LA TRÈS SAINTE VIERGE MARIE
J'ai été préordonnée dès l'éternité
(Prov.
VIII, 23.)
ALLOCUTIONS DE JEAN-PAUL II
Le Seigneur l'a créée avec la coopération du Saint-Esprit
;
et dans sa prescience divine, il a mesuré l'étendue de ses
mérites.
Lorsqu'un peintre habile conçoit le sujet d'une composition artistique,
par exemple, la rencontre de Jésus et de Marie sur le chemin du Calvaire,
son attention se porte avant tout sur les personnages qu'il veut mettre
en relief ; il en médite longuement les attitudes et la position respectives
; il en ébauche d'avance les traits essentiels. Son esprit , absorbé dans
cette étude , n'entrevoit encore que d'une manière vague et confuse les
détails accessoires du tableau. Mais peu à peu , la scène s'agrandit ; chaque
objet s'accuse avec plus de netteté ; et alors l'artiste détermine et distribue
les images secondaires et tout le reste de son plan, les lumières et les
ombres , les fonds et perspectives, les paysages , les ciels , et jusqu'aux
moindres particularités, dans l'unique vue de faire valoir les figures principales
de son oeuvre. C'est ainsi que le travail préliminaire de l'invention s'achève
par degrés, et pour ainsi dire, à tâtons.
On s'explique facilement la raison de ces lenteurs ; l'esprit de l'homme
a ses limites ; dans son impuissance, il est forcé de recourir à l'analyse
pour se rendre compte des objets qu'il ne parvient point à saisir dans leur
ensemble.
Dieu seul, l'Être infiniment parfait, est affranchit de ces lois. Son regard
infini embrasse tout à la fois. Dieu voit tout, non-seulement le présent,
mais le passé et l'avenir. Intelligence infinie, il n'a besoin ni de temps
ni de réflexion pour savoir ce qu'il doit faire et comment il doit le faire
; et ce qu'il opère dans le temps, n'est que l'exécution d'un dessein arrêté
avant tous les siècles.
La présence de Marie à l'origine
de l'Église
Marie dans l'Écriture sainte et la réflexion théologique
L'influence de Marie dans, la vie de l'Eglise
Le rôle de la femme à la lumière de Marie
L'exposition de la doctrine mariale
Marie dans l' expérience spirituelle de l'Église
Marie et la valeur de la femme
La présence de Marie au Concile Vatican II
Marie, dans une perspective trinitaire
L'annonce de la maternité messianique
Celle qui est " pleine de grâce "
La parfaite sainteté de Marie Lc 11, 27-28
La virginité de Marie, vérité de foi Mt 1, 20-23
La conception virginale de Jésus Lc 1,34-37
La servante obéissante du Seigneur Lecture : Lc 1, 39-42
Le mystère de la Visitation, prélude à la mission du
Christ Lecture : Lc 1, 44-45
Marie et la naissance de Jésus Lecture : Lc 2, 6-7
Bienheureuse celle qui a cru Lc 1, 41-45
La volonté de rester vierge Is 13-15
Marie, modèle de virginité Lecture : 1 Co 7, 32-35
Marie toujours vierge ("aeiparthenos") Lecture
: Lc 2, 4-7
Marie, la " nouvelle Eve " Lecture : Lc 1,
35-38
Le " Magnificat "de Marie, célébration des
merveilles de Dieu Lecture : Lc 1, 46-48
Le titre de Marie, Mère de Dieu Lecture : Jn 20,28
Audience générale du 6 septembre 1995
C'est ce qu'ont
fait les Pères du Concile Vatican II : après avoir exposé la doctrine sur
la réalité historique et salvifique du peuple de Dieu, ils ont voulu la
compléter en décrivant le rôle de Marie dans l'oeuvre de salut. En effet,
le chapitre VIII de la Constitution conciliaire Lumen gentium a pour objectif
non seulement de souligner la valeur ecclésiologique de la doctrine mariale,
mais également de mettre en lumière la contribution que la figure de la
Bienheureuse Vierge apporte à la compréhension du mystère de l'Église.
Avant d'exposer
l'itinéraire marial du Concile, je voudrais porter un regard contemplatif
sur Marie, telle qu'elle est décrite, aux origines de l'Église, dans les
Actes des Apôtres. Au début de cet écrit néotestamentaire qui présente la
vie de la première communauté chrétienne, Luc, après avoir rappelé un par
un les noms des Apôtres, affirme : " Tous d'un même coeur étaient assidus
à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses
frères " (l, 14).
Dans ce cadre,
se détache la personne de Marie, la seule qui, en dehors des Apôtres, est
rappelée par son nom : elle représente un visage de l'Église différent et
complémentaire de celui ministériel ou hiérarchique.
En effet, la phrase
de Luc relate la présence, au Cénacle, de quelques femmes, montrant ainsi
l'importance de la contribution de la femme à la vie de l'Église, dès ses
débuts. Cette présence est étroitement liée à la persévérance de la communauté
dans la prière et à la concorde. Ces traits expriment parfaitement deux
aspects fondamentaux de la contribution spécifique de la femme à la vie
ecclésiale. Parce qu'ils sont davantage tournés vers l'activité extérieure,
les hommes ont besoin de l'aide des femmes afin d'être ramenés aux relations
personnelles et de progresser vers l'union des coeurs.
"Bénie entre
toutes les femmes" (Lc 1, 42), Marie assume de façon éminente cette
mission de la femme. Qui, mieux que Marie, encourage chez tous les croyants
la persévérance dans la prière? Qui, mieux qu'elle, peut promouvoir la concorde
et l'amour?
En reconnaissant
la mission pastorale confiée par Jésus aux Onze, les femmes du Cénacle,
avec Marie parmi elles, s'unissent à leur prière et témoignent en même temps
de la présence dans l'Église de personnes qui, bien que n'ayant pas reçu
cette mission, sont également membres à part entière de la communauté rassemblée
dans la foi dans le Christ.
La présence de
Marie dans la communauté, qui attend en prière l'effusion de l'Esprit (cf.
Ac 1, 14), évoque la part qu'elle prit dans l'incarnation du Fils de Dieu
par l'opération de l'Esprit Saint (cf. Lc 1, 35). Le rôle de la Vierge dans
cette phase initiale et le rôle qu'elle joue maintenant, dans la manifestation
de l'Église à la Pentecôte, sont étroitement liés.
La présence de
Marie dans les premiers moments de la vie de l'Église est mise en évidence
de façon particulière lorsqu'on la compare avec la participation très discrète
que Marie eut précédemment, lors de la vie publique de Jésus. Lorsque le
Fils débute sa mission, Marie reste à Nazareth, même si cette séparation
n'exclut pas des contacts importants, comme à Cana, et surtout ne l'empêche
pas de participer au sacrifice du Calvaire.
Dans la première
communauté, en revanche, le rôle de Marie est particulièrement important.
Après l'Ascension et dans l'attente de la Pentecôte, la Mère de Jésus assiste
en personne aux tout débuts de l'oeuvre commencée par le Fils.
Les Actes des
Apôtres soulignent que Marie se trouvait au Cénacle "avec les frères
de Jésus" (Ac 1,14), c'est-à-dire avec les membres de sa famille, ainsi
que l'a toujours interprété la tradition ecclésiale : il ne s'agit pas tant
d'une réunion de famille, que du fait que, sous la direction de Marie, la
famille naturelle de Jésus fait désormais partie de la famille spirituelle
du Christ : " Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un
frère et une soeur et une mère" (Mc 3, 34).
En relatant la
même scène, Luc présente Marie de façon explicite comme "la Mère de
Jésus "(Ac 1, 14), voulant ainsi presque suggérer qu'une part de la
présence du Fils monté au ciel reste dans la présence de la mère. Elle rappelle
aux disciples le visage de Jésus et elle est, par sa présence au milieu
de la communauté, le signe de la fidélité de l'Église au Christ Seigneur.
Dans ce contexte,
le titre de "Mère" annonce l'attitude de sollicitude avec laquelle
la Vierge suivra la vie de l'Église. C'est à elle que Marie ouvrira son
coeur pour manifester les merveilles opérées en elle par le Dieu Tout-Puissant
et miséricordieux.
Depuis le début,
Marie exerce son rôle de " Mère de l'Église" : son action favorise
l'entente entre les Apôtres, que Luc présente comme vivant dans la "concorde"
et très éloignés des disputes qui avaient parfois surgi entre eux.
Enfin, Marie exerce
sa maternité à l'égard de la communauté des croyants, non seulement en priant
afin d'obtenir pour l'Église les dons de l'Esprit Saint, nécessaires à sa
formation et son avenir, mais également en éduquant les disciples du Seigneur
à la communion constante avec Dieu.
Elle devient ainsi
éducatrice du peuple chrétien à la prière, à la rencontre avec Dieu, élément
central et indispensable afin que l'oeuvre des pasteurs et des fidèles trouve
toujours son commencement et sa motivation profonde dans le Seigneur.
De ces brèves
considérations, il ressort clairement que la relation entre Marie et l'Église
constitue une comparaison fascinante entre deux mères. Cette relation nous
révèle clairement la mission maternelle de Marie et engage l'Église à chercher
sans cesse sa véritable identité dans la contemplation du visage de la "Theotokos".
Audience générale
du 8 novembre 1995
Pour d'autres
aspects de la doctrine mariale également, bien des siècles ont été nécessaires
pour parvenir à la définition explicite de vérités révélées, concernant
Marie. Des cas typiques de ce cheminement dans la foi pour découvrir toujours
plus profondément le rôle de Marie dans l'histoire du salut, sont les dogmes
de l'Immaculée Conception et de l'Assomption, proclamés, comme on le sait,
par deux de mes vénérés prédécesseurs, respectivement le serviteur de Dieu
Pie IX en 1854 et le serviteur de Dieu Pie XII au cours du Jubilé de 1950.
La mariologie
est un domaine de recherche particulier : l'amour du peuple chrétien pour
Marie a souvent compris le premier certains aspects du mystère de la Vierge,
attirant sur eux l'attention des théologiens et des pasteurs.
Nous devons reconnaître
que, à première vue, les Évangiles ne fournissent que peu d'informations
sur la personne et la vie de Marie. Nous aurions certes désiré, à cet égard,
avoir des indications plus abondantes, qui nous auraient permis de mieux
connaître la Mère de Jésus.
C'est là une attente
qui reste inassouvie également de la part des autres écrits du Nouveau Testament,
où manque un développement doctrinal explicite sur Marie. Même les Lettres
de saint Paul, qui nous donnent un riche enseignement sur le Christ et son
oeuvre, se bornent à dire, dans un passage très significatif, que Dieu a
envoyé son Fils, "né d'une femme" (Ga 4, 4).
On ne nous rapporte
que très peu de choses sur la famille de Marie. Si nous mettons à part les
récits de l'enfance, nous ne trouvons dans les Évangiles synoptiques que
deux affirmations qui jettent quelque lumière sur Marie : une à propos de
la tentative des "frères " ou parents qui auraient bien voulu
ramener Jésus à Nazareth (cf. Mc 3, 21 ; Mt 12, 48) ; l'autre, en réponse
à l'exclamation d'une femme sur le bonheur de la Mère de Jésus (Lc 11,27).
Cependant, Luc,
dans l'Évangile de l'enfance, avec les épisodes de l'Annonciation, de la
Visitation, de la Naissance de Jésus, de la Présentation de l'Enfant au
temple et de sa découverte parmi les Docteurs à l'âge de 12 ans, non seulement
nous fournit des données importantes, mais présente une sorte de "
protomariologie " d'un intérêt fondamental. Ses données sont complétées
indirectement par Matthieu dans le récit de l'annonce à Joseph (1, 18-25),
mais seulement en rapport avec la conception virginale de Jésus.
Par ailleurs,
l'Évangile de Jean approfondit la valeur historico-salvifique du rôle que
joue la Mère de Jésus, quand il signale sa présence au début et à la fin
de sa vie publique. L'intervention de Marie au pied de la Croix est particulièrement
significative, lorsqu'elle reçoit de son Fils mourant la mission de servir
de mère au disciple bien-aimé et, en lui, à tous les chrétiens (cf. Jn 2,1-12
et Jn 19, 25-27). Enfin, les Actes des Apôtres rappellent expressément la
présence de la Mère de Jésus parmi les femmes de la première communauté
en attente de la Pentecôte (cf. Ac 1,14).
En revanche, en
l'absence d'autres témoignages néo-testamentaires et de données sûres provenant
de sources historiques, nous ne savons rien de la vie de Marie après l'événement
de la Pentecôte, ni sur la date et les circonstances de sa mort. Nous ne
pouvons que supposer qu'elle a continué à habiter avec l'apôtre Jean et
qu'elle a été très proche du développement de la première communauté chrétienne.
La rareté des
données sur la vie terrestre de Marie est compensée par leur qualité et
leur richesse théologique, que l'exégèse actuelle met soigneusement en relief.
Du reste, il faut
rappeler que la perspective des Évangélistes est totalement christologique
et ne veut s'intéresser à la Mère qu'en relation avec la joyeuse annonce
du Fils. Comme l'observait déjà saint Ambroise, en exposant le mystère de
l'Incarnation, l'Évangéliste " a cru bon de ne pas rechercher d'autres
témoignages sur la virginité de Marie, pour ne pas apparaître comme le défenseur
de la Vierge plutôt que le héraut du Mystère " (Exp. in Lucam, 2, 6
PL 15, 1555).
Nous pouvons reconnaître
dans ce fait une intention spéciale de l'Esprit Saint, qui a voulu susciter
dans l'Église un effort de recherche qui, tout en conservant le caractère
central du mystère du Christ, ne se perdrait pas dans les détails concernant
la vie de Marie, mais viserait à découvrir surtout son rôle dans l'oeuvre
du salut, sa sainteté personnelle et sa mission maternelle dans la vie chrétienne.
