Intervention de M. Guy Raymond, juriste, professeur de droit et de sciences sociales de Poitiers; ancien délégué régional à la Pastorale Familiale, auteur de "Droit de l'enfance et de l'adolescence", "Le consentement des époux au mariage" ...

 

Il est aujourd'hui de bon ton d'insister sur la démission des pères qui ne remplissent plus leur rôle. Il est vrai que nombre de pères ne remplissent plus leur fonction de parents à l'égard de leurs enfants notamment lorsque le couple parental est dissocié. Mais, c'est peut-être parer les pères des années antérieures de vertus qu'ils n'avaient pas.

S'il est vrai que la paternité a traversé une période exceptionnelle que l'on peut d'ailleurs qualifier d'âge d'or de la famille légitime dans les vingt ou trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, appelées les trente glorieuses sur le plan économique, il ne faudrait pas oublier le passé.

Le paterfamilias romain avait droit de vie et de mort sur les enfants de sa gens; au IV ème siècle et surtout au VIII ème siècle s'ouvrent, sous l'influence de l'Eglise, des orphelinats pour les enfants naturels, ce qui semble bien dire que les pères n'assumaient pas leur paternité;

au XVII ème siècle, l'évêque de Paris ouvre la Maison de la couche pour accueillir les enfants abandonnés et en 1643 Vincent de Paul estime à 1200 le nombre d'enfants assistés par les Filles de la charité.

Buffon en 1772 estime à vingt ou trente le nombre d'abandon d'enfant par nuit.

Si Henri IV reconnaît quelques soixante enfants naturels, combien n'ont pas été reconnus et  les filles-mères subissent la carence et l'insouciance des pères. Les pères ne savaient pas toujours le nombre d'enfants qu'ils avaient engendrés tant la mortalité infantile était grande.

Le Code civil de 1804 reprend le vieux principe romain de la présomption de paternité, mais il prohibe la recherche de paternité naturelle.

 

L'établissement de la filiation naturelle à l'égard du père est donc laissé au bon vouloir du père et l'on sait, par la littérature, quel était le sort des "filles-mères". Ce n'est qu'en 1912 que les choses vont changer et que l'on verra apparaître des cas dans lesquels la paternité naturelle peut être recherchée en justice.Les hommes des siècles antérieurs n'étaient pas des parangons de vertu et ne se souciaient pas des enfants qu'ils pouvaient engendrer ici ou là car la liberté des moeurs était au moins identique à celle d'aujourd'hui. L'enfant et la mère en supportaient les conséquences.En réalité, il n'y avait de véritable paternité que dans le mariage et le mari-père était alors seigneur et maître à la fois de sa femme et de ses enfants. Une fois encore, revenons au Code civil de 1804 qui, au titre de la puissance paternelle, ne prévoit que les moyens de correction à disposition du père, en particulier l'emprisonnement, contrôlé il est vrai par le Président du Tribunal civil, ce qui est un progrès par rapport à l'embastillement de l'ancien régime. Le père exerçait seul l'autorité pendant lemariage. Quant à l'enfant naturel, le Code civil ne s'en préoccupait pas. La mère n'avait pas voix au chapitre et si le père décédait, un tuteur était nommé, avec un conseil de famille.Ainsi le Code civil de 1804 qui va rester en vigueur jusque dans les années 1970, sous réserve de quelques aménagements, est-il tributaire à la fois de la manière dont on conçoit les relations familiales à l'époque et des connaissances scientifiques et médicales de l'époque.

 

 

Aujourd'hui, une évolution s'est faite avec des conséquences positives et négatives. D'une part les relations familiales ne sont plus les mêmes. La relation homme-femme est une relation égalitaire, ce qui explique que le Code civil ne parle plus de puissance paternelle, mais d'autorité parentale.       Mais surtout peut-être, la conception que l'on a aujourd'hui de l'enfant qui n'est plus la même : l'enfant n'est plus cette chose au service de son père, dont la qualité principale est d'être héritier du patrimoine paternel, mais une personne humaine en devenir, qui a des droits, éventuellement contre ses parents.

