ? La question n'est pas à entendre au premier degré évidemment mais au sens symbolique. Jésus n'est pas un Baal ou un maître qui demande à sa femme d'accomplir des corvées d'eau. Il distribue l'eau vive et permet à la femme d'abandonner sa cruche pour devenir apôtre. Elle annonce aux gens de la ville la présence du Christ. Et les apôtres officiels, qu'ont-ils fait dans la ville ? Les courses. Monde à l'envers. Permutation des rôles qu'on croyait bien établis. Celle que Jésus aurait dû repousser parce que femme, étrangère et pécheresse, devient le modèle de la vie apostolique, première ambassadrice du Christ hors des frontières d'Israël. «Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout petits. Oui, Père, c'est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance.» Luc 10, 21

Joseph Stricher, "Plaisir d'amour, plaisir de Dieu" ACGF

 

Exode : 17,3-7 ; Romains : 5,1-2,5-8 ; Jean : 4,5-42

 

" Je vous rassemblerai de tous les pays, dit le Seigneur, je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, je vous donnerai un esprit nouveau. Ainsi, par vous, je montrerai que je suis le Dieu Saint. "

 

7 Mars 1999

 

 

 

Jésus savait que c’était pour Lui la dernière montée à Jérusalem. En le suivant qui traverse son pays du Nord au Sud, nous trouvons le cadre vivant de tout ce qu’il a dit au long de son déplacement. Jésus chemine à travers le pays, vivant au milieu des hommes. Il les découvre dans leur intérieur, avec leurs fantasmes, leurs ambitions, leur complicité avec le mal, mais aussi leurs aspirations profondes. Quoi de plus simple que la soif et la faim ? De ces instincts de vie, Jésus les conduira loin, jusqu’au désir de Dieu.

Servir Dieu et non se servir de Dieu, l’adorer et se laisser imprégner de sa présence pour être présents les uns aux autres. Son enseignement n’est que l’application de ce comportement dans la vie.

Nous le voyons quitter la Galilée, monter vers Jérusalem célébrer la Pâque et y mourir. Il est aujourd’hui à mi-chemin, en Samarie, du côté de Naplouse, la ville dont on parle souvent dans les actualités. A l’heure actuelle, vingt siècles après, la situation n’a pas changé. Quel juif aujourd’hui s’adresserait à une palestinienne de cette région pour lui demander à boire ? L’exclusion fait partie de leur identité, même si personne ne se souvient plus de l’origine de leur différend qui remonte au premier siècle avant notre ère.

La rencontre de Jésus avec la Samaritaine reste la grande nouveauté où la relation humaine est gracieusement centrée sur la découverte de l’autre. Le monde a appris et apprendra encore de cette conversation plus qu’aucune théologie ne pourra jamais le faire :

Demander humblement un service à quelqu’un qui est censé être son ennemi. Bouleverser complètement la relation entre l’homme et la femme par une nouvelle vision faite de respect et d’estime. Découvrir la vraie soif de l’homme et la source d’eau vive dans le sous-sol de sa personnalité.

Apprendre que Dieu cherche de vrais adorateurs en vérité et en esprit et que personne ne puisse prendre Dieu comme sa propriété.

Dieu ne s’est pas lié à un lieu, même si ce lieu est le temple de Jérusalem. Dieu est esprit. On peut le trouver d’abord en soi. Il est toujours là nous demandant à boire. Et l’ultime découverte que l’on peut faire avec la Samaritaine, c’est que Jésus est le vrai "messie ", celui qui nous fait connaître le Père, toutes choses.

Ce que la Samaritaine a appris de Jésus pourrait être bénéfique pour beaucoup de nos contemporains. Ils pourraient sortir de leur ignorance qu’ils considèrent comme leur incroyance. Ils découvriraient que l’Eglise est simplement l’assemblée des gens qui ont soif et qui va à la recherche de ce qui peut les étancher .

La Samaritaine dit en effet à Jésus : " Je sais que l’autre va venir " et Jésus de lui dire : " je le suis, moi qui te parle ". Le temps de l’Autre est arrivé.

Dans cette nouvelle annonciation, Dieu n’épouse plus la fidèle, mais l’infidèle. Dieu ne se marie seulement avec la fille de Sion, mais avec l’exclue et la rejetée. L’épouse n’est plus l’héritière, mais l’étrangère. Les noces de Dieu ne sont plus un privilège du "peuple élu ", mais une tendresse pour celle qui est perdue. Le puits de Jacob est devenu dans l’évangile de saint Jean le puits de la Samaritaine. Ce récit ne cesse de nous surprendre surtout quand on connaît l’état actuel de ce puits. Il est comme le symbole de la dégradation des relations humaines. Pour le trouver, il faut en effet, entrer dans une chapelle construite dans l’enclos d’une église perdue au milieu d’un faubourg. Il faut passer par plusieurs portes et plusieurs contrôles pour arriver au puits.

Et rien n’y est gratuit ni l’entrée, ni l’eau du puits contenue dans de petites fioles vendues comme des reliques aux visiteurs. En sortant de ce lieu, on préfère rentrer chez soi et relire l’évangile de saint Jean pour retrouver la fraîcheur du vrai puits où tout est gratuité de Dieu, tendresse de Dieu.

Il reste maintenant à se demander comment un récit aussi subversif a réussi à franchir les siècles officiels sans être censuré ? Comment a-t-il pu parvenir jusqu’à nous malgré les bûchers, les consulteurs et les inquisiteurs et nos propres instincts de conservateurs qui ont tendance à exclure pour sauvegarder nos certitudes ? Ce que nous savons, c’est que cette subversion de l’Evangile donne à l’Eglise la possibilité de se renouveler, en faisant le deuil des certitudes fictivement façonnées.

N’oublions pas que celui qui a demandé à boire n’en est pas sorti vivant ! Pour être plus proche de lui qui monte vers Jérusalem, l’Eglise a choisi l’évangile de St Jean pour les trois derniers dimanches de carême. Son évangile est fait des récits de rencontre. Après les rencontres émouvantes avec les premiers disciples, André, Simon, Philippe, Nathanaël : " Avant que Philippe ne t’appelât, alors que tu es sous le figuier, je t’ai vu. ". Puis vient celle qui s’est faite nuitamment avec Nicodème, et enfin, nous voilà au puits de Jacob avec la Samaritaine.