L'Esprit Saint
guide l'effort de l'Église, la poussant à prendre les mêmes attitudes que
Marie. Dans le récit de la naissance de Jésus, Luc note comment sa mère
observait toutes choses "en les méditant dans son coeur " (2,
19), c'est-à-dire qu'elle s'efforçait de "mettre ensemble" ("
symballousa "), par un regard plus profond, tous les événements dont
elle avait été le témoin privilégié.
De manière analogue,
le Peuple de Dieu est lui aussi poussé par le même Esprit à comprendre en
profondeur tout ce qui a été dit de Marie, pour progresser dans l'intelligence
de sa mission, intimement liée au mystère du Christ.
Dans le développement
de la mariologie, apparaît donc un rôle particulier du peuple chrétien.
Il coopère, par l'affirmation et le témoignage de sa foi, au progrès de
la doctrine mariale qui, normalement, n'est pas la tâche des seuls théologiens,
même si leur tâche demeure indispensable pour l'approfondissement et la
claire exposition du donné de la foi et aussi de l'expérience chrétienne.
La foi des gens
simples est admirée et louée par Jésus, qui y reconnaît une manifestation
merveilleuse de la bienveillance du Père (cf. Mt 11, 25 ; Lc 10, 21). Elle
continue au cours des siècles à proclamer les merveilles de l'histoire du
salut, cachées aux " savants ". Cette foi, en harmonie avec la
simplicité de la Vierge, a fait progresser la reconnaissance de sa sainteté
personnelle et de la valeur transcendante de sa maternité.
Le mystère de
Marie invite tout chrétien, en communion avec l'Église, à " méditer
dans son coeur" ce qu'affirme la révélation évangélique au sujet de
la Mère du Christ. Dans la logique du " Magnificat ", chacun fera
l'expérience par lui-même, à la suite de Marie, de l'amour de Dieu, et découvrira,
dans les merveilles accomplies par la Très Sainte Trinité dans celle qui
est " pleine de grâces ", un signe de la tendresse de l'homme
pour Dieu.
Audience générale
du 22 novembre 1995
Nous voudrions
tout d'abord réfléchir sur certains aspects significatifs de la personnalité
de Marie, qui donnent à tout fidèle des indications précieuses pour accueillir
et réaliser pleinement la vocation qui est la sienne.
Marie nous a précédés
sur le chemin de la foi : en croyant au message de l'Ange, elle accueille
la première, et de manière parfaite, le mystère de l'Incarnation (cf. Redemptoris
Mater, 13). Son itinéraire de croyante commence bien avant que prenne forme
sa maternité divine, et se développe et s'approfondit tout au long de son
expérience terrestre. Sa foi est une foi audacieuse qui, à l'Annonciation,
croit à ce qui est humainement impossible et qui, à Cana, pousse Jésus à
accomplir son premier miracle en le provoquant à manifester ses pouvoirs
messianiques (cf. Jn 2, 1-5).
Marie apprend
aux chrétiens à vivre leur foi comme un chemin engageant et exigeant qui,
à tous les âges et dans toutes les situations de la vie, requiert une audace
et une persévérance constantes.
À la foi de Marie
est liée sa docilité à la volonté divine. En croyant à la Parole de Dieu,
elle a pu l'accueillir pleinement dans son existence et, se montrant disponible
au souverain dessein divin, elle a accepté tout ce que le Ciel lui demandait.
La présence de
la Vierge dans l'Église encourage ainsi les chrétiens à se mettre chaque
jour à l'écoute de la Parole du Seigneur, pour saisir, dans les divers événements
quotidiens, son dessein d'amour, en coopérant fidèlement à sa réalisation.
Marie apprend
de cette manière à la communauté des croyants à regarder l'avenir en s'abandonnant
pleinement à Dieu. Dans l'expérience personnelle de la Vierge, l'espérance
s'enrichit de motivations toujours nouvelles. Dès l'Annonciation, Marie
concentre sur le Fils de Dieu incarné dans son sein virginal les attentes
de l'ancien Israël. Son espérance se renforce au cours des phases suivantes
: la vie cachée de Nazareth et le ministère public de Jésus. Sa grande foi
dans la parole du Christ, qui avait annoncé sa résurrection le troisième
jour, ne l'a pas fait vaciller, pas même devant le drame de la Croix : elle
a conservé son espérance en l'accomplissement de l'oeuvre messianique, attendant
sans hésitation, après les ténèbres du Vendredi Saint, le matin de la Résurrection.
Dans sa difficile
insertion dans l'histoire, entre le "déjà-là" du salut reçu et
le "pas encore" de sa pleine réalisation, la communauté des croyants
sait qu'elle peut compter sur l'aide de la "Mère de l'Espérance"
qui, parce qu'elle a fait l'expérience de la victoire du Christ sur les
puissances de la mort, lui communique une capacité toujours nouvelle d'attente
de l'avenir de Dieu et d'abandon aux promesses du Seigneur.
L'exemple de Marie
fait mieux apprécier à l'Église la valeur du silence. Le silence de Marie
n'est pas seulement la sobriété de ses paroles mais surtout une capacité
sapientielle de faire mémoire et d'accueillir dans un regard de foi le mystère
du Verbe fait homme et les événements de son existence terrestre.
C'est ce silence-accueil
de la Parole, cette capacité de méditer sur le mystère du Christ, que Marie
transmet au peuple croyant. Dans un monde plein de vacarme et de messages
de tout genre, son témoignage fait apprécier un silence spirituellement
riche et promeut l'esprit contemplatif.
Marie est le témoin
de la valeur d'une existence humble et cachée. Normalement, tout le monde
exige - ou au moins y tend - de pouvoir valoriser pleinement sa personne
et ses qualités. Tout le monde est sensible à l'estime et à l'honneur. Les
Évangiles nous rapportent à plusieurs reprises que les Apôtres ambitionnaient
d'occuper les premières places dans le Royaume, qu'ils discutaient entre
eux pour savoir qui était le plus grand, et que Jésus dut alors leur faire
la leçon sur la nécessité de l'humilité et du service (cf. Mt 18, 1-5 ;
20, 20-28 ; Mc 9,33-37 ; 10, 35-45 ; Lc 9, 46-48 ; 22, 24-27). Au contraire,
Marie n'a jamais désiré les honneurs et les avantages d'une position privilégiée
; elle a toujours cherché à faire la volonté de Dieu en menant une existence
selon le plan salvifique du Père.
À tous ceux qui
souvent ressentent le poids d'une existence apparemment insignifiante, Marie
révèle combien la vie peut être précieuse si elle est vécue par amour du
Christ et de nos frères.
En outre, Marie
est le témoin de la valeur d'une vie pure et pleine de tendresse pour tous
les hommes. La beauté de son âme, totalement donnée au Seigneur, est objet
d'admiration pour le peuple chrétien. En Marie, la communauté chrétienne
a toujours vu un idéal de femme, pleine d'amour et de tendresse, parce qu'elle
a vécu dans la pureté du coeur et de la chair.
Devant le cynisme
d'une certaine culture contemporaine qui, trop souvent, semble ne pas reconnaître
la valeur de la chasteté et banalise la sexualité en la séparant de la dignité
de la personne et du projet de Dieu, la Vierge Marie propose le témoignage
d'une pureté qui éclaire la conscience et conduit à un amour plus grand
pour les créatures et pour le Seigneur.
De plus, Marie apparaît aux chrétiens de tous les temps comme celle qui
éprouve pour les souffrances de l'humanité une vive compassion. Cette compassion
ne consiste pas seulement en une participation affective mais se traduit
par une aide efficace et concrète devant les misères matérielles et morales
de l'humanité.
En suivant Marie,
l'Église est appelée à assumer une attitude identique à l'égard des pauvres
et de tous ceux qui souffrent sur cette terre. L'attention maternelle de
la Mère du Seigneur aux larmes, aux souffrances et aux difficultés des hommes
de tous les temps, doit stimuler les chrétiens, tout spécialement à l'approche
du troisième millénaire, à multiplier les signes concrets et visibles d'un
amour qui fasse participer les humbles et tous ceux qui souffrent aujourd'hui,
aux promesses et aux espérances du monde nouveau qui naît de la Pâque.
L'affection et la dévotion des hommes pour la Mère de Jésus dépassent les
frontières visibles de l'Église et poussent les esprits à des sentiments
de réconciliation. Comme une mère, Marie veut l'union de tous ses enfants.
Sa présence dans l'Église constitue une invitation à conserver cette unanimité
des coeurs qui était de mise dans la première communauté (cf. Ac 1, 14)
et, par conséquent, à chercher aussi le chemin de l'unité et de la paix
entre tous les hommes et femmes de bonne volonté.
Dans son intercession
auprès de son Fils, Marie demande la grâce de l'unité du genre humain, en
vue de la construction de la civilisation de l'amour, en éliminant les tendances
à la division, les tentations de la vengeance et de la haine, et la fascination
perverse de la violence.
Le sourire maternel de la Vierge, si souvent reproduit dans l'iconographie
mariale, manifeste une plénitude de grâce et de paix qui veut se communiquer.
Cette manifestation de la sérénité de l'esprit contribue efficacement à
donner un visage joyeux à l'Eglise.
En acceptant à
l'Annonciation l'invitation de l'ange à se réjouir : "Kairè" :
"Réjouis-toi" (Lc 1, 28), Marie participe la première à la joie
messianique, que les prophètes avaient annoncée à l'avance à la "Fille
de Sion" (cf. Is 12, 6 ; So 3, 14-15 ; Za 9,8) et elle la transmet
à l'humanité de tous les temps,
En l'invoquant
comme "Causa nostrae laetitiae : "Cause de notre joie ",
le peuple chrétien découvre en elle la capacité de communiquer la joie qui
naît de l'espérance, même au milieu des épreuves de la vie, et de conduire
à la joie qui n'aura pas de fin celui qui se confie à Elle.
Audience générale
du 6 décembre 1995
Dans des temps
récents, certains courants du mouvement féministe, dans l'intention de favoriser
l'émancipation de la femme, ont tenté de l'assimiler en tout à l'homme.
Mais l'intention divine manifestée dans la création, tout en voulant que
la femme soit égale à l'homme en dignité et en valeur, affirme dans le même
temps clairement sa diversité et sa spécificité. L'identité de la femme
ne peut consister à être une copie de l'homme, car elle est dotée de qualités
et de prérogatives propres qui lui confèrent sa particularité et son autonomie,
que l'on doit toujours promouvoir et encourager.
Ces prérogatives
et ces particularités de la personnalité féminine ont atteint en Marie leur
plein développement. La plénitude de la grâce divine a en effet favorisé
en elle toutes les capacités naturelles qui sont typiques de la femme.
Le rôle de Marie
dans l'oeuvre du salut est totalement dépendant de celui du Christ. Il s'agit
d'une fonction unique, requise par l'accomplissement du mystère de l'Incarnation
: la maternité de Marie était nécessaire pour donner au monde le Sauveur,
vrai Fils de Dieu, mais aussi parfaitement homme.
L'importance de
la coopération de la femme à la venue du Christ est mise en évidence par
l'initiative de Dieu qui, par l'Ange, fait connaître à la Vierge de Nazareth
son dessein de salut, afin qu'elle puisse y coopérer d'une manière consciente
et libre, en exprimant son consentement généreux.
Ici se réalise
le modèle le plus élevé de la collaboration responsable de la femme à la
rédemption de l'homme – de tout l'homme – qui constitue la référence transcendante
pour toute affirmation concernant le rôle et la fonction de la femme dans
l'histoire.
2. En réalisant
cette forme sublime de coopération, Marie indique aussi le style qui doit
concrétiser la mission de la femme. Devant l'annonce de l'Ange, la Vierge
ne manifeste aucune attitude de revendication orgueilleuse, et ne veut pas
non plus satisfaire des ambitions personnelles. Luc nous la présente comme
seulement désireuse d'offrir son humble service, dans une disponibilité
totale et confiante au dessein divin de salut. C'est là le sens de sa réponse:
"Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta
parole" (Lc 1, 38).
Il ne s'agit pas
en effet d'un accueil purement passif, puisque son consentement n'est donné
qu'après avoir manifesté la difficulté qui naît de son propos de virginité,
inspiré par la volonté d'appartenir plus intégralement au Seigneur.
Après avoir reçu
la réponse de l'Ange, Marie exprime immédiatement sa disponibilité, conservant
une attitude d'humble service.
C'est l'humble,
le précieux service que tant de femmes, à l'exemple de Marie, ont rendu
et continuent à rendre à l'Église pour le développement du Royaume du Christ.
3. La figure de
Marie rappelle aux femmes d'aujourd'hui la valeur de la maternité. Dans
le monde actuel, on ne donne pas toujours à cette valeur l'importance qu'elle
mérite. Dans certains cas, la nécessité du travail féminin pour pourvoir
aux exigences accrues de la famille et une fausse conception de la liberté,
qui voit dans le soin des enfants un obstacle à l'autonomie et aux possibilités
d'affirmation de la femme, ont obscurci la signification de la maternité
pour le développement de la personnalité féminine. Dans d'autres cas, au
contraire, l'aspect de l'engendrement biologique devient tellement important
qu'il met dans l'ombre les autres possibilités importantes qu'a la femme
pour exprimer sa vocation innée d'être mère.
En Marie, il nous
est donné de comprendre la véritable signification de la maternité qui,
à l'intérieur du dessein divin de salut, atteint sa dimension la plus élevée.
Pour elle, être mère ne donne pas seulement à la personnalité féminine,
fondamentalement orientée vers le don de la vie, son plein développement,
mais constitue par ailleurs une réponse de foi à la vocation qui est celle
de la femme, qui ne revêt sa valeur la plus haute qu'à la lumière de l'Alliance
avec Dieu (cf. Mulieris dignitatem, 19).
4. En regardant
attentivement la figure de Marie, nous découvrons également en elle le modèle
de la virginité vécue pour le Royaume.
Vierge par excellence,
elle a mûri dans son coeur le désir de vivre dans cet état pour parvenir
à une intimité toujours plus profonde avec Dieu.