         Les données médicales et scientifiques d'aujourd'hui permettent de déterminer avec certitude l'existence ou l'inexistence d'un lien de paternité et rendent possibles des procréations artificielles. On comprend donc que le droit d'aujourd'hui ne peut plus être celui d'hier et qu'une adaptation de la loi en fonction des moeurs a été nécessaire. Cette adaptation est le fruit des lois du 4 juin 1970 et du 3 janvier 1972. Ce sont ces lois qui ont fondé notre nouveau droit de la famille qu'il faut paraît-il encore réformer. Ces deux lois des années 1970 qui ont été complétées et modifiées par d'autres lois postérieures notamment la loi du 23 décembre 1985 et 8 janvier 1993, reposent sur quelques principes de base qu'il est sans doute nécessaire de rappeler:

- La règle de droit n'a pas pour objectif de maintenir un ordre moral, ce qui est la grande différence avec la conception napoléonienne du droit de la famille. C'est ce qui explique en partie le retour au droit révolutionnaire en ce qui concerne les enfants naturels: les enfants naturels ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les enfants légitimes, ils entrent pleinement dans la famille de leur auteur. Les enfants n'ont donc pas à subir les conséquences des actes de leurs parents.

 

- Ce qui est important, c'est le devenir de l'enfant; l'autorité parentale se compose de droits et de devoirs et doit s'exercer dans l'intérêt de l'enfant: "L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa santé, sa sécurité et sa moralité". Mais l'enfant, sous réserve d'exceptions non négligeables, a le droit, autant que possible, de connaître ses père et mère et d'être élevé par eux. La société a le devoir de protéger l'enfant, éventuellement contre ses parents par des institutions judiciaires et sociales.

- Le père et la mère ont autant de droits et de devoirs à l'égard de l'enfant.

 

En conséquence, il faut aménager l'exercice de l'autorité parentale pour permettre à l'un et l'autre des parents de remplir leur fonction parentale auprès de l'enfant.

 

Ces principes sont d'autant plus difficiles à mettre en oeuvre que la famille est plus fragilisée et que les dissociations du couple parental sont fréquentes. Cela non plus n'est pas nouveau, mais les raisons ne sont pas les mêmes que par le passé.

Dans les siècles passés, c'est la mort qui rendait orphelin de l'un ou des deux parents, aujourd'hui c'est le divorce, la rupture de concubinage,

 

ou le refus d'assumer la naissance d'un enfant qui, le plus souvent, privent l'enfant de son père.

Aujourd'hui on assiste à la multiplication des familles patchworks, il n'est pas rare de voir un livret de famille délivré à une mère célibataire mentionnant plusieurs enfants issus de pères différents quand celui-ci n'est pas inconnu. La tentation est grande alors de faire coïncider la loi et les moeurs.

Or, si le droit doit s'adapter sous peine de devenir obsolête, il n'y a pas lieu de le bouleverser comme cela a pu être fait il y a maintenant près de trente ans. Une réforme en profondeur du droit de la famille ne peut se faire tous les trente ans : il faut laisser le temps aux citoyens d'absorber les modifications intervenues. Les adaptations devraient être mineures et avoir essentiellement pour objectif les "familles patchwork" et la place du père. Mais, quelles que soient les réformes, la mission du droit en ce qui concerne la paternité et la filiation c'est d'abord de déterminer les règles d'établissement de la filiation paternelle, c'est ensuite de définir comment vont se régler les relations de droit entre l'enfant et son père.Or, le débat relativement à la paternité risque de se prolonger longtemps. Il a été très bien exprimé par le César de Marcel Pagnol :

il y a la paternité de celui qui a donné la vie, celle de celui qui a payé les biberons et la conclusion c'est: "le vrai père c'est celui qui aime".

