SOURCE/ www.apel.asso.fr
Profession parents
Education
Aider nos enfants à grandir
Comment faire de nos enfants des individus
autonomes et épanouis ? En devenant
nous-mêmes plus indépendants vis-à-vis de notre passé et de nos parents, conseille
Nicole Prieur*, psychothérapeute d’enfants et d’adolescents.
Voici quelques étapes de ce cheminement.
Tenir compte des signaux adressés par nos
enfants
" Beaucoup de parents qui amènent un enfant en consultation pour un problème
de bégaiement, de difficultés à l'école, d'agressivité…, admettent qu'ils
ont eux-mêmes souffert de ce symptôme autrefois et qu'ils n'ont pas vraiment
réglé le conflit qui l'avait engendré, constate Nicole Prieur. Ainsi
découvre-t-on qu'un compte non expurgé peut être réactivé par les enfants.
" Mystère de la transmission. Par le biais des émotions, circule parfois
un héritage dont nous nous passerions bien. Mais, à nous d'entendre ce qu'une
souffrance d'enfant exprime et les interrogations qu'elle nous renvoie. Assumer
nos culpabilités, c'est accepter ce qui fait partie de nous. C'est donner
leur place aux douloureux épisodes anciens, même s'ils ne sont pas gratifiants.
Sinon, le perpétuel combat contre nous-mêmes nous fragilise et fragilise nos
enfants.
Prendre de la distance avec le passé
Paradoxe : il faut regarder en face ce qui nous a blessé bien des années auparavant,
et pourtant ne pas en rester esclave. " Eduquer nos enfants est un rendez-vous
avec notre propre enfance, donc avec nous-mêmes ", assure Nicole Prieur.
Nous souvenir de nos réactions, de nos sentiments, permet de mieux comprendre
nos enfants et de ne pas exiger d'eux… la perfection ! Pourtant, un passé
qui colle trop à la peau peut être sclérosant. Il est possible de le revisiter
en lui donnant une connotation émotionnelle et affective différente à chaque
fois. Ces images sont malléables. Elles doivent être des repères, un tremplin.
Pas un frein qui peut nous conduire à enfermer nos enfants dans des demandes
paralysantes.
Poser des limites avec les grands-parents
Ils ont les meilleures intentions du monde quand ils vous conseillent :
" Tu devrais inscrire Nathalie à des cours de musique. Tu es trop laxiste
avec Fabien…" D'autant que parfois, ce sont eux qui gardent les petits
pendant que vous travaillez. Mais ne les laissez pas déborder de leur rôle.
Affirmez : " C'est moi qui décide ". Sans rejeter toutes leurs propositions,
faites la part de votre désir et du leur en matière d'éducation. Avec diplomatie
et fermeté, faites valoir vos propres valeurs. " C'est important aux yeux
des enfants, justifie Nicole Prieur. Sinon, ils percevront leurs parents
comme d'éternels enfants soumis à ces figures tutélaires que sont les grands-parents.
Comment pourraient-ils reconnaître votre autorité et vous repérer comme capable
de transmettre si vous êtes figés dans un statut infantile ? "
Oublier le besoin de reconnaissance
Les adultes attendent encore souvent de leurs parents des encouragements,
une approbation. Si ces marques de reconnaissance ne s'expriment pas, ils
en sont blessés. " Ils ont beau avoir réussi leur vie, s'ils n'ont pas
répondu au modèle attendu par leurs parents, ils restent empoisonnés par ce
mètre étalon, remarque Nicole Prieur. On exercera une pression moins
forte sur notre progéniture, en acceptant de ne pas être l'enfant idéal de
nos parents, en cessant de s'évaluer sous leur regard. " C'est à nous
de nous préserver, de nous raisonner. L'harmonie est au rendez-vous si l'on
y parvient.
Abandonner les regrets
Encore un renoncement douloureux mais, in fine, bénéfique. Nos souffrances
s'enracinent souvent dans le sentiment que l'on n'a pas obtenu ce que l'on
attendait. D'insatisfactions en espoirs déçus, nous ne sommes plus disponibles
à la vie, à la construction, au bonheur. " Se faire violence pour dépasser
ce sentiment est nécessaire, recommande Nicole Prieur. Nous avons forcément
beaucoup reçu, sauf contexte de maltraitance ou de malveillance parentale.
Nos parents ont certainement fait ce qu'ils ont pu pour cela. Il faut leur
pardonner. Accepter leurs incompétences nous aidera à mieux accepter les nôtres
et évitera que nos enfants se sentent chargés de réparer nos frustrations.