Pour les femmes
appelées à la chasteté virginale, Marie, en révélant la haute signification
d'une vocation si spéciale, attire l'attention sur la fécondité spirituelle
qu'elle comporte dans le plan divin : une maternité d'ordre supérieur, une
maternité selon l'Esprit (cf. Mulieris dignitatem, 21),
La coeur maternel
de Marie, ouvert à toutes les misères humaines, rappelle encore aux femmes
que le développement de la personnalité féminine requiert l'engagement de
la charité. Plus sensible aux valeurs du coeur, la femme montre une grande
capacité de don personnel.
À tous ceux qui,
en notre temps, proposent des modèles égoïstes pour l'affirmation de la
personnalité féminine, la figure lumineuse et sainte de la Mère du Seigneur
montre que c'est seulement en se donnant et en s'oubliant soi-même pour
les autres qu'il est possible de parvenir à une réalisation authentique
du projet divin sur notre vie.
La présence de
Marie encourage donc chez les femmes les sentiments de miséricorde et de
solidarité pour les situations humaines douloureuses, et suscite la volonté
d'alléger les peines de ceux qui souffrent : les pauvres, les malades et
tous ceux qui ont besoin de secours.
En vertu de son
lien particulier avec Marie, la femme a souvent représenté, au cours de
l'histoire, la proximité de Dieu aux attentes de bonté et de tendresse de
l'humanité blessée par la haine et le péché, semant dans le monde les germes
d'une civilisation qui sait répondre à la violence par l'amour.
Audience générale
du 3 janvier 1996
Je voudrais tout
d'abord décrire "la fonction de la bienheureuse Vierge dans le mystère
du Verbe incarné et du Corps mystique" (ibid.), en recourant aux données
de l'Ecriture et de la Tradition apostolique, et en tenant compte du développement
doctrinal qui s'est produit dans l'Eglise jusqu'à nos jours.
De plus, puisque
le rôle de Marie dans l'histoire du salut est étroitement lié au mystère
du Christ et de l'Eglise, je garderai à l'esprit ces références essentielles
qui, en donnant à la doctrine mariale sa juste place, permettent d'en découvrir
la vaste et inépuisable richesse.
L'exploration
du mystère de la Mère du Seigneur est vraiment très vaste et a mobilisé
au cours des siècles de nombreux pasteurs et théologiens. Dans leur tentative
de mettre en relief les aspects centraux de la mariologie, certains en ont
parfois traité en même temps que la christologie ou l'ecclésiologie. Mais,
tout en tenant compte de sa relation avec tous les mystères de la foi, Marie
mérite un traité à part qui mette en évidence sa personne et sa fonction
dans l'histoire du salut, à la lumière de la Bible et de la tradition ecclésiale.
2. Il semble en
outre utile, en suivant les indications conciliaires, d'exposer soigneusement
"les devoirs des hommes rachetés envers la Mère de Dieu, Mère du Christ
et Mère des hommes, spécialement des fidèles " (ibid.).
Le rôle assigné
à Marie par le dessein divin de salut demande en effet, chez les chrétiens,
non seulement accueil et attention, mais aussi des choix concrets qui traduisent
dans la vie les attitudes évangéliques de celle qui précède l'Église dans
la foi et la sainteté. La Mère du Seigneur est ainsi destinée à exercer
une influence spéciale sur la manière de prier des fidèles. La liturgie
elle-même de l'Église reconnaît sa place singulière dans la dévotion et
l'existence de tout croyant.
Il faut souligner
que la doctrine et le culte marials ne sont pas des fruits du sentimentalisme.
Le mystère de Marie est une vérité révélée qui s'impose à l'intelligence
des croyants et exige de ceux qui ont dans l'Eglise la tâche de l'étude
et de l'enseignement une méthode de réflexion doctrinale non moins rigoureuse
que celle que l'on emploie dans toute la théologie.
Du reste, Jésus
lui-même a invité ses contemporains à ne pas se laisser mener par l'enthousiasme
dans la contemplation de sa Mère, reconnaissant en Marie surtout celle qui
est bienheureuse parce qu'elle écoute la Parole de Dieu et la met en pratique
(cf. Lc 11, 28).
Ce n'est pas seulement
l'affection mais surtout la lumière de l'Esprit qui doit nous guider pour
comprendre la Mère de Jésus et sa contribution à l'oeuvre du salut.
3. Quant à la
mesure et à l'équilibre à garder dans la doctrine comme dans le culte marial,
le Concile exhorte chaleureusement les théologiens et les prédicateurs de
la Parole divine à " s'abstenir soigneusement de toute fausse exagération...
" (LG, 67).
Celles-ci viennent
de ceux qui adoptent une attitude maximaliste, qui prétend étendre systématiquement
à Marie les prérogatives du Christ et tous les charismes de l'Eglise.
Au contraire,
il est nécessaire de toujours sauvegarder, dans la doctrine mariale, la
différence infinie qui existe entre la personne humaine de Marie et la personne
divine de Jésus. Attribuer à Marie " le maximum " ne peut pas
devenir une norme de la mariologie, qui doit se référer constamment à ce
dont témoigne la Révélation quant aux dons faits par Dieu à la Vierge en
vertu de sa très haute mission.
De manière analogue,
le Concile exhorte les théologiens et les prédicateurs à " s'abstenir
d'une excessive étroitesse d'esprit " (ibid.), c'est-à-dire du danger
de minimalisme qui peut se présenter dans des positions doctrinales, des
interprétations exégétiques et des actes du culte qui tendent à réduire
et comme à évacuer l'importance de Marie dans l'histoire du salut, sa virginité
perpétuelle et sa sainteté.
Il faut toujours
éviter ces positions extrêmes en vertu d'une fidélité cohérente et sincère
envers la vérité révélée, telle qu'elle s'exprime dans l'Écriture et la
Tradition apostolique.
4. Le même Concile
nous donne un critère qui permet de discerner l'authentique doctrine mariale
: "Dans l'Église, Marie occupe, après le Christ, la place la plus élevée
et la plus proche de nous " (LG, 54).
Le place la plus
élevée : nous devons découvrir cette grandeur conférée à Marie dans le mystère
du salut. Il s'agit cependant d'une vocation qui est totalement en référence
au Christ.
La place la plus
proche de nous : notre vie est profondément influencée par l'exemple et
l'intercession de Marie. Mais nous devons nous interroger sur notre effort
pour être proches d'elle. Toute la pédagogie de l'histoire du salut nous
invite à regarder vers la Vierge. L'ascèse chrétienne de chaque époque nous
invite à penser à elle comme à un modèle d'adhésion parfaite à la volonté
du Seigneur. Modèle choisi de sainteté, Marie guide les pas des croyants
sur le chemin du Paradis.
Parce qu'elle
est proche des événements de notre histoire quotidienne, Marie nous soutient
dans les épreuves, nous encourage dans les difficultés, nous indiquant toujours
le but du salut éternel. Ainsi apparaît toujours plus évident son rôle de
Mère : Mère de son Fils Jésus, Mère tendre et vigilante pour chacun d'entre
nous sur la Croix, le Rédempteur nous l'a confiée pour que nous l'accueillions
comme des enfants dans la foi.
Audience générale
du 24 avril 1996
Cette personnalisation
au féminin rend plus facile l'interprétation sponsale des relations d'amour
entre Dieu et Israël, qualifié souvent de "fiancée" ou d'"épouse".
L'histoire du
salut est l'histoire de l'amour de Dieu, mais souvent aussi de l'infidélité
de l'être humain. La Parole du Seigneur réprimande souvent le "peuple
époux" qui brise l'alliance nuptiale établie avec Dieu : "Mais
comme une femme qui trahit son compagnon, ainsi vous m'avez trahi, maison
d'Israël" (Jr 3, 20), et elle invite les fils d'Israël à accuser leur
mère : "Intentez un procès à votre mère, intentez-lui un procès, car
elle n'est plus ma femme et moi je ne suis plus son mari!" (Os 2,4).
En quoi consiste
le péché d'infidélité dont se souille Israël, "l'épouse" de Yahvé?
Il consiste principalement dans l'idolâtrie : selon le texte sacré, pour
le Seigneur, le recours du peuple élu aux idoles équivaut à un adultère.
2. C'est le prophète
Osée qui développe, avec des images fortes et dramatiques, le thème de l'alliance
sponsale entre Dieu et son peuple, et la trahison de ce dernier. Son histoire
personnelle même, en devient un symbole éloquent. Lorsque naît son fils,
en effet, il reçoit l'ordre : "Appelle-le : "Non-Mon-Peuple ",
car vous n'êtes pas mon peuple et je n'existe pas pour vous" (Os 1,9).
Le rappel du Seigneur
et l'expérience décevante du culte rendu aux idoles feront s'assagir l'épouse
infidèle qui, repentie, dira : "Je veux retourner vers mon premier
mari, car j'étais plus heureuse alors que maintenant" (Os 2,9). Mais
Dieu lui-même désire rétablir l'alliance et alors sa parole se fait mémoire,
miséricorde et tendresse : " C'est pourquoi je vais la séduire, je
la conduirai au désert et je parlerai à son coeur " (Os 2, 16). Le
désert est en effet le lieu où Dieu, après la libération de l'esclavage,
a établi l'alliance définitive avec son peuple.
Par l'intermédiaire
de ces images d'amour, qui redisent le difficile rapport entre Dieu et Israël,
le prophète illustre le grand drame du péché, le malheur de l'infidélité
et les efforts de l'amour divin pour parler au coeur des hommes et les faire
revenir à l'alliance.
3. Malgré les
difficultés du présent, Dieu annonce par la bouche du prophète une alliance
plus parfaire dans l'avenir : " Il adviendra en ce jour-là - oracle
du Seigneur - que tu m'appelleras : "Mon mari ", et tu ne m'appelleras
plus : "Mon Baal "... Je te fiancerai à moi pour toujours ; je
te fiancerai dans la justice et le droit, dans la tendresse et la miséricorde
; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur"
(Os 2, 18.21-22).
Le Seigneur ne
se décourage pas devant les faiblesses humaines, mais il répond aux infidélités
des hommes en proposant une union plus stable et plus intime : "Je
les sèmerai à nouveau dans le pays, j'aurai pitié de "Non-Aimée ",
et à " Non-Mon-Peuple " je dirai : "mon peuple", et
lui me dira : "mon Dieu""(Os 2, 25). Cette perspective d'une
nouvelle alliance est proposée par Jérémie au peuple en exil : "En
ce temps-là - oracle du Seigneur -, je serai le Dieu de toutes les familles
d'Israël, et elles seront mon peuple. Ainsi parle le Seigneur : il a trouvé
grâce au désert, le peuple échappé à l'épée. Israël marche vers son repos.
De loin, le Seigneur lui est apparu : d'un amour éternel je t'ai aimée,
aussi t'ai-je maintenu ma faveur. De nouveau je te bâtirai et tu seras rebâtie,
vierge d'Israël " (Jr 31, 1-4).
Malgré les infidélités
du peuple, l'amour éternel de Dieu est toujours prêt à rétablir le pacte
d'amour et à donner un salut qui dépasse toute attente.
4. Ézéchiel et
Isaïe font eux aussi référence à l'image de la femme infidèle qui est pardonnée.
Par l'intermédiaire
d'Ezéchiel, le Seigneur dit à l'épouse : " Moi, je me souviendrai de
mon alliance avec toi au temps de ta jeunesse et j'établirai en ta faveur
une alliance éternelle " (Ez 16,60).
Le Livre d'Isaïe
rapporte un oracle plein de tendresse : "Ton Créateur est ton Epoux...
Un court instant, je t'avais délaissée, ému d'une immense pitié je vais
t'unir à moi. Débordant de fureur, un instant, je t'avais caché ma face.
Dans un amour éternel, j'ai eu pitié de toi, dit le Seigneur, ton rédempteur"
(Is 54,5.7-8).
Cette promesse
faite à la fille de Sion est un amour nouveau et fidèle, une magnifique
espérance qui dépasse l'abandon de la femme infidèle. "Dites à la fille
de Sion : voici que vient ton salut, voici avec lui sa récompense et devant
lui son salaire. On les appellera : "le peuple saint ", "
les rachetés du Seigneur". Quant à toi, on t'appellera: "recherchée
", "ville non délaissée " (Is 62, 11-12).
Le prophète précise
: " On ne te dira plus : "délaissée ", et de ta terre, on
ne dira plus : "désolation". Mais on t'appellera : "Mon plaisir
est en elle ", et ta terre : "épousée". Car le Seigneur trouvera
en toi son plaisir, et ta terre sera épousée. Comme un jeune homme épouse
une vierge, ton bâtisseur t'épousera. Et c'est la joie de l'époux au sujet
de l'épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet" (Is 62, 4-5).
Des images et
des attitudes d'amour que le Cantique des Cantiques synthétise dans l'expression
: "Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi "(Ct 6,
3). C'est en ces termes qu'est réaffirmé, de manière idéale, le rapport
entre Yahvé et son peuple.
5. Quant elle
écoutait la lecture des oracles prophétiques, Marie devait se référer à
ces perspectives qui nourrissaient dans son coeur l'espérance messianique.
Les reproches
adressés au peuple devaient susciter en elle un engagement plus ardent de
fidélité à l'alliance, ouvrant son esprit à la proposition d'une communion
sponsale définitive avec le Seigneur, dans la grâce et l'amour. De cette
nouvelle alliance devait venir le salut du monde entier.
Audience générale
du 1er mai 1996
C'est aujourd'hui
le premier jour du mois de mai. Et ce mois est consacré totalement au culte
de Marie. Une grande dévotion mariale est liée au mois de mai. C'est ce
qui explique le thème de ma catéchèse de ce jour. Un thème marial, pour
continuer les catéchèses mariologiques que j'ai proposées au cours de ces
derniers mois.
1. Au moment de
l'Annonciation, Marie "fille de Sion par excellence " (LG, 55),
est saluée par l'ange comme la représentante de l'humanité, appelée à donner
son consentement à l'Incarnation du Fils de Dieu.
La première parole que l'ange lui adresse est une invitation à la joie "
chairé ", c'est-à-dire " réjouis-toi! ". Le mot grec a été
traduit en latin par "Ave ", une simple expression de salut, qui
ne semble pas correspondre pleinement aux intentions du messager divin et
au contexte dans lequel se déroule la rencontre.