L'éternel conflit de l'affectif du biologique est très présent dans notre droit. Pourtant, Si dans les faits, l'enfant peut être doté de plusieurs pères, en droit il n'y a qu'une paternité.

 

I.- UNICITE DE LA PATERNITE

 

Dans les textes du Code civil qui régissent la filiation le mot père est toujours utilisé au singulier. Cette unicité est évidente dans la loi pour l'enfant légitime dans la mesure où la monogamie est la règle d'ordre public en matière de mariage.

L'unicité apparait aussi dans l'adoption plénière puisque selon l'article 356 du Code civil: "L'adoption confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa famille d'origine..." et selon l'article 346 du même Code: "Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux".

S'il y a unicité de la paternité en droit! cette paternité juridique ne correspond pas nécessairement à la paternité biologique, en dépit de la volonté du législateur de 1972 de toujours vouloir faire coïncider la réalité juridique et la réalité biologique et il est juridiquement possible d'établir une paternité juridique sans lien biologique.

La paternité juridique est en effet plus le fruit d'une parole que d'une vérité biologique :

parole des parents ou parole de la justice.

 

A.- PAROLE DES PARENTS : SOURCE DU LIEN DE FILIATION PATERNELLE

 

Le terme parents doit être ici situé par rapport à son ambiguïté juridique.

De quels parents parle-t-on?

Des parents qui ont cette qualité au regard du droit ou des parents qui ont engendré l'enfant?

En effet, la parole des parents peut conforter le biologique, il y a alors identité entre la filiation biologique et la filiation juridique, mais cette même parole peut dissocier le juridique du biologique et priver l'enfant de sa filiation véritable ou établir une fausse filiation. C'est vrai tant pour la parole de la mère que pour la parole du père.

 

 

a.- Parole de la mère

La désignation du père est liée à la connaissance de la mère.

La mère dans notre droit a la faculté de priver le père de sa paternité, ou de lui attribuer un enfant dont il n'est pas le père. Ce pouvoir de la mère apparaît d'abord dans la filiation légitime.

Une femme qui veut priver son mari de sa paternité doit tout simplement déclarer l'enfant sous son nom de jeune fille sans faire état de son mariage, ce droit lui est reconnu par l'article 313 - i

du Code civil.

En revanche, une femme qui veut attribuer un enfant à son mari, alors qu'il n'en est pas le père, fait état de son mariage dans la déclaration de naissance de son enfant. Par le jeu de la présomption de paternité de l'article 312 du Code civil , le mari sera automatiquement le père juridique de cet enfant.

La mère, qu'elle soit mariée ou non, peut décider d'accoucher sous X, c'est à dire sans révéler son identité. Cette faculté accordée à la femme enceinte est inscrite dans notre Code civil à l'article 341 -depuis la loi du 8 janvier 1993 : le père, ne connaissant pas la date de l'accouchement, ne pouvant identifier l'enfant aura les plus grandes difficultés pour établir le lien de filiation à l'égard de l'enfant. L'enfant sera adoptable dans les deux mois de l'abandon.

Et pourtant, le père peut avoir reconnu les enfants à naître de la mère, mais il se heurtera, dans la plupart des cas, à des impossibilités de preuve.

 

b.- Parole du père

La parole du père est différente selon que l'on se trouve dans la filiation légitime ou dans la filiation naturelle.

- Dans la filiation légitime, la parole du père est donnée une fois pour toutes au moment du mariage. En consentant au mariage, le mari accepte par avance d'être le père de tous les enfants qui naîtront de sa femme. C'est le jeu de la présomption de paternité de l'article 312 du Code civil. Le mari devrait renouveler cette acceptation en déclarant personnellement chacun des enfants à l'état civil : il y aurait alors une véritable démarche volontaire d'institution du fils ou de la fille dans la position de descendant et ainsi raccrochement de cet enfant à la généalogie.