Nous leur donnerons plus, si nous avons conscience d'avoir eu notre comptant
et si nous le cultivons. " Rude tâche. Là, comme pour les autres étapes,
l'aide d'un psychothérapeute peut être utile.
Rompre avec la dette
Sans la nier, bien sûr. Nous devons tellement à nos parents et aux générations
passées que nos comptes sont définitivement insolvables. Inutile de chercher
à rendre ce qu'on nous a donné. C'est incommensurable, s'y attaquer serait
dérisoire. Sachons reconnaître ce que les générations précédentes nous ont
légué pour mieux nous en libérer. Nos parents ont fait des sacrifices pour
nous ? Sans doute ne pouvaient-ils se comporter autrement. Ou bien y ont-ils
trouvé des satisfactions. Ne restons pas prisonniers de leurs attentes. Ne
prenons pas le risque de transmettre un devoir de loyauté qui enferme. Sachons
" désobéir ", être nous-mêmes. " Ce que nous devons à nos parents, doit
s'estomper au profit de ce que nous devons à nos enfants ", estime la
psychothérapeute.
Faire preuve de patience
Ces transformations intérieures demandent du temps, de la souplesse, de la
volonté. Avoir conscience qu'elles sont nécessaires est un premier pas. Ensuite,
par tâtonnements progressifs, nous évoluerons et c'est ce qui compte aux yeux
de nos enfants : s'ils sentent que ce travail est en marche, ils oublieront
nos erreurs passées et à venir. Car il faut aussi accepter de ne pas pouvoir
tout leur apporter. Dans l'espace laissé libre entre leurs besoins et nos
réponses, ils mobiliseront leurs propres ressources
Anne Bonnefond
* Nicole Prieur
est l'auteur de Grandir avec ses enfants, Editions Syros.
Site internet : grandiravecsesenfants.com.
FAUT-IL TOUT DIRE ?
Le présent
Mésentente entre les parents, maladies, problèmes professionnels, les enfants
peuvent faire face à tout cela. “ Ils sont capables de supporter des situations
douloureuses à partir du moment où elles sont claires, explique Nicole Prieur.
Ce qui ajoute de l’angoisse à l’angoisse, c’est ce qu’ils ressentent de manière
confuse, sans que les mots soient dits. Sans s’étaler sur ses propres affects,
mais aussi sans croire qu’on peut les cacher, il importe de signifier à l’enfant
qu’on a entendu sa détresse, et de l’aider à mettre des mots sur ce qui le
touche et sur la situation qui se trame. ”
Le passé
Il en est de même pour des événements anciens, plus
ou moins avouables : filiation cachée, actes délictueux d’un membre de la
famille, mort violente… L’enfant a des antennes ; il pressent des informations
floues. Le laisser dans le brouillard est la pire des attitudes. Toutefois
avant de livrer la vérité, il faut être au clair avec ses propres interrogations,
sa propre acceptation de ce qui fait, ou a fait problème. Reconnaissons-nous
et supportons-nous les blessures que ce secret recèle ? Tant que demeure en
nous, des rancœurs, des combats, il vaut mieux les expurger avant de parler.
Les personnages dans l’ombre
“ Les parents ont tendance à croire qu’ils sont les
seuls repères importants pour leurs enfants ”, note Nicole Prieur. Aussi leurs
cachent-ils parfois l’existence de personnages dont l’histoire ne les satisfait
pas et dont ils craignent qu’elle ait une influence néfaste. Erreur. L’enfant
n’a pas besoin des seules références héroïques. Il appartient à un groupe
qui a préexisté et qui lui survivra. Le processus d’identification est complexe
et va chercher ses racines un peu partout. Dommage de le contrarier ou de
le restreindre. En plus, les enfants adorent les histoires de vilains petits
canards.
EXERCICES PRATIQUES
Dans Grandir avec ses enfants, Nicole Prieur propose des
exercices pratiques pour amorcer la réflexion, provoquer les échanges ou dédramatiser
une situation. A faire seul, en couple ou avec les enfants…
– Citez cinq caractéristiques de votre mère et cinq de votre père. Notez-les.
Précisez ce que vous admirez le plus et ce que vous détestez, chez l’un et
chez l’autre.
– A présent, notez cinq caractéristiques de vous en tant que mère ou père.
Comparez avec les listes concernant vos parents. Ressemblances ? Coïncidences
?
– Définissez ce qui vous gêne le plus dans ces caractéristiques. Lesquelles
sont gênantes pour vos enfants ? Qu’aimeriez-vous changer ? Que souhaitez-vous
conserver ?