Certes, "
chairé " était aussi une formule de salutation, souvent employée par
les Grecs, mais les circonstances extraordinaires dans lesquelles ce mot
est ici prononcé sont étrangères au climat d'une rencontre habituelle. En
effet, il ne faut pas oublier que l'Ange a conscience d'être le porteur
d'une nouvelle unique dans l'histoire de l'humanité. Une simple salutation
usuelle serait donc ici hors de propos. Au contraire, la référence à la
signification originaire de l'expression "chairé", qui est "réjouis-toi!",
semble mieux convenir à cette circonstance exceptionnelle.
Comme l'ont constamment
souligné surtout les Pères grecs, en citant divers oracles prophétiques,
l'invitation à la joie convient particulièrement à l'annonce de la venue
du Messie.
2. La pensée se
tourne tout d'abord vers le prophète Sophonie. Le texte de l'Annonciation
présente un parallélisme significatif avec son oracle " Pousse des
cris de joie, fille de Sion, une clameur d'allégresse, Israël! Réjouis-toi,
triomphe de tout ton coeur, fille de Jérusalem" (So 3, 14). Il y a
l'invitation à la joie " Réjouis-toi... de tout ton coeur!". Il
y a l'allusion à la présence du Seigneur : " Le Seigneur est roi d'Israël
au milieu de toi" (verset 15). Il y a l'exhortation à ne pas avoir
peur : " Sois sans crainte, Sion! Que tes mains ne défaillent pas!
" (verset 16). Il y a enfin la promesse de l'intervention salvifique
de Dieu : " Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, sauveur puissant
" (verset 17). Les correspondances entre les deux textes sont si nombreuses
et ponctuelles qu'elles nous conduisent à reconnaître en Marie la "nouvelle
fille de Sion ", qui a un immense motif de se réjouir car Dieu a décidé
de réaliser son plan de salut.
Nous trouvons
une invitation analogue à la joie, même si c'est dans un contexte différent,
dans la prophétie de Joël : " Terre, ne crains plus, jubile et sois
dans l'allégresse, car le Seigneur a fait de grandes choses... Et vous saurez
que je suis au milieu d'Israël" (Jl 2, 21. 27).
3. L'oracle de
Zacharie, cité à propos de l'entrée de Jésus à Jérusalem (cf. Mt 21, 5 ;
Jn 12, 15), est lui aussi significatif. Il situe le motif de la joie dans
la venue du roi messianique : " Exulte avec force, fille de Sion! Crie
de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton Roi vient à toi. Il est juste
et victorieux, humble... Il annoncera la paix aux nations " (Za 9,
9-10).
Enfin, c'est à
partir de la postérité nombreuse, signe de bénédiction divine, que le Livre
d'Isaïe fait naître, pour la nouvelle Sion, l'annonce de la joie : "
Crie de joie, stérile, toi qui n'as pas enfanté ; pousse des cris de joie,
des clameurs, toi qui n'as pas mis au monde, car plus nombreux sont les
fils de la délaissée que les fils de l'épouse, dit le Seigneur" (Is
54, 1).
Les trois motifs
de l'invitation à la joie : la présence salvifique de Dieu au milieu de
son peuple, la venue du roi messianique et la fécondité gratuite et surabondante,
trouvent en Marie leur pleine réalisation. Ils légitiment le sens prégnant
que la tradition a attribué à la salutation de l'Ange. En l'invitant à donner
son consentement à la réalisation de la promesse messianique et en lui annonçant
sa très haute dignité de Mère du Sauveur, l'ange ne pouvait pas ne pas inviter
Marie à se réjouir. En effet, comme le Concile nous le rappelle, "avec
elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse,
s'accomplissent les temps et s'instaure l'économie nouvelle, lorsque le
Fils de Dieu prit d'elle la nature humaine pour libérer l'homme du péché
par les mystères de sa chair " (LG, 55).
4. Le récit de
l'Annonciation nous permet de reconnaître en Marie la nouvelle "fille
de Sion ", invitée par Dieu à une grande joie. Il exprime son rôle
extraordinaire de Mère du Messie et même de Mère du Fils de Dieu. La Vierge
accueille le message au nom du peuple de David, mais nous pouvons dire qu'elle
l'accueille au nom de toute l'humanité, car l'Ancien Testament étendait
à toutes les nations le rôle du Messie davidique (cf. Ps 2, 8 ; 71, 8).
Dans l'intention divine, l'annonce qui lui est faite vise au salut universel.
Pour confirmer
cette perspective universelle du dessein divin, nous pouvons rappeler certains
textes de l'Ancien et du Nouveau Testament qui comparent le salut à un grand
banquet de tous les peuples sur le mont Sion (cf. Is 25, 6 et s.), et qui
annoncent le banquet final du Royaume des Cieux (cf. Mt 22, 1-10).
En tant que "fille
de Sion ", Marie est la Vierge de l'alliance que Dieu passe avec toute
l'humanité. Le rôle représentatif de Marie dans cet événement est clair.
Et il est significatif que ce soit une femme qui joue un tel rôle.
5. En tant que
nouvelle "fille de Sion ", Marie est en effet particulièrement
apte à entrer dans l'alliance sponsale avec Dieu. Plus et mieux que tout
autre membre du Peuple élu, elle peut offrir au Seigneur un vrai coeur d'Épouse.
Avec Marie, la "Fille de Sion ", ce n'est plus simplement un sujet
collectif, mais une personne qui représente l'humanité et qui, au moment
de l'Annonciation, répond à la proposition de l'amour divin par son propre
amour sponsal. Elle accueille ainsi d'une manière tout à fait particulière
la joie annoncée par les oracles prophétiques, une joie qui atteint son
sommet dans l'accomplissement du dessein divin.
Audience générale
du 15 mai 1996
Cette reconnaissance
a demandé une longue réflexion doctrinale, qui a abouti finalement à la
proclamation solennelle du dogme de l'Immaculée Conception.
L'appellation
" Toi qui as été rendue pleine de grâce ", que l'Ange adresse
à Marie lors de l'Annonciation, montre l'exceptionnelle faveur divine qui
a été accordée à la jeune fille de Nazareth en vue de sa maternité annoncée,
mais elle indique aussi plus directement l'effet de la grâce divine en Marie.
Marie a été intimement et constamment imprégnée de la grâce, et donc sanctifiée.
La qualification de "kecharitoméne " a une signification très
dense, que l'Esprit Saint a sans cesse fait approfondir par l'Église.
2. J'ai souligné
dans mes catéchèses précédentes que, dans la salutation de l'Ange, l'expression
" pleine de grâce " a pratiquement valeur de nom : c'est le nom
de Marie aux yeux de Dieu. Selon l'usage sémitique, le nom exprime la réalité
des personnes et des choses ainsi désignées. Par conséquent, le titre "pleine
de grâce" manifeste la dimension la plus profonde de la personnalité
de la jeune fille de Nazareth : elle est modelée par la grâce et l'objet
de la faveur divine, au point qu'elle peut être définie par cette prédilection
toute spéciale.
Le Concile rappelle
que les Pères de l'Eglise se référaient à cette vérité quand ils appelaient
Marie " la Toute-Sainte ", affirmant en même temps qu'elle avait
été "pétrie par l'Esprit Saint et formée comme une créature nouvelle
" (LG, 56).
La grâce, entendue
dans son sens de " grâce sanctifiante " qui donne la sainteté
personnelle, a réalisé en Marie la création nouvelle, la rendant pleinement
conforme au projet de Dieu.
3. Ainsi la réflexion
doctrinale a-t-elle pu attribuer à Marie une perfection de sainteté qui,
pour être complète, devait nécessairement affecter sa vie dès son origine.
C'est de cette
pureté originelle que semble traiter un évêque de Palestine, qui a vécu
entre 550 et 650, Theoteknos de Livias. Présentant Marie comme " sainte
et toute-belle ", " pure et sans tache ", il fait allusion
à sa naissance en ces termes : "Elle naît comme les chérubins, celle
qui est d'une argile pure et immaculée " (Panégyrique pour la fête
de l'Assomption, 5-6).
Cette dernière
expression, qui rappelle la création du premier homme formé à partir d'une
glaise non marquée par le péché, attribue les mêmes caractéristiques à la
naissance de Marie : l'origine de Marie a été elle aussi " pure et
immaculée ", c'est-à-dire sans aucun péché. Par ailleurs, la comparaison
avec les chérubins confirme l'excellence de la sainteté qui a caractérisé
la vie de Marie dès le début de son existence.
L'affirmation
de Theoteknos marque une étape importante de la réflexion théologique sur
le mystère de la Mère du Seigneur. Les Pères grecs et orientaux avaient
admis une purification opérée par la grâce en Marie, soit avant l'Incarnation
(saint Grégoire de Nazianze, Oratio 38, 16), soit au moment même de l'Incarnation
(saint Ephrem, Sévérien de Gabala, Jacques de Saroug). Theoteknos de Livias
semble réclamer pour Marie une pureté absolue dès le commencement de sa
vie. En effet, celle qui était destinée à devenir la Mère du Sauveur ne
pouvait pas ne pas avoir une origine parfaitement sainte, sans aucune tache.
4. Au VIIIe siècle,
André de Crète est le premier théologien qui voit dans la nativité de Marie
une nouvelle création. Voici son argumentation : "Toute l'humanité,
dans toute la splendeur de sa noblesse immaculée, reçoit son ancienne beauté.
La honte du péché avait obscurci la splendeur et le charme de la nature
humaine. Mais, quand naît la Mère de Celui qui est la Beauté par excellence,
cette nature récupère en sa personne ses anciens privilèges et est formée
selon un modèle parfait et vraiment digne de Dieu... Aujourd'hui commence
la réforme de notre nature et le monde vieilli, soumis à une transformation
toute divine, reçoit les prémices de la seconde création " (Sermon
I sur la Nativité de Marie).
Revenant alors
à l'image de la glaise primitive, il affirme : " Le corps de la Vierge
est une terre que Dieu a travaillée, les prémices de la masse adamique divinisée
par le Christ, l'image qui ressemble vraiment à la beauté primitive, l'argile
pétri par les mains de l'Artiste divin " (Sermon I sur la Dormition
de Marie).
La Conception
pure et immaculée de Marie apparaît ainsi comme le commencement de la nouvelle
création. Il s'agit d'un privilège personnel accordé à la femme choisie
pour être la Mère du Christ, qui inaugure le temps de la grâce abondante,
voulu par Dieu pour toute l'humanité.
Cette doctrine,
reprise dans ce même VIIIe siècle par saint Germain de Constantinople et
par saint Jean Damascène, éclaire la valeur de la sainteté originelle de
Marie, présentée comme le commencement de la rédemption du monde.
Ainsi, la réflexion
ecclésiale reçoit et explicite le sens authentique du titre "pleine
de grâce " donné par l'ange à la Sainte Vierge. Marie est pleine de
grâce sanctifiante, et elle est telle dès le premier moment de son existence.
Cette grâce, selon la Lettre aux Ephésiens (1, 6) est accordée dans le Christ
à tous les croyants. La sainteté originelle de Marie constitue le modèle
incomparable du don et de la diffusion de la grâce du Christ dans le monde.
Audience générale
du 25 octobre 1995
Après avoir pris
conscience du rôle maternel de Marie, vénérée dans la doctrine et dans le
culte des premiers siècles en tant que Mère virginale de Jésus-Christ et
donc Mère de Dieu, au Moyen Age la piété et la réflexion théologique de
l'Église, approfondissent sa collaboration à l'oeuvre du Sauveur.
Ce retard s'explique
du fait que l'effort des Pères de l'Église et des premiers Conciles oecuméniques,
qui était centré sur le mystère de l'identité du Christ, laissa nécessairement
dans l'ombre d'autres aspects du dogme. Ce n'est que progressivement que
la vérité révélée pourra être explicitée dans toute sa richesse. Au cours
des siècles, la mariologie s'orientera toujours en fonction de la christologie.
La maternité divine de Marie est proclamée lors du Concile d'Ephèse, précisément
pour affirmer l'unité personnelle du Christ. Il en va de même pour l'approfondissement
de la présence de Marie dans l'histoire du salut.
A la fin du deuxième
siècle, saint Irénée, disciple de Polycarpe, met déjà en évidence la contribution
de Marie à l'oeuvre du salut. Il a compris la valeur de l'assentiment de
Marie lors de l'Annonciation, reconnaissant dans l'obéissance et dans la
foi de la Vierge de Nazareth au message de l'ange, la parfaite antithèse
de la désobéissance et de l'incrédulité d'Eve, ce qui aura un effet bénéfique
sur le destin de l'humanité. En effet, de même qu'Eve a été une cause de
mort, Marie, par son " oui ", est devenue une "cause de salut"
pour elle-même et pour tous les hommes (cf. Adv. Haer. 3.22, 4; SC 211,
441). Mais il s'agit d'une affirmation qui n'est pas développée de façon
organique et habituelle par les autres Pères de l'Église.
En revanche, cette
doctrine est élaborée pour la première fois de façon systématique à la fin
du Xe siècle, dans la " Vie de Marie" d'un moine byzantin, Jean
le Géomètre. Dans cet ouvrage, Marie est unie au Christ dans toute son oeuvre
rédemptrice en participant à la Croix, selon le plan divin, et en souffrant
pour notre salut. Elle est demeurée unie à son Fils " dans toutes ses
actions, son comportement et sa volonté" (Vie de Marie, Bol. 196, f.
122 v.). L'association de Marie à l'oeuvre salvifique de Jésus a lieu à
travers son amour de Mère, un amour animé par la grâce, qui lui confère
une force supérieure : celle qui est la plus exempte de passions se révèle
la plus riche de compassion (cf. ibid. Bol. 196, f. 123 v.).
En Occident, saint
Bernard, mort en 1153, s'adressant à Marie, commente ainsi la présentation
de Jésus au temple : "Offre ton Fils, Très Sainte Vierge, et présente
au Seigneur le fruit de ton sein. Pour notre réconciliation avec tous, offre
la victime sainte, agréable à Dieu" (Sermon 3 pour la Purification
n. 2, PL 183, 370).
Un disciple et
ami de saint Bernard, Arnaud de Chartres, met en lumière l'offrande particulière
de Marie lors du sacrifice du Calvaire. Il distingue dans la Croix "deux
autels : l'un dans le coeur de Marie, l'autre dans le corps du Christ. Le
Christ immolait sa chair, Marie son âme". Marie s'immole spirituellement
en profonde communion avec le Christ et implore le salut du monde : "Ce
que la Mère demande, le Fils l'approuve, le Père le donne" (De septem
verbis Domini in cruce, 3 : PL 189, 1694).
A partir de cette
époque, d'autres auteurs exposent la doctrine de la participation particulière
de Marie au sacrifice rédempteur.
En même temps
se développe, dans le culte et dans la piété chrétienne, le regard contemplatif
sur la "compassion" de Marie, représentée de façon éloquente dans
les images de la Pietà. La participation de Marie au drame de la Croix rend
cet événement plus profondément humain et aide les fidèles à entrer dans
le mystère : la compassion de la Mère aide à mieux découvrir la Passion
du Fils.
Avec la participation
à l'oeuvre rédemptrice du Christ, est également reconnue la maternité spirituelle
et universelle de Marie. En Orient, Jean le Géomètre dit de Marie : "
Tu es notre Mère". En rendant grâce à Marie "pour les peines et
les souffrances supportées pour nous", il en met en lumière son affection
maternelle et sa qualité de mère à l'égard de tous ceux qui reçoivent le
salut (cf. Discours d'adieu sur la Dormition de la très glorieuse Vierge
Marie, Mère de Dieu, in A. Wenger, L'Assomption de la Très Sainte Vierge
dans la tradition byzantine, 407).
En Occident également
la doctrine de la maternité spirituelle se développe avec saint Anselme,
qui affirme : "Tu es la mère... de la réconciliation et des réconciliés,
la mère du salut et des sauvés" (cf. Oratio 52, n. 8 : PL 158, 957
A).
Marie ne cesse
pas d'être vénérée comme Mère de Dieu, mais le fait d'être notre Mère confère
un nouveau visage à sa maternité divine et nous ouvre la voie à une communion
plus intime avec elle.
La maternité de
Marie à notre égard ne consiste pas seulement en un lien affectif : par
ses mérites et son intercession, elle contribue de façon efficace à notre
naissance spirituelle et au développement de la vie de la grâce en nous.
C'est pour cette raison que Marie est appelée "Mère de la grâce",
" Mère de la vie".
Le titre de "
Mère de la vie" déjà utilisé par Grégoire de Nysse, a ainsi été expliqué
par Guerrico d'Igny, mort en 1157 : "Elle est la Mère de la Vie, dont
vivent tous les hommes : en engendrant en elle-même cette vie, d'une certaine
façon elle a régénéré tous ceux qui devaient la vivre. Un seul fut engendré,
mais nous fûmes tous régénérés" (In Assumpt. I, 2, PL 185, 188).
Un texte du treizième
siècle, le " Mariale", utilisant une image audacieuse, attribue
cette régénération au " travail douloureux " du Calvaire, à travers
lequel "elle est devenue la Mère spirituelle de tout le genre humain
"; en effet, " dans son sein chaste elle conçut, par compassion,
les enfants de l'Église " (Q. 29, par. 3).
Le Concile Vatican
II, après avoir affirmé que Marie " apporta à l'oeuvre du Sauveur une
coopération absolument sans pareille... ", conclut ainsi : " C'est
pourquoi elle est devenue pour nous, dans l'ordre de la grâce, notre Mère
" (Lumen gentium, n. 61), confirmant de cette façon le sentiment ecclésial
qui voit Marie à côté de son Fils comme la Mère spirituelle de toute l'humanité.
Marie est notre
Mère : cette vérité consolante, qui nous est offerte de façon toujours plus
claire et profonde par l'amour et par la foi de l'Église, a soutenu et soutient
notre vie spirituelle à tous et nous encourage, même dans la souffrance,
à la confiance et à l'espérance.
Audience générale
du 15 novembre 1995
Le développement
de la réflexion mariologique et du culte de la Vierge au cours des siècles,
a contribué à faire toujours mieux apparaître le visage marial de l'Église.
Certes, la très sainte Vierge est entièrement tournée vers le Christ, fondement
de la foi et de l'expérience ecclésiale, et c'est à lui qu'elle conduit.
Aussi, obéissant à Jésus qui a réservé à sa Mère un rôle tout à fait spécial
dans l'économie du salut, les chrétiens ont-ils vénéré et prié Marie d'une
manière très particulière et intense. Ils lui ont attribué une position
très importante dans la foi et la piété, reconnaissant en elle un chemin
privilégié vers le Christ, Médiateur suprême.
La dimension mariale
de l'Église constitue ainsi un élément indéniable dans l'expérience du peuple
chrétien. Elle apparaît dans de nombreuses manifestations de la vie des
croyants, témoignant de la place qu'occupe Marie dans leur coeur. Il ne
s'agit pas d'un sentiment superficiel mais d'un lien affectif profond et
conscient, enraciné dans la foi, qui pousse les chrétiens d'hier et d'aujourd'hui
à recourir habituellement à Marie pour entrer dans une communion plus intime
avec le Christ.
Après la plus ancienne prière, formulée en Égypte par les communautés chrétiennes
du IIIe siècle pour implorer de la " Mère de Dieu " sa protection
dans les dangers, les invocations adressées à celle que les baptisés affirment
comme très puissante dans son intercession auprès du Seigneur, se sont multipliées.
Aujourd'hui, la
prière la plus commune est celle de l'Ave Maria (" Je vous salue, Marie
"), dont la première partie est composée de paroles tirées de l'Évangile
(cf. Lc 1, 28. 42). Les chrétiens apprennent à la réciter en famille dès
leurs plus tendres années, la recevant comme un don précieux à conserver
toute sa vie. Cette même prière, récitée des dizaines de fois dans le Rosaire,
aide de nombreux fidèles à entrer dans la contemplation priante des mystères
évangéliques et à rester parfois de longs moments en contact intime avec
la Mère de Jésus. Depuis le Moyen Age, l'Ave Maria est la prière la plus
commune de tous les croyants, qui demandent à la sainte Mère du Seigneur
qu'elle les accompagne et les protège sur le chemin de l'existence quotidienne
(cf. Exhortation apostolique Marialis cultus, 42-55).
De plus, le peuple
chrétien a manifesté son amour pour Marie en multipliant les expressions
de sa dévotion hymnes, prières et compositions poétiques, simples ou parfois
d'une grande valeur, imprégnées d'un même amour pour celle que le Crucifié
a donnée aux hommes pour mère. Parmi celles-ci, certaines, comme l'hymne
"Acathyste " et le " Salve Regina " ont profondément
marqué la vie de foi du peuple croyant.
La piété mariale
a également suscité une très riche production artistique en Orient et en
Occident, qui a fait apprécier à des générations entières la beauté spirituelle
de Marie. Peintres, sculpteurs, musiciens et poètes ont laissé des chefs-d'oeuvre
qui, mettant en lumière les divers aspects de la grandeur de la Vierge,
aident à mieux comprendre le sens et la valeur de sa grande contribution
à l'oeuvre de la Rédemption.
L'art chrétien
a reconnu en Marie la réalisation d'une humanité nouvelle, qui répond au
projet de Dieu et qui est donc un signe sublime d'espérance pour toute l'humanité.
Ce message ne
pouvait pas ne pas être accueilli par des chrétiens appelés à une vocation
de consécration spéciale. En effet, Marie est particulièrement vénérée dans
les Ordres et les Congrégations religieuses, dans les Instituts ou associations
de vie consacrée. De nombreux Instituts, spécialement, mais pas uniquement
féminins, portent dans leur titre le nom de Marie. Cependant, au-delà des
manifestations extérieures, la spiritualité des familles religieuses, comme
celle de nombreux Mouvements ecclésiaux, dont certains sont spécifiquement
mariaux, met en lumière leur lien spécial avec Marie, garantie d'un charisme
vécu dans l'authenticité et la plénitude.
Cette référence
mariale dans la vie de personnes particulièrement favorisées par l'Esprit
Saint a engendré aussi une dimension mystique, qui montre combien le chrétien
peut faire l'expérience, au plus profond de son être, de l'intervention
de Marie.
La référence à
Marie unit non seulement les chrétiens engagés mais aussi les croyants à
la foi simple, et même ceux qui sont " loin ", pour lesquels,
souvent, elle constitue peut-être l'unique lien avec la vie ecclésiale.
On trouve un signe de ce sentiment commun du peuple chrétien pour la Mère
du Seigneur dans les pèlerinages aux sanctuaires marials qui attirent, tout
au long de l'année, de nombreuses foules de fidèles. Certains de ces bastions
de la piété mariale sont bien connus, comme Lourdes, Fatima, Lorette, Pompei,
Guadalupe, Czestochowa! D'autres ne sont connus qu'au niveau national ou
local. Dans tous ces sanctuaires, le souvenir d'événements liés au recours
à Marie transmet le message de sa tendresse maternelle, ouvrant les coeurs
à la grâce divine.
Ces lieux de prière
mariale sont le merveilleux témoignage de la miséricorde de Dieu, qui parvient
à l'homme par l'intercession de Marie. Des miracles de guérison corporelle,
de rachat spirituel et de conversion sont le signe évident que Marie continue,
avec le Christ et dans l'Esprit, son oeuvre de secours, son oeuvre de Mère.
Souvent, les sanctuaires
mariaux deviennent des centres d'évangélisation. En effet, dans l'Eglise
d'aujourd'hui comme dans la communauté en attente de la Pentecôte, la prière
avec Marie pousse de nombreux chrétiens à l'apostolat et au service de leurs
frères. Je voudrais tout spécialement rappeler ici la grande influence de
la piété mariale sur l'exercice de la charité et des oeuvres de miséricorde.
Encouragés par la présence de Marie, les croyants ont souvent ressenti le
besoin de se consacrer aux pauvres, aux déshérités, aux malades, pour être
auprès des derniers de la terre le signe de la protection maternelle de
la Vierge, icône vivante de la miséricorde du Père.
Il ressort de
tout cela, à l'évidence, que la dimension mariale imprègne toute la vie
de l'Église. L'annonce de la Parole, la liturgie, les diverses expressions
caritatives et cultuelles trouvent dans leur référence à Marie une occasion
d'enrichissement et de renouveau.
Sous la conduite
de ses Pasteurs, le Peuple de Dieu est appelé à discerner dans ce fait l'action
de l'Esprit Saint, qui a poussé la foi chrétienne sur le chemin de la découverte
du visage de Marie. C'est l'Esprit qui opère des merveilles dans les lieux
où se manifeste la piété mariale. C'est lui qui, en stimulant la connaissance
et l'amour de Marie, conduit les fidèles à se mettre à l'école de la Vierge
du Magnificat, pour apprendre à lire les signes de Dieu dans l'histoire
et acquérir la sagesse qui fait de tout homme et de toute femme les constructeurs
d'une humanité nouvelle.
Audience générale
du 29 novembre 1995
On connaît les
paroles du message que, le 8 décembre 1965, à la fin du Concile, les Pères
adressèrent aux femmes du monde entier : "L'heure vient, l'heure est
venue où la vocation de la femme s'accomplit en plénitude, l'heure où la
femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais
atteint jusqu'ici" (AAS 68 [1966], 13).
J'ai repris ces
affirmations, quelques années plus tard, dans ma Lettre apostolique Mulieris
dignitatem : "La dignité de la femme et sa vocation – objets constants
de la réflexion humaine et chrétienne – ont pris ces dernières années un
relief tout particulier" (n. 1).
Le rôle et la
dignité de la femme ont été particulièrement revendiqués, au cours de ce
siècle, par le mouvement féministe qui a voulu réagir, parfois de manière
énergique, contre tout ce qui, dans le passé et le présent, s'est opposé
à la valorisation et au plein développement de la personnalité féminine,
ainsi qu'à sa participation aux multiples manifestations de la vie sociale
et politique.
Il s'agit de requêtes,
en grande partie légitimes, qui ont contribué à une vision plus équilibrée
de la question féminine dans le monde contemporain. L'Église, surtout à
une époque récente, a porté une attention particulière à ces requêtes, encouragée
aussi en cela par le fait que la figure de Marie, vue à la lumière de son
itinéraire évangélique, constitue une réponse valable au désir d'émancipation
de la femme : Marie est l'unique personne humaine qui réalise d'une manière
éminente le projet d'amour divin concernant l'humanité.
2. Ce projet se
manifeste déjà dans l'Ancien Testament, avec le récit de la création qui
présente le premier couple créé à l'image de Dieu lui-même : "Dieu
créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il
les créa" (Gn 1, 27). La femme, donc, autant que l'homme, porte en
elle la ressemblance avec Dieu. Elle est l'objet, quand elle apparaît sur
terre comme résultat de l'action divine, de cette appréciation d'estime
: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon" (Gn
1, 31). Dans cette perspective, la différence entre l'homme et la femme
n'implique ni infériorité ni inégalité de celle-ci, mais elle constitue
un élément de nouveauté qui enrichit le dessein divin, et qui se manifeste
comme "très bon".
Pourtant, l'intention
divine va bien au-delà de ce que révèle le Livre de la Genèse. En Marie,
en effet, Dieu a fait surgir une personnalité féminine qui dépasse de beaucoup
la condition ordinaire de la femme, telle que cette condition apparaît avec
la création d'Ève. L'excellence unique de Marie dans le monde de la grâce
et sa perfection sont le fruit de la particulière bienveillance divine qui
veut élever toute personne, hommes et femmes, à la perfection morale et
à la sainteté qui sont celles des fils adoptifs de Dieu. Marie est celle
qui est "bénie entre toutes les femmes" ; pourtant, toute femme
participe d'une certaine manière à sa dignité sublime dans le plan divin.