Or, on constate que aujourd'hui, le plus souvent, les maris-pères ne font plus cette démarche: la déclaration de naissance à l'état civil est effectuée par l'administration des maternités. C'est très regrettable, d'autant plus que pour les enfants naturels, le régime est différent.

 

Pour les enfants naturels, parce qu'il n'y a pas mariage, donc pas de présomption de fidélité de la mère à l'égard du père1 l'homme, pour être père, doit faire une reconnaissance auprès du service de l'état civil ou d'un notaire. Un homme n'est pas juridiquement père de son enfant naturel tant qu'il n'a pas accompli cette démarche. C'est cette démarche volontaire qui inscrit l'enfant dans sa descendance. S'il ne fait pas cette démarche, sa paternité n'est pas juridiquement établie, sauf si l'autorité judiciaire intervient.

 

B.- PAROLE DE JUSTICE CREATRICE DE FILIATION PATERNELLE

 

La parole de justice peut aussi être créatrice d'une filiation paternelle au regard du droit:

soit que la décision judiciaire constate la vérité biologique, soit qu'elle crée une filiation de substitution ne reposant sur aucun lien biologique. Dans ces deux cas, c'est une décision judiciaire mais pas forcément d'équité, qui fixera le lien de droit entre l'homme et l'enfant.

 

a.- Constat de la filiation biologique.

Lorsque la filiation paternelle n'a pas été établie, il est possible d'engager en justice une action en réclamation d'état qui consistera pour le demandeur à rapporter en justice la preuve du lien biologique existant entre un homme et un enfant. Cette action en justice peut être engagée à l'initiative de l'homme lui-même : ce sera le cas par exemple lorsqu'un homme marié réclame l'application de la présomption de paternité alors que les conditions du jeu automatique de celle-ci ne sont pas réunies. Ce sera également le cas lorsque le père a refusé de reconnaître son enfant volontairement et que la mère pendant la minorité de l'enfant ou l'enfant lui-même dans les deux années qui suivent sa majorité, cherchent à démontrer le lien de filiation entre l'enfant et un homme prétendu père. Ici, la parole de la justice ne crée pas le lien de filiation, il s'agit seulement de tirer les conséquences juridiques de la réalité biologique : parce que les preuves, notamment génétiques, sont rapportées, la juridiction saisie déclare la filiation juridique. En droit, on dit que ces actions sont déclaratives d'état. Dans l'autre hypothèse, il s'agit de créer un lien de filiation alors qu'il n'existe aucun support biologique.

 

b.- Filiation de substitution.

La filiation de substitution peut intervenir dans deux cas, mais l'idée de base est la même:il s'agit de créer un lien artificiel de filiation; le droit se démarque de la génétique, il n'y a plus aucun rapport entre le génétique et le juridique.

C'est d'abord le cas dans l'adoption plénière. L'adoption plénière part d'un abandon d'enfant par les parents par le sang. Cet abandon est suivi d'une manifestation de volonté d'un homme, célibataire ou marié, d'adopter l'enfant. Cette volonté est prise en compte par l'autorité judiciaire, lorsque les conditions sont réunies, pour créer un lien entre l'enfant et l'adoptant. Cette filiation nouvelle se substitue à la filiation paternelle antérieure et l'enfant sera assimilé à un enfant légitime de cet homme.

L'autre hypothèse est l'autorisation donnée par la justice à l'utilisation des méthodes de procréation médicalement assistée, soit par insémination artificielle avec donneur, soit par accueil d'embryon. Il ne s'agit pas à vraiment parler de la création d'un lien de filiation entre un homme et un enfant du fait de la parole de justice. Mais il s'agit de permettre à l'homme de bénéficier des règles générales de la filiation, sans pouvoir se désister alors qu'avec certitude on peut affirmer qu'il n'est pas le père génétique de l'enfant.

Ainsi donc, le lien juridique de paternité est unique,

on est, juridiquement, l'enfant d'un seul père.

 

Il.- PLURALITE DE PERES

 

La pluralité de pères n'est pas la règle. En effet, la majorité des pères exercent leur autorité parentale: c'est l'ensemble de droits et de devoirs qui doivent s'exercer pour protéger l'enfant dans sa santé, sa sécurité, sa moralité.

L'autorité judiciaire incite d'ailleurs les pères à maintenir les liens avec leur enfant soit en conservant l'autorité parentale conjointe, soit en organisant un droit de visite, au besoin en ayant recours aux services d'un point-rencontre ou autre organisme assimilable. Mais l'affectivité fait que le relationnel a pu créer des liens de père à enfant en dehors du lien juridique ou à cause de l'inexistence de ce lien. Selon les cas, la pluralité de pères résultera de l'application de la loi ou des circonstances.

 

A.- PLURALITE DE PERES LIEE A L'APPLICATION DE LA LOI.

 

Il peut paraître curieux que, après avoir énoncé l'unicité de la paternité, il soit possible d'affirmer que l'application de la loi peut être source de relations multipaternelles.

Il faut bien prendre conscience qu'ici, la source de cette multipaternité réside dans l'affectif plus que dans le juridique: par application de la loi peut se créer un lien juridique de paternité alors que l'enfant était affectivement lié à un autre homme que son père de droit: l'enfant change de père.

Il peut se faire aussi que, par application de la loi, soit reconnue l'existence d'un double lien complémentaire entre la filiation biologique et la filiation adoptive.

 

a.- Le changement de père.

Le changement de père apparaîtra en cas de contestation de paternité. Il s'agit d'un enfant qui a une filiation paternelle juridiquement établie et ce lien disparaît par décision de justice. L'enfant risque d'avoir noué des liens affectifs avec un homme qui ne sera plus son père dans l'avenir. C'est le cas du désaveu de paternité qui est permis au mari de la mère lorsque, dans les six mois de la naissance, il acquiert la conviction que l'enfant est le fruit d'un adultère de sa femme. Si l'action en désaveu réussit, le mari de la mère ne sera plus le père de l'enfant et un autre pourra établir le lien juridique de filiation à l'égard de l'enfant.

Ce sera encore le cas lorsque la mère contestera la paternité de son mari. Cela lui est permis avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de sept ans et qu'après son divorce, elle se remarie avec le père de l'enfant. L'enfant a ainsi noué des liens avec le mari de la mère qui pendant plusieurs années a joué le rôle de père puis, par l'action de la mère. Il aura un nouveau père juridique avec lequel il n'aura peut-être aucun lien affectif.

Ce sera encore possible, et cela est relativement fréquent dans la contestation de reconnaissance d'enfant naturel. Il est relativement fréquent que des hommes qui épousent une mère célibataire établissent une fausse reconnaissance et crée ainsi un lien juridique ne correspondant pas à la réalité biologique.

 

Cette fausse reconnaissance peut être mise en cause par l'homme, par la mère ou par l'enfant. L'enfant aura donc eu un père juridique et affectif pendant des années qui peuvent être longues puis, cet homme perdra sa paternité juridique, au profit d'un autre voire même au profit de personne. L'enfant pourra ainsi changer de père.

 

b.- Les pères complémentaires.

C'est le cas dans l'adoption simple.

Dans ce type d'adoption, l'adopté, qui n'est pas nécessairement un mineur, continue à appartenir à sa famille d'origine, mais il entre pleinement dans sa famille adoptive. Il appartient donc à deux familles, il peut donc avoir juridiquement deux pères: un père biologique, un père adoptif. Cependant, si l'enfant est mineur, c'est l'adoptant qui exercera l'autorité parentale.

Changement de père, pères complémentaires, ce sont les seuls cas dans lesquels la loi autorise un enfant à avoir un père juridique différent du père affectif.

Il faudrait pourtant faire apparaître encore la délégation d'autorité parentale, mais on est déjà là dans la multipaternité liée aux circonstances.

 

B.- PLURALITE DE PERES LIEE AUX CIRCONSTANCES.

 

La délégation d'autorité parentale évoque le cas où les parents juridiques ne sont pas en mesure de remplir leur fonction parentale auprès de l'enfant: ils confient l'enfant à un tiers et délèguent, avec autorisation de justice, l'autorité parentale à ce tiers. Hypothèse assez rare, alors que l'accueil dans une famille est beaucoup plus fréquent. Mais aussi et surtout on rencontre aujourd'hui la famille patchwork qui est liée à la dissociation du couple parental et à la création d'une nouvelle famifle.

 

a.- Famille d'accueil.

La famille d'accueil est une famille qui reçoit un enfant après que cet enfant ait été retiré à sa famille par décision judiciaire ou après l'ouverture d'une tutelle. L'enfant est confié à une famille qui remplira à son égard la fonction parentale. Très souvent cet enfant considérera l'homme de cette famille d'accueil comme son père réel alor qu'il n'est ni père par le sang ni père adoptif.

 

Le père d'accueil vient ainsi se superposer au père juridique et rien ne permet en droit de contraindre l'enfant à ne pas tisser de liens affectifs avec ce père d'accueil. Ce lien pourra aboutir à une adoption, mais cela suppose un abandon d'enfant de la part de la famille par le sang .

Les conflits sont souvent nombreux entre les deux familles et l'enfant peut se trouver écartelé. Confier l'enfant à une famille d'accueil, ce n'est pas lui faire perdre les liens de filiation paternelle ou maternelle. Quelque soit le lien affectif qui peut s'établir entre le père d'accueil etl'enfant, il conviendra de ne jamais

 

b.- Les familles patchwork.

Ces familles sont désignées plus souvent sous le nom de familles recomposées, mais cette dernière expression "famille recomposée" paraît impropre, en dépit de son utilisation fréquente elle donne à penser en effet que les différentes personnes composant la famille se sont séparées puis réunies. L'image qui vient à l'esprit est celle d'un puzzle qui a été disloqué puis reconstitué ; or la réalité recouverte n'est pas celle-là.

Avec ces familles on est bien dans le schéma du patchwork ( Le patchwork est défini, par le petit Larousse, comme un "ensemble quelconque formé d'éléments hétérogènes, disparates") des groupes familiaux étrangers les uns aux autres s'unissent en droit ou en fait pour constituer un nouveau groupe.Ces familles patchwork ne sont pas nouvelles : il y a bien longtemps que, à la suite du décès de l'un des parents et du remariage du survivant, des enfants d'un premier lit ont été introduits au sein d'une nouvelle famille, mais la situation était différente car l'un des parents était décédé ; or aujourd'hui, si ce cas de figure demeure, les familles patchwork sont le plus souvent consécutives à la séparation du couple parental originaire et à la reconstitution d'un nouveau couple.

Des enfants de filiations différentes se trouvent ainsi réunis dans des relations complexes selon les aléas de la vie affective de leurs parents. Il n'est pas rare de voir coexister des frères et soeurs utérins mais non germains, issus de plusieurs pères différents. Il est certes possible de faire coïncider la paternité de fait avec la paternité de droit, soit par une fausse reconnaissance, soit par une adoption, mais cela n'est pas toujours souhaitable et en tout cas pas toujours possible.

 

 

Or, de réelles questions de fond se posent dans les relations entre les enfants et le nouveau partenaire de la mère; de mème manière entre l'enfant de l'homme et la nouvelle femme ou entre les enfants des deux partenaires mais de lits différents. Il existe la pluspart du temps un père de droit et un père de fait. Il semble que cette autorité parentale de fait ne suscite pas beaucoup de difficultés pratiques; cependant on ne peut négliger l'absence de lien juridique fondant cette paternité de fait.

On ne peut non plus éliminer l'inceste de deuxième type, selