Stéphane Clerget est animateur d'une émission de santé sur la 5e , " En juin, ce sera bien ", le mercredi de 16h30 à 17h30, Il répond en direct aux questions des jeunes.



L'ado agresse les parents, les met à distance. Ils doivent pourtant rester proches et à l'écoute, dans cette période de fragilité. Que faire pour que l'affection continue de circuler ?

Justement, des affrontements très durs surviennent souvent à propos des demandes d'autonomie. Comment éviter le clash ?

Le rejet, c'est plutôt l'ado qui le manifeste…

Comment répondre aux pro-vocations, aux critiques ?

Les parents ont-ils le droit de montrer leur peine quand l'ado est dur avec eux ?

Arrive-t-il que des parents sentent leur affection compromise envers cet enfant trop hostile ?

Comment rester stoïque et aimant ?

Quelle est l'erreur la plus courante des parents ?

Quels signes d'affection donner ?

Remarquez-vous que ce qui est le plus dérangeant pour un adulte n'est pas toujours le plus inquiétant ?

Beaucoup de parents ont l'impression que leurs enfants ne les aiment plus, dans cette période bouleversante. Qu'en pensez-vous?

Ne vous mêlez pas de sa sexualité. Il faut donner les informations nécessaires, sans entrer dans la propre intimité de votre enfant. Ce serait gênant et il vous en voudrait de cette intrusion. Remettez-vous en au médecin généraliste à qui vous demanderez, hors la présence de l'intéressé, de pratiquer un examen physique complet du corps. Cela répondra à ses principales interrogations, car l'ado n'ose pas toujours poser de questions.

Ne vous moquez pas. L'humour est utile, il peut déconnecter les prises de bec. L'ado y est réceptif et cela renforce la complicité. Pourvu qu'on ne fasse pas de remarques moqueuses sur le corps. A proscrire particulièrement entre un père et sa fille.

Famille et Education : L'ado agresse les parents, les met à distance. Ils doivent pourtant rester proches et à l'écoute, dans cette période de fragilité. Que faire pour que l'affection continue de circuler ?

Stéphane Clerget : Garder toujours à l'esprit que cette crise est nécessaire. Et essayer de ne pas se sentir blessé par les attaques. Maintenir le lien, c'est le grand défi qui se pose aux parents quand l'enfant traverse

l'adolescence. Ils sont remis en cause, ils perdent l'image de la perfection, de la toute-puissance qu'ils revêtaient aux yeux de l'enfant.

C'est la chute des idoles. Devenir adulte passe par ce chemin. Il faut donc être tolérant face aux expressions l'agacement que l'ado renvoie et autoriser son éloignement. Ce qui ne veut pas dire lâcher toutes prérogatives. Les parents gardent leur place initiale, maintiennent le lien de bienveillance.

POUR MIEUX FAIRE 

Ne l'imitez pas. Vous pensez lui plaire en adoptant le même vocabulaire que lui, les mêmes vêtements, en écoutant la même musique. Erreur. Nier les différences de générations est perturbant pour le développement de l'ado.

Maintenez des interdits. D'abord pour qu'il puisse les transgresser ! Sinon, il placera la barre plus haut et pourrait se sentir mal aimé, abandonné.

Ne parlez pas de dette.
" Après tout ce que j'ai fait pour toi, c'est ainsi que tu me remercies ? " Ne pas attendre de reconnaissance pour ce que l'on a - fort naturellement - donné.

Restez zen. Pas d'amour sans haine. " Tu me détestes ? Moi je t'aime pour deux. " La haine que l'enfant exprime parfois pour les parents est d'abord la haine de soi, de ce corps qui change.

Interprétez les maux. Les maladies du genre mal au ventre, à la tête, sont souvent psychoso- matiques à cet âge. Rendre les parents inquiets c'est maintenir la dépendance, attendre des preuves d'amour. Certains comportements alimentaires, anorexie ou boulimie, peuvent aussi avoir ce sens

F. et E. : Justement, des affrontements très durs surviennent souvent à propos des demandes d'autonomie. Comment éviter le clash ?

S. C. : En reconnaissant, de vive voix, les changements de l'ado. Les parents doivent aménager de nouveaux droits pour lui, d'autres règles à la maison et à l'extérieur : se coucher plus tard, porter des vêtements à la mode, sortir - dans certaines limites -avec ses copains, abandonner des activités qu'il adorait jusque-là et qui ne lui plaisent plus… Les rituels : fête de famille, communion solennelle sont très utiles pour marquer ce passage, tout en montrant que l'affection perdure. On peut aussi annoncer des futurs, pour différer des exigences trop précoces : " L'année prochaine, tu pourras aller au cinéma le soir… " Négocier pour gagner du temps. Surtout ne pas fermer la porte et toujours discuter beaucoup. Cependant, s'il est naturel d'admettre : "C'est formidable, tu es en train de changer",on peut pointer les excès : " Oh, la, la, comme tu deviens agressif ! ". Sans dramatiser, sans que cela prenne la forme d'un rejet.

F et E. : Le rejet, c'est plutôt l'ado qui le manifeste…

S. C. : C'est vrai, mais quand il rejette l'un des parents, il se rapproche de l'autre. Ou bien, il alterne. En général, on peut maintenir une complicité dans un domaine. Par exemple, le père est critiqué en permanence, pourtant le rapprochement se fait autour de la télé pour les matchs de foot. Ces moments sont à rechercher et à multiplier. Si le rejet est global, il faut favoriser le lien avec un autre membre de la famille, un proche, un prêtre… Parfois, il choisit une personne que ses parents n'aiment pas. Par provocation. Qu'importe si c'est un adulte de confiance. A retenir aussi, en cas de crise très violente : la solution de l'internat. Une mise à distance pour sauver l'affection. L'ado est parfois demandeur. Les parents en sont effrayés. A tord. D'autres lycéens partagent son expérience et il retrouve ses parents le week-end.

F. et E. : Comment répondre aux provocations, aux critiques ?

S. C. : Il faut comprendre que ces attitudes représentent une façon de poser des questions cruciales : " Qu'est-ce que vous avez dans le ventre, vous les adultes ? Qu'est-ce que c'est un adulte ? ". L'ado est en train d'abandonner une peau pour aller vers une autre. Il vous teste puisque vous représentez ce qu'il va devenir. Pas question de faire profil bas. Ce n'est pas parce que les parents sont remis en question qu'ils n'ont plus aucun rôle à jouer. Ils doivent avouer qu'ils ont des qualités et des défauts, des faiblesses et des forces. Mais continuer d'être des " modèles ", garder leur vie sociale, professionnelle, affective, la plus épanouie possible pour que l'ado ait envie de devenir adulte.

F. et E : Les parents ont-ils le droit de montrer leur peine quand l'ado est dur avec eux ?

S. C. : Il faut répondre avec sincérité. Mais si leur réaction est forte en émotion, l'ado va se sentir coupable et refoulera son besoin de s'exprimer. Or, répétons- le, les affrontements avec les parents sont un passage obligé pour grandir. Seuls les gros mots, les insultes ne sont pas tolérables. Et bien sûr, les coups. Devant ces manquements au respect, devant ces ruptures, il faut réagir.

F. et E. : Arrive-t-il que des parents sentent leur affection compromise envers cet enfant trop hostile ?

S. C. : Oui, certains me disent : "Il devient un étranger " ou " Ce n'est plus mon enfant ". Mais la patience s'impose, tout comme avec le bébé de 2 ou 3 ans qui dit non à tout et se rend littérale-ment insupportable. L'ado traverse une crise provisoire d'environ deux ans, ensuite, ces comportements se dilueront.

F. et E. : Comment rester stoïque et aimant ?

S. C. : Il est particulièrement important que les parents ne soient pas dans une situation de faiblesse : perte d'emploi, divorce, maladie. Sinon, ils doivent être bien entourés, soutenus. Parfois, l'adolescence de leurs enfants ravive en eux des difficultés propres qui n'ont pas été réglées à cette même période de leur vie. Autre problème : l'enfant tend un miroir aux parents qui y lisent des signes de vieillissement pas faciles à accepter. Des rivalités peuvent se révéler. L'aide d'un psy est alors à envisager.

F. et E. : Quelle est l'erreur la plus courante des parents ?

S. C. : Maintenir le lien seulement par la scolarité. Souvent, ils ne savent pas de quoi parler avec leurs enfants et l'école devient l'unique média. C'est un bras de fer permanent ou une aide excessive aux devoirs. Or, si parents et école sont mêlés dans la tête de l'enfant, il risque de prendre ses distances avec l'école comme il ressent la nécessité de le faire avec ses parents.

F. et E. : Quels signes d'affection donner ?

S. C. : Peu de contact physique. Privilégier la parole. Etre ouvert, disponible à des sujets tous azimuts. Sans oublier que les divergences de vues sont bénéfiques. Quand on s'affronte sur la musique ou le cinéma, cela évite de le faire sur des terrains plus dangereux. Et puis se laisser étonner. Il est bénéfique que l'enfant ait l'impression d'enseigner des choses à ses parents. Ne pas hésiter à le féliciter, à lui rapporter des compliments émis par des gens extérieurs. Cela permet de maintenir la balance avec les reproches !

F. et E. : Remarquez-vous que ce qui est le plus dérangeant pour un adulte n'est pas toujours le plus inquiétant ?

S. C. : Oui, un ado qui s'isole, qui ne fait pas beaucoup de bruit, qui n'ex-prime rien est peut-être celui qui souffre le plus. Il faut que le mal-être se dise.

F. et E : Beaucoup de parents ont l'impression que leurs enfants ne les aiment plus, dans cette période bouleversante. Qu'en pensez-vous ?

S. C. : En consultation, la plupart assurent, au contraire, qu'ils adorent et admirent leur père et leur mère. Mais ils ajoutent : " Je ne sais pas pourquoi je suis si désagréable, c'est plus fort que moi ". La crise de l'adolescence, c'est tout à fait ça. Quand un enfant s'autorise l'éloignement, les parents devraient se dire qu'ils ont réussi leur éducation.

Propos recueillis par Anne Bonnefond
Adolescents, la crise nécessaire, Editions Fayard.

Agressivité, prise de distance, changements de comportement s'ajoutent, à l'adolescence, aux transformations physiques. Rien d'anormal. Mais l'affection est malmenée par cet enfant qui vous provoque. Stéphane Clerget, psychiatre pour enfants et adolescents, nous dit comment faire face aux turbulences des sentiments.

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Les ados
Ados : comment leur manifester notre tendresse
source : http://www.apel.asso.fr/