3. Le don singulier
fait à la Mère du Seigneur ne témoigne pas seulement de ce que nous pourrions
appeler le respect de Dieu pour la femme, mais il met par ailleurs en évidence
la considération profonde du dessein divin pour son rôle irremplaçable dans
l'histoire de l'humanité.
Les femmes ont
besoin de découvrir cette estime divine pour prendre toujours davantage
conscience de leur très haute dignité. La situation historique et sociale
qui a provoqué la réaction du féminisme se caractérisait par un manque d'estime
pour la valeur de la femme, souvent contrainte de jouer un rôle de second
plan ou même marginal. Cela ne lui a pas permis d'exprimer pleinement les
richesses d'intelligence et de sagesse que renferme la féminité. Au cours
de l'histoire, en effet, les femmes ont souvent souffert du peu de considération
accordée à leurs capacités et, parfois, même de dédain et de préjugés injustes.
Il s'agit d'un état de choses qui, malgré des changements importants, persiste
malheureusement encore aujourd'hui dans bien des pays et dans de nombreux
milieux dans le monde.
4. La figure de
Marie manifeste une telle estime pour la femme de la part de Dieu qu'elle
prive de fondement théorétique toute forme de discrimination.
L'oeuvre admirable
accomplie par le Créateur en Marie offre aux hommes et aux femmes la possibilité
de découvrir des dimensions de leur condition qui n'avaient pas été suffisamment
perçues auparavant. En contemplant la Mère du Seigneur, les femmes pourront
mieux comprendre leur dignité et la grandeur de leur mission. Mais les hommes
également, à la lumière de la Vierge Mère, pourront avoir une vision plus
complète et plus équilibrée de leur identité, de la famille et de la société.
Une réflexion
attentive sur la figure de Marie, telle que nous la présente la Sainte Écriture
lue dans la foi de l'Église, est encore plus nécessaire devant la dévaluation
qui en a parfois été faite par certains courants féministes. La Vierge de
Nazareth a été présentée, en certains cas, comme le symbole de la personnalité
féminine enfermée dans un horizon domestique restreint et étroit.
Marie, au contraire,
constitue le modèle du plein développement de la vocation de la femme car
elle a exercé, malgré les limites objectives mises à sa condition sociale,
une influence immense sur le destin de l'humanité et la transformation de
la société.
5. De plus, la
doctrine mariale peut mettre en lumière les multiples manières par lesquelles
la vie de la grâce promeut la beauté spirituelle de la femme.
Devant la honteuse
utilisation de l'image de la femme de la part de ceux qui font parfois d'elle
un objet sans dignité, destiné à la satisfaction de passions abjectes, Marie
réaffirme le sens sublime de la beauté féminine, don et reflet de la beauté
de Dieu.
Il est vrai que
la perfection de la femme, telle qu'est s'est réalisée en plénitude chez
Marie, peut sembler à première vue un cas exceptionnel, sans possibilité
d'imitation, un modèle trop élevé pour être imité. De fait, la sainteté
unique de celle qui, dès le premier instant, a reçu le privilège de la conception
immaculée, a été parfois considérée comme le signe d'une distance infranchissable.
Mais, au contraire,
la très haute sainteté de Marie, loin de freiner notre marche à la suite
du Seigneur, est destinée, dans le dessein divin, à encourager tous les
chrétiens à s'ouvrir à la puissance sanctificatrice de la grâce de Dieu,
à qui rien n'est impossible. En Marie, donc, tous sont appelés à une confiance
totale dans la toute-puissance divine qui transforme les coeurs, les conduisant
à une entière disponibilité à son providentiel projet d'amour.
Audience générale
du 13 décembre 1995
Une tonalité mariale
particulière caractérise en effet les Assises conciliaires dès leur indiction.
Déjà dans sa Lettre apostolique Celebrandi Concilii oecumenici, mon vénéré
prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean XXIII, avait demandé que l'on recoure
à la puissante intercession de Marie, "Mère de la grâce et Patronne
céleste du Concile" (11 avril 1961, AAS 53 [1961], 242).
Puis, en 1962,
en la fête de la Purification de Marie, le Pape Jean XXIII fixait l'ouverture
du Concile au 11 octobre ; il expliquait qu'il avait choisi cette date en
souvenir du grand Concile d'Éphèse qui, précisément à cette date, avait
proclamé Marie : "Theotokos, Mère de Dieu" (Motu proprio Concilium
: AAS 54 [1962], 67-68). Et dans son discours d'ouverture, le Pape confiait
le Concile à celle qui est le "Secours des chrétiens, le Secours des
évêques", et il implorait son assistance maternelle pour un heureux
déroulement des travaux conciliaires (AAS 54 [1962], 795).
C'est également
vers Marie que les Pères conciliaires dirigent expressément leur pensée
dans leur Message au monde, à l'ouverture du Concile. Ils affirment : "Nous,
successeurs des Apôtres, tous unis dans la prière avec Marie, la Mère de
Jésus, nous formons un seul Corps apostolique" (Acta synodalia, I,
I, 254), se rattachant ainsi, par cette communion avec Marie, à l'Église
des origines qui attendait l'Esprit Saint (cf. Ac 1, 14).
2. Lors de la
seconde session du Concile, on proposa d'introduire l'exposé sur la Bienheureuse
Vierge Marie dans la Constitution sur l'Eglise. Une initiative qui, bien
qu'elle fût expressément recommandée par la Commission théologique, suscita
des opinions divergentes.
Certains, considérant
que cette initiative était insuffisante pour souligner la mission tout à
fait spéciale de la Mère de Jésus dans l'Église, soutenaient que seul un
Document à part pouvait exprimer la dignité, la prédominance, la sainteté
exceptionnelle et le rôle singulier de Marie dans la Rédemption accomplie
par son Fils. Plaçant en outre Marie, d'une certaine manière, au-dessus
de l'Église, ils craignaient que ce choix d'insérer la doctrine mariale
dans le traité sur l'Église ne mette pas suffisamment en évidence les privilèges
de Marie, et ramène sa fonction au niveau de celle des autres membres de
l'Église (Acta synodalia, II, III, 338-342).
Au contraire,
d'autres se prononçaient en faveur de la proposition de la Commission théologique
visant à inclure en un unique Document la doctrine sur Marie et sur l'Église.
Selon ces derniers, ces réalités ne pouvaient être séparées dans un Concile
qui se proposait de redécouvrir l'identité et la mission du Peuple de Dieu,
et qui devait donc montrer leurs liens étroits avec celle qui est le type
et l'exemple de l'Église par sa virginité et sa maternité. En effet, en
sa qualité de membre éminent de la communauté ecclésiale, la Bienheureuse
Vierge occupe une place spéciale dans la doctrine de l'Eglise. De plus,
en mettant l'accent sur le lien existant entre Marie et l'Église, on rendait
la doctrine mariale proposée par le Concile plus compréhensible pour les
chrétiens de la Réforme (Acta synodalia, II, III, 343-345).
En exprimant des
positions doctrinales différentes, les Pères conciliaires, animés d'un même
amour pour Marie, tendaient ainsi à privilégier des aspects différents de
sa personne. Les uns contemplaient Marie principalement dans sa relation
au Christ, les autres la considéraient plutôt comme membre de l'Eglise.
3. Après une discussion
doctrinalement riche, attentive à la dignité de la Mère de Dieu et à sa
présence particulière dans la vie de l'Eglise, on décida d'inclure le traité
marial dans le Document conciliaire sur l'Église (cf. Acta synodalia, II,
III, 627).
Le nouveau schéma
sur la Bienheureuse Vierge Marie, élaboré afin qu'il fût intégré dans la
Constitution dogmatique sur l'Église, manifeste un réel progrès doctrinal.
L'accent mis sur la foi de Marie, ainsi que la préoccupation plus systématique
de fonder la doctrine mariale sur l'Écriture, constituent des éléments importants
et utiles pour enrichir la piété et le respect du peuple chrétien pour la
Bienheureuse Mère de Dieu.
En outre, avec
le temps, le danger de "réductionnisme", que redoutaient certains
Pères, s'est avéré sans fondement : la mission et les privilèges de Marie
ont été très largement réaffirmés ; sa coopération au plan divin de salut
a été mise en relief ; l'harmonie de cette coopération avec l'unique médiation
du Christ est devenue plus évidente.
De plus, le Magistère
conciliaire proposait pour la première fois à l'Eglise un exposé doctrinal
sur le rôle de Marie dans l'oeuvre de la Rédemption accomplie par le Christ
et dans la vie de l'Église.
Nous devons donc
considérer ce choix des Pères conciliaires, qui s'est révélé très fécond
pour le travail doctrinal qui a suivi, comme une décision vraiment providentielle.
4. Les sessions
conciliaires ont montré le souhait de nombreux Pères d'enrichir encore la
doctrine mariale par d'autres affirmations sur le rôle de Marie dans l'oeuvre
du salut. Le contexte particulier dans lequel se déroula le débat mariologique
au Concile Vatican II ne permit pas de répondre à ces voeux – bien qu'ils
fussent argumentés et assez largement partagés – mais l'ensemble de la réflexion
conciliaire sur Marie demeure vigoureux et équilibré, et ces thèmes, même
s'ils n'ont pas été pleinement accueillis, ont occupé une place importante
dans l'ensemble de la réflexion.
Ainsi, les hésitations
de certains Pères face au titre de "Médiatrice"' n'ont pas empêché
le Concile d'utiliser une fois ce titre et d'affirmer en d'autres termes
la fonction médiatrice de Marie, de son consentement donné à l'annonce de
l'Ange jusqu'à sa maternité dans l'ordre de la grâce (cf. Lumen gentium,
62). De plus, le Concile affirme sa "coopération absolument sans pareille"
à l'oeuvre qui restaure la vie surnaturelle dans les âmes (LG, 61). Enfin,
même s'il évite d'employer le titre de "Mère de l'Eglise ", le
texte de Lumen gentium souligne clairement la vénération que l'Eglise porte
à Marie en tant que Mère très aimante.
De tout l'exposé
du chapitre VIII de la Constitution dogmatique sur l'Eglise, il ressort
clairement que les précautions employées en matière de terminologie n'ont
pas empêché que l'on expose une doctrine fondamentale très riche et très
positive, expression de la foi et de l'amour que l'Eglise porte à celle
qu'elle reconnaît comme Mère et Modèle de sa vie.
Par ailleurs,
les différents points de vue des Pères, qui sont apparus au cours du débat
conciliaire, se sont révélés providentiels car, se fondant en une composition
harmonieuse, ils ont donné à la foi et à la dévotion du peuple chrétien,
une présentation plus complète et plus équilibrée de l'admirable identité
de la Mère du Seigneur et de son rôle exceptionnel dans l'oeuvre de la Rédemption.
Audience générale
du 10 janvier 1996
Le primat du Christ
est manifesté dans l'Église, son Corps mystique : en elle, en effet,"
les fidèles adhèrent au Christ Chef et sont en communion avec tous ses saints
" (cf. LG. 52). C'est le Christ qui attire à lui tous les hommes. Puisqu'elle
est, par son rôle maternel, intimement unie à son Fils, Marie contribue
à orienter vers lui le regard et le coeur des croyants.
Elle est le chemin
qui mène au Christ. En effet, celle qui, " à l'annonce de l'Ange, a
accueilli dans son coeur et dans son corps le Verbe de Dieu " (LG,
53), nous montre comment accueillir dans notre existence le Fils descendu
du ciel, et elle nous apprend à faire de Jésus le centre et " la loi"
suprême de notre existence.
2. Marie nous
aide, par ailleurs, à découvrir, à l'origine de toute l'oeuvre du salut,
l'action souveraine du Père qui appelle les hommes à devenir fils dans le
Fils unique. En évoquant les très belles expressions de la Lettre aux Ephésiens
" Dieu, riche en miséricorde, à cause du très grand amour dont il nous
a aimés, nous qui étions morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre
avec le Christ" (Ep 2, 4), le Concile attribue à Dieu le titre de "très
miséricordieux" : le Fils "né d'une femme" , apparaît ainsi
comme le fruit de la miséricorde du Père et fait mieux comprendre combien
cette femme est "Mère de miséricorde".
Dans le même contexte,
le Concile appelle également Dieu " très sage ", suggérant que
l'on accorde une attention particulière au lien étroit qui existe entre
Marie et la Sagesse divine qui, dans son dessein souverain, a voulu la maternité
de la Vierge.
3. Le texte conciliaire
nous rappelle par ailleurs le lien étroit qui unit Marie à l'Esprit Saint,
par les paroles du Symbole de Nicée-Constantinople que nous récitons lors
de la liturgie eucharistique : "Pour nous les hommes et pour notre
salut, il est descendu du ciel ; par l'Esprit Saint, il a pris chair de
la Vierge Marie et s'est fait homme".
En exprimant la
foi de toujours de l'Église, le Concile nous rappelle que la prodigieuse
incarnation du Fils a eu lieu dans le sein de la Vierge Marie, sans concours
de l'homme, par l'action du Saint-Esprit.
Ainsi, l'Introduction
du chapitre VIII de Lumen gentium indique dans la perspective trinitaire
une dimension essentielle de la doctrine mariale. Tout, en effet, vient
de la volonté du Père qui a envoyé son Fils dans le monde, montrant en lui
aux hommes, et le constituant tel, le Chef de l'Église et le centre de l'Histoire.
Il s'agit d'un dessein qui s'est accompli par l'Incarnation, oeuvre de l'Esprit
Saint, mais avec le concours essentiel d'une femme, la Vierge Marie, qui
est devenue ainsi partie intégrante dans l'économie de la communication
de la Trinité au genre humain.
4. La triple relation
de Marie avec les personnes divines est rappelée par des paroles précises
dans l'illustration du rapport typique qui lie la Mère du Seigneur à l'Église
: " Elle reçoit cette immense charge et dignité d'être la Mère du Fils
de Dieu et, par conséquent, la fille de prédilection du Père et le sanctuaire
de l'Esprit Saint" (LG, 53).
La dignité fondamentale
de Marie est celle de "Mère du Fils ",qui s'exprime dans la doctrine
et le culte chrétien par le titre de "Mère de Dieu".
Il s'agit d'une
qualification surprenante, qui manifeste l'humilité du Fils unique de Dieu
dans son Incarnation et, en lien avec elle, le privilège souverain accordé
à la créature qui est appelée à l'engendrer dans la chair.
Mère du Fils,
Marie est " fille de prédilection " du Père d'une manière unique.
Il lui a été accordé une ressemblance tout à fait spéciale entre sa maternité
et la paternité divine.
Et encore tout
chrétien est " Temple de l'Esprit Saint ", selon l'expression
de l'apôtre Paul (1 Co 6, 19). Mais cette affirmation prend chez Marie une
signification exceptionnelle : chez elle, en effet, la relation avec l'Esprit
Saint s'enrichit de la dimension sponsale. Je l'ai
rappelé dans mon
Encyclique Redemptoris Mater : "L'Esprit Saint est déjà descendu sur
elle, qui est devenue sa fidèle Épouse lors de l'Annonciation, quand elle
accueillit le Verbe du vrai Dieu... "(n. 26).
5. La relation
privilégiée de Marie avec la Trinité lui confère donc une dignité qui dépasse
de beaucoup celle de toutes les autres créatures. C'est ce que rappelle
expressément le Concile : à cause de ce don d'une "grâce exceptionnelle"
Marie se trouve "très au-dessus de toutes les créatures " (LG,
53). Pourtant, cette très haute dignité n'empêche pas que Marie soit solidaire
de chacun d'entre nous. La Constitution Lumen gentium poursuit en effet
: "Mais elle se trouve aussi, comme descendante d'Adam, réunie à l'ensemble
de l'humanité qui a besoin de salut" et elle a été "rachetée de
façon éminente en considération des mérites de son Fils "(ibid.).
Apparaît alors
la signification authentique des privilèges de Marie et de ses rapports
exceptionnels avec la Trinité : ils ont pour but de la rendre apte à coopérer
au salut du genre humain. La grandeur incommensurable du Seigneur demeure
donc, un don de l'amour de Dieu à tous les hommes. En la proclamant "
bienheureuse" (Lc 1, 48), les générations louent " les merveilles"
(Lc 1, 49) que le Tout-Puissant a faites en elle pour l'humanité, "se
souvenant de sa miséricorde "(Lc 1, 54).
Audience générale
du 31 janvier 1996
Dans le contexte
de l'annonce de l'Ange qui invite Joseph à prendre chez lui Marie, son épouse,
"car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint ",
Matthieu donne une signification christologique et mariale à l'oracle d'Isaïe.
"Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée
par le prophète : "Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde
un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel", qui se traduit : Dieu
avec nous" (Mt 1, 22-23).
2. Dans le texte
hébreu, ce texte n'annonce pas explicitement la naissance virginale de l'Emmanuel
: en effet, le mot employé (almah) désigne seulement " une jeune femme
", pas nécessairement une vierge. De plus, on sait que la tradition
juive ne proposait pas l'idéal de la virginité perpétuelle, et n'avait jamais
non plus exprimé l'idée d'une maternité virginale.
Dans la tradition
grecque, au contraire, le mot hébreu employé est rendu par le terme de "parthenos
", " vierge ". Nous devons reconnaître en ce fait, qui pourrait
apparaître simplement comme un problème particulier de traduction, une orientation
mystérieuse donnée par l'Esprit Saint aux paroles d'Isaïe, pour préparer
la compréhension de la naissance extraordinaire du Messie. La traduction
qui emploie le mot " vierge " s'explique par le fait que le texte
d'Isaïe prépare avec une grande solennité l'annonce de la conception et
la présente comme un signe divin (Is 7, 10-14), suscitant l'attente d'une
conception extraordinaire. Or, qu'une jeune femme conçoive un fils après
s'être unie à son mari ne constitue pas un fait extraordinaire. Par ailleurs,
l'oracle ne fait aucunement allusion au mari. Une telle formulation suggérait
donc l'interprétation donnée ensuite dans la version grecque.
3. Dans le contexte
originel, l'oracle d'Isaïe 7, 14 constituait la réponse divine à un manque
de foi du roi Achaz, lequel, devant la menace d'une invasion des armées
des rois voisins, cherchait son salut et celui de son royaume dans la protection
de l'Assyrie. En lui conseillant de ne mettre sa confiance qu'en Dieu, en
renonçant à la terrible intervention assyrienne, le prophète Isaïe l'invite
de la part du Seigneur à un acte de foi dans la puissance divine "
Demande un signe au Seigneur, ton Dieu ". Devant le refus du roi, qui
préfère chercher le salut dans des secours humains, le prophète prononce
le célèbre oracle " Écoutez donc, maison de David! Est-ce trop peu
pour vous de lasser les hommes, que vous lassiez aussi mon Dieu? C'est pourquoi
le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voici, la jeune femme est enceinte,
elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel " (Is
7, 13-14).
L'annonce du signe
de l'Emmanuel, "Dieu-avec-nous", implique la promesse de la présence
divine dans l'histoire, qui trouvera toute la plénitude de sa signification
dans le mystère de l'incarnation du Verbe.
4. Dans l'annonce
de la naissance prodigieuse de l'Emmanuel, l'indication de la femme qui
conçoit et engendre montre une certaine intention d'associer la mère au
destin de son fils - un prince destiné à établir un royaume idéal, le royaume
"messianique " - et fait entrevoir un dessein divin particulier,
qui met en évidence le rôle de la femme.
Le signe, en effet,
n'est pas seulement l'enfant mais la conception extraordinaire, révélée
ensuite dans l'accouchement lui-même, événement plein d'espérance, qui souligne
le rôle central de la mère.
En outre, on doit
comprendre l'oracle de l'Emmanuel dans la perspective ouverte par la promesse
adressée à David, promesse que l'on peut lire dans le second Livre de Samuel.
Là, le prophète Natân promet au roi la faveur divine pour son descendant
: " C'est lui qui construira une maison pour mon Nom et j'affermirai
pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour
moi un fils" (2 S 7, 13-14).
À l'égard de la
descendance davidique, Dieu veut assumer un rôle paternel, qui dévoilera
sa signification plénière et authentique dans le Nouveau Testament par l'incarnation
du Fils de Dieu dans la famille de David (cf. Rm 1, 13).
5. Le même prophète
Isaïe, dans un autre texte très connu, réaffirme le caractère exceptionnel
de la naissance de l'Emmanuel. Voici ses paroles : "Un enfant nous
est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et
on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel,
Prince-de-la-paix " (Is 9, 5). Le prophète exprime ainsi, par cette
série de noms donnés au petit enfant, les qualités de sa tâche royale :
la sagesse, la puissance, la bienveillance paternelle, l'action pacificatrice.
La mère n'est
plus mentionnée ici, mais l'exaltation du fils qui apporte au peuple tout-ce
que l'on peut espérer dans le royaume messianique, se renverse aussi sur
la femme qui l'a conçu et mis au monde.
6. Un oracle célèbre
de Michée fait lui aussi allusion à la naissance de l'Emmanuel. Le prophète
dit: "Et toi, Bethléem, Éphrata, le moindre des clans de Juda, c'est
de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël. Ses origines remontent
au temps jadis, aux jours antiques. C'est pourquoi il les abandonnera jusqu'au
temps où aura enfanté celle qui doit enfanter" (Mi 5, 1-2). Dans ces
paroles résonne l'attente d'un enfantement plein d'espérance messianique,
dans lequel est mis en évidence, une fois encore, le rôle de la mère, explicitement
rappelée, ennoblie par l'admirable événement qui apporte joie et salut.
7. La maternité
virginale de Marie a été préparée d'une manière plus générale par la faveur
que Dieu réserve aux humbles et aux pauvres (cf. LG, 55). Ceux-ci, mettant
toute leur confiance dans le Seigneur, anticipent par leur attitude la signification
profonde de la virginité de Marie qui, renonçant à la richesse de la maternité
humaine, a attendu de Dieu toute la fécondité de sa propre vie.
L'Ancien Testament
ne contient donc pas une annonce formelle de la maternité virginale, qui
n'est revélée pleinement que dans le Nouveau Testament. Cependant, l'oracle
d'Isaïe (Is 7, 14) prépare la révélation de ce mystère et a été précisé
en ce sens dans la traduction grecque de l'Ancien Testament. Citant l'oracle
ainsi traduit, l'Evangile de Matthieu en proclame le parfait accomplissement
par la conception de Jésus dans le sein virginal de Marie.
Audience générale
du 8 mai 1996
S'adressant à
la Vierge de Nazareth, après la salutation "chairé ", " Réjouis-toi!
", l'Ange l'appelle " kecharitoméne ", "pleine de grâce
". Les mots du texte grec " chairé " et " kecharitoméne
" ont un lien profond : Marie est invitée à se réjouir surtout parce
que Dieu l'aime et l'a comblée de grâce en vue de la divine maternité!
La foi de l'Église
et l'expérience des saints enseignent que la grâce est source de joie et
que la vraie joie vient de Dieu. En Marie, comme chez les chrétiens, le
don divin produit une joie profonde.
2. " Kecharitoméne
" ce terme qui s'adresse à Marie apparaît comme une qualification propre
à la femme qui est destinée à devenir la mère de Jésus. La Constitution
conciliaire Lumen gentium le rappelle opportunément quand elle affirme :
" La Vierge de Nazareth est saluée par l'Ange de l'Annonciation, qui
parle sur l'ordre de Dieu, comme "pleine de grâce" (LG, 56).
Le fait que le
messager céleste l'appelle ainsi confère à la salutation angélique une valeur
plus haute : c'est une manifestation du mystérieux plan de salut divin à
l'égard de Marie. Comme je l'ai écrit dans mon Encyclique Redemptoris Mater
: "La plénitude de grâce désigne tous les dons surnaturels dont Marie
bénéficie en rapport avec le fait qu'elle a été choisie et destinée à être
Mère du Christ" (n. 9).
"Pleine de
grâce " est le nom que Marie possède aux yeux de Dieu. En effet, selon
le récit de l'Évangéliste Luc, l'ange l'emploie avant même de prononcer
le nom de " Marie ", mettant ainsi en évidence l'aspect principal
pour le Seigneur de la personnalité de la Vierge de Nazareth.
L'expression "
pleine de grâce " traduit le mot grec " kecharitoméne ",
qui est un participe passé. Pour rendre avec plus d'exactitude le sens du
mot grec, on ne devrait donc pas dire simplement "pleine de grâce ",
mais "qui a été rendue pleine de grâce ", ou bien " qui a
été comblée de grâce ", ce qui indiquerait clairement qu'il s'agit
d'un don de Dieu à la Vierge. Le terme, sous sa forme de participe passé,
accrédite l'image d'une grâce parfaite et durable, qui implique la plénitude.
Le même verbe, au sens de " donner la grâce ", est employé dans
la Lettre aux Éphésiens pour indiquer l'abondance de grâce qui nous a été
accordée par le Père en son Fils bien aimé (1, 6). Marie la reçoit comme
prémices de la Rédemption (cf. RM, 10).
3. Dans le cas
de la Vierge, l'action de Dieu apparaît certes surprenante. Marie ne possède
aucun titre humain pour recevoir l'annonce de la venue du Messie. Elle n'est
pas le grand prêtre, représentant officiel de la religion juive, elle n'est
pas un homme, mais une jeune femme sans influence sur la société de son
temps. De plus, elle est originaire de Nazareth, un village qui n'est jamais
cité dans l'Ancien Testament. Il ne devait pas jouir d'une bonne renommée,
comme cela ressort des paroles de Nathanaël que nous rapporte 1'Evangile
de Jean : " De Nazareth, que peut-il sortir de bon? " (Jn 1, 46).
Le caractère extraordinaire
et gratuit de l'intervention de Dieu apparaît encore plus évident quand
on lit le texte de Luc qui rapporte l'histoire de Zacharie. Pour ce dernier,
on met en effet en évidence sa condition sacerdotale, comme aussi le caractère
exemplaire de sa vie qui fait de lui et de sa femme Élisabeth des modèles
de justes de l'Ancien Testament : " Ils suivaient tous les commandements
et les préceptes du Seigneur d'une manière irréprochable" (Lc 1, 6).
L'origine de Marie,
au contraire, n'est même pas indiquée : l'expression " de la maison
de David" (Lc 1, 27) ne se rapporte, en effet, qu'à Joseph. De plus,
on ne dit rien du comportement de Marie. Par ce choix littéraire, Luc met
en évidence qu'en elle tout découle d'une grâce souveraine. Ce qui lui est
accordé ne provient d'aucun titre ni mérite, mais uniquement de la prédilection
divine, libre et gratuite.
4. En procédant
ainsi, l'Évangéliste n'a certes pas l'intention de rabaisser la très haute
valeur personnelle de la Sainte Vierge. Il veut plutôt présenter Marie comme
un pur résultat de la bienveillance de Dieu, qui a pris tellement possession
d'elle qu'il la rend, selon l'appellation que l'Ange emploie, " pleine
de grâce ". C'est cette abondance de grâce qui fonde la richesse spirituelle
cachée de Marie.
Dans l'Ancien
Testament, Yahvé manifeste la surabondance de son amour de diverses manières
et dans de nombreuses circonstances. En Marie, à l'aube du Nouveau Testament,
la gratuité de la miséricorde divine atteint son degré suprême. En elle,
la prédilection de Dieu, témoignée au peuple élu, et en particulier aux
humbles et aux pauvres, atteint son sommet.
Nourrie par la
Parole du Seigneur et l'expérience des saints, l'Église exhorte les croyants
à toujours regarder la Mère du Rédempteur et à se sentir, comme elle, aimés
de Dieu. Elle les invite à partager son humilité et sa pauvreté afin que,
en suivant son exemple et grâce à son intercession, ils puissent persévérer
dans la grâce divine qui sanctifie et transforme les coeurs.
Audience générale
du 29 mai 1996
À côté du récit
lucanien de l'Annonciation, la Tradition et le Magistère ont vu dans ce
que l'on appelle le Protévangile (Gn 3, 15) une source scripturaire de la
vérité de l'Immaculée Conception de Marie. Ce texte a inspiré, à partir
de l'ancienne traduction latine : " Elle t'écrasera la tête ",
de nombreuses représentations de l'Immaculée qui écrase le serpent sous
ses pieds.
Nous avons déjà
eu l'occasion de rappeler que cette traduction ne correspond pas au texte
hébreu, où ce n'est pas la femme, mais bien sa descendance, qui écrase la
tête du serpent. Ce texte n'attribue donc pas à Marie, mais à son Fils,
la victoire sur Satan. Cependant, puisque la tradition biblique établit
une profonde solidarité entre celle qui engendre et sa descendance, la représentation
de l'Immaculée qui écrase le serpent est cohérente avec le sens originel
du passage : elle le fait non pas par sa propre force mais par grâce de
son Fils.
2. Dans ce même
texte biblique, on proclame en outre l'inimitié entre la femme et sa descendance,
d'une part, et le serpent et sa descendance, d'autre part. Il s'agit d'une
hostilité expressément établie par Dieu, qui prend un relief singulier si
nous considérons le problème de la sainteté personnelle de la Vierge. Pour
être l'ennemie inconciliable du serpent et de sa descendance, Marie doit
être exempte de toute domination du péché. Et cela dès le premier moment
de son existence.
À cet égard, l'Encyclique
Fulgens corona, publiée par le Pape Pie XII en 1953 pour commémorer le centenaire
de la définition du dogme de l'Immaculée Conception, propose cette argumentation
: "Si, à un moment donné, la Bienheureuse Vierge Marie était restée
privée de la grâce divine, parce que souillée dans sa conception par la
tache héréditaire du péché, il y aurait eu entre elle et le serpent – du
moins pendant cet espace de temps, si court qu'il eût été – non pas l'éternelle
inimitié dont il est fait mention depuis la tradition primitive jusqu'à
la définition solennelle de l'Immaculée Conception de la Vierge, mais bien
plutôt un certain asservissement (AAS 45 [1953], 579) (DC 1953, no 1158,
col. 1283. NDLR).
L'hostilité absolue
établie par Dieu entre la femme et le démon postule donc en Marie l'Immaculée
Conception, c'est-à-dire une absence totale de péché, dès le début de sa
vie. Le Fils de Marie a remporté la victoire définitive sur Satan et en
a fait bénéficier par anticipation sa Mère, la préservant du péché. En conséquence,
le Fils lui a accordé le pouvoir de résister au démon, réalisant ainsi dans
le mystère de l'Immaculée Conception l'effet le plus notable de son oeuvre
rédemptrice.
3. L'appellation
" pleine de grâce " et le Protévangile, en attirant notre attention
sur la sainteté spéciale de Marie et sur sa complète exemption de l'influence
de Satan, nous font comprendre, dans le privilège unique que le Seigneur
a accordé à Marie, qu'un ordre nouveau commence, qui est le fruit de l'amitié
avec Dieu et qui comporte, par conséquent, une inimitié profonde entre le
serpent et les hommes.
Comme témoignage
biblique en faveur de l'Immaculée Conception de Marie, on cite souvent,
aussi, le chapitre XII de l'Apocalypse, où l'on parle de " la femme
revêtue de soleil" (12, 1). L'exégèse actuelle est d'accord pour voir
en cette femme la communauté du Peuple de Dieu, qui engendre dans la douleur
le Messie ressuscité. Mais, à côté de cette interprétation collective, le
texte suggère une interprétation individuelle lorsqu'il affirme : "La
Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de
toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer" (12, 5). On
admet ainsi, par cette référence à l'enfantement, une certaine identification
de la femme revêtue de soleil avec Marie, la Femme qui a mis le Messie au
monde (" à la lumière "). La femme-communauté est décrite en effet
sous les apparences de la femme-Mère de Jésus.
Caractérisée par
sa maternité, la femme " était enceinte, et elle criait, torturée par
les douleurs de l'enfantement" (12, 2). Cette annotation renvoie à
la Mère de Jésus au pied de la Croix (cf. Jn 19, 25) où elle participe,
le coeur transpercé par une épée (cf. Lc 2, 35), au travail de l'enfantement
de la communauté des disciples. Malgré ses souffrances, elle est "
revêtue de soleil " – c'est-à-dire qu'elle porte le reflet de la splendeur
divine – et elle apparaît comme un " signe grandiose" du rapport
sponsal de Dieu avec son peuple.
Même si elles
n'indiquent pas directement le privilège de l'Immaculée Conception, ces
images peuvent être interprétées comme des expressions de l'amour du Père
qui entoure Marie de la grâce du Christ et de la splendeur de l'Esprit.
Enfin, l'Apocalypse
invite à reconnaître plus particulièrement la dimension ecclésiale de la
personnalité de Marie : la femme revêtue de soleil représente la sainteté
de l'Église, qui se réalise pleinement dans la Sainte Vierge, en vertu d'une
grâce singulière.
4. À ces affirmations
scripturaires auxquelles se réfèrent la Tradition et le Magistère pour fonder
la doctrine de l'Immaculée Conception, paraissent s'opposer les textes bibliques
qui affirment l'universalité du péché.
L'Ancien Testament
parle d'une contagion due au péché qui touche tout " petit né d'une
femme " (Ps 50, 7 ; Jb 14, 2). Dans le Nouveau Testament, Paul déclare
que, à la suite de la faute d'Adam, "tous ont péché " et que "la
faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation "
(Rm 5, 12. 18). Donc, comme le rappelle le Catéchisme de l'Eglise catholique,
le péché originel "affecte la nature humaine" qui se trouve ainsi
" dans un état déchu ". Aussi le péché est-il transmis "par
propagation à toute l'humanité, c'est-à-dire par la transmission d'une nature
humaine privée de la sainteté et de la justice originelles" (n. 404).
Paul admet cependant une exception à cette loi universelle : le Christ,
celui " qui n'a pas connu le péché " (2 Co 5, 21) et qui a pu
ainsi faire surabonder la grâce " là où le péché a abondé " (Rm
5, 20).
Ces affirmations
ne portent pas nécessairement à la conclusion que Marie a été impliquée
dans l'humanité pécheresse. Le parallèle, établi par Paul, entre Adam et
le Christ, est complété par celui qui existe entre Ève et Marie : le rôle,
important, de la femme dans le drame du péché, l'est aussi dans la rédemption
de l'humanité.
Saint Irénée présente
Marie comme la nouvelle Ève qui, par sa foi et son obéissance, a fait contrepoids
à l'incrédulité et à la désobéissance d'Ève. Un tel rôle dans l'économie
du salut requiert l'absence de péché. Il convenait que comme le Christ,
nouvel Adam, Marie, nouvelle Ève, n'eût pas connu le péché et qu'elle fût
ainsi plus apte à coopérer à la rédemption.
Le péché qui traverse
l'humanité comme un torrent, s'arrête devant le Rédempteur et sa fidèle
Collaboratrice. Avec une différence substantielle : le Christ est totalement
saint en vertu de la grâce qui, dans son humanité, découle de la personne
divine ; Marie est toute sainte en vertu de la grâce reçue par les mérites
du Sauveur.
Audience générale
du 19 juin 1996
Cher(e) ami(e)s
,
1. La définition du dogme de l'Immaculée Conception ne concerne directement
que le premier moment de l'existence de Marie, à partir duquel elle a été
"préservée intacte de toute souillure due au péché originel".
Le Magistère pontifical a voulu ainsi ne définir que la vérité qui avait
fait l'objet de controverses au cours des siècles : la préservation du péché
originel, sans se préoccuper de définir la sainteté permanente de la Vierge
Mère du Seigneur.
Cette vérité appartient déjà au sentiment commun du peuple chrétien. Celui-ci
atteste en effet que Marie, exempte du péché originel, a été également préservée
de tout péché actuel et que sa sainteté initiale lui a été accordée afin
qu'elle remplisse toute son existence.
2. L'Église a constamment reconnu que Marie était sainte et exempte de tout
péché ou imperfection morale. Le Concile de Trente exprime cette conviction
en affirmant que personne "ne peut éviter, durant toute sa vie, tout
péché, même véniel, à moins d'un privilège spécial de Dieu, comme l'Église
le tient pour la Vierge Marie" (DS, 1573). La possibilité de pécher
n'épargne pas le chrétien transformé et renouvelé par la grâce. En effet,
celle-ci ne préserve pas de tout péché durant toute la vie, à moins que,
comme l'affirme le Concile de Trente, un privilège spécial assure cette
immunité du péché. C'est ce qui s'est passé pour Marie.
Le Concile de Trente n'a pas voulu définir ce privilège mais il a déclaré
que l'Eglise l'affirme avec vigueur: "Tenet" (Elle le tient),
c'est-à-dire elle le retient fermement. Il s'agit d'un choix qui, loin de
reléguer cette vérité parmi les croyances pieuses ou les opinions dévotionnelles,
en confirme le caractère de doctrine solide, bien présente dans la foi du
Peuple de Dieu. Du reste, cette conviction se fonde sur la grâce attribuée
à Marie par l'ange, au moment de l'Annonciation. En l'appelant "pleine
de grâce" (" kecharitoméne "), l'ange reconnaît en elle la
femme dotée d'une perfection permanente et d'une plénitude de sainteté,
sans l'ombre d'une faute ou d'une imperfection d'ordre moral ou spirituel.
3. Certains Pères de l'Église des premiers siècles, qui n'avaient pas encore
acquis la conviction de sa parfaite sainteté, ont attribué à Marie des imperfections
ou des défauts moraux. Même des auteurs récents ont faite leur cette position.
Mais les textes évangéliques cités pour justifier ces opinions ne permettent
absolument pas de fonder l'attribution d'un péché, ou même seulement d'une
imperfection morale, à la Mère du Rédempteur.
La réponse de Jésus à sa Mère, alors qu'il avait 12 ans: " Pourquoi
me cherchiez-vous? Ne le saviez-vous pas? C'est chez mon Père que je dois
être" (Lc 2, 49), a été parfois interprétée comme un reproche voilé.
Une lecture attentive de l'épisode fait comprendre au contraire que Jésus
n'a pas reproché à sa Mère et à Joseph de le chercher, puisqu'ils avaient
la responsabilité de veiller sur lui.
Rencontrant Jésus après une recherche tourmentée, Marie se borne à lui demander
seulement le "pourquoi" de son comportement : "Mon enfant,
pourquoi nous as-tu fait cela?" (Lc 2, 48). Et Jésus répond par un
autre "pourquoi", s'abstenant de tout reproche et faisant allusion
au mystère de sa filiation divine.
Les paroles prononcées à Cana : "Femme, que me veux-tu? Mon heure n'est
pas encore venue" (Jn 2, 4), ne peuvent pas, elles non plus, être interprétées
comme un reproche. Devant le probable souci qu'aurait provoqué chez les
époux le manque de vin, Marie s'adresse à Jésus avec simplicité, en lui
confiant le problème. Tout en étant conscient d'être le Messie tenu de n'obéir
qu'à la volonté de son Père, Jésus accède à la demande implicite de sa Mère.
Surtout, il répond à la foi de la Vierge et commence ainsi ses miracles,
manifestant sa gloire.
4. Certains ont interprété de manière négative la déclaration de Jésus lorsque,
au début de sa vie publique, Marie et ses parents demandent à le voir. En
nous rapportant la réponse de Jésus à qui lui disait : "Ta mère et
tes frères sont là dehors, qui veulent te voir", l'évangéliste Luc
nous donne la clef de lecture du récit, que l'on doit comprendre à partir
des dispositions intérieures de Marie, bien différentes de celles des "frères"
(cf. Jn 7, 5). Jésus répond : "Ma mère et mes frères sont ceux qui
écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique" (Lc 8, 21).
Dans le récit de l'Annonciation, Luc a montré en effet comment Marie a été
le modèle de l'écoute de la Parole de Dieu et de la docilité généreuse.
Interprété dans cette perspective, l'épisode propose un grand éloge de Marie,
qui a accompli parfaitement dans sa vie le dessein divin. Les paroles de
Jésus, tout en s'opposant à la tentative de ses frères, exaltent la fidélité
de Marie à la volonté de Dieu et la grandeur de sa maternité, qu'elle a
vécue non seulement physiquement mais aussi spirituellement.
En lui décernant cette louange indirecte, Jésus use d'une méthode particulière
: il met en évidence la noblesse du comportement de Marie, à la lumière
d'affirmations de portée plus générale, et montre mieux la solidarité et
la proximité de la Vierge avec l'humanité dans le difficile chemin de la
sainteté.
Enfin, les paroles : "Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de
Dieu et qui la mettent en pratique" (Lc 11, 28), prononcées par Jésus
pour répondre à la femme qui déclarait sa Mère bienheureuse, loin de mettre
en doute la perfection personnelle de Marie, mettent en relief son accomplissement
fidèle de la Parole de Dieu : c'est ainsi que l'Église les a comprises,
en insérant cette expression dans les célébrations liturgiques en l'honneur
de Marie.
Le texte évangélique suggère en effet que, par cette déclaration, Jésus
a voulu révéler que c'est bien dans l'union intime avec Dieu et l'adhésion
parfaite à la Parole de Dieu que se trouve le motif le plus grand de la
"béatitude" de sa Mère.
5. Le privilège spécial accordé par Dieu à la "Toute Sainte "
nous conduit à admirer les merveilles réalisées dans sa vie par la grâce.
Il nous rappelle de plus que Marie a toujours et totalement appartenu au
Seigneur, et qu'aucune imperfection n'a compromis la parfaite harmonie entre
elle et Dieu.
Son histoire terrestre est donc caractérisée par le développement constant
et sublime de la foi, de l'espérance et de la charité. Aussi Marie est-elle
pour les croyants le signe lumineux de la Miséricorde divine et le guide
sûr vers les hautes cimes de la perfection évangélique et de la sainteté.
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Audience générale du 10 juillet 1996
Audience générale
du 31 juillet 1996
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du 4 septembre 1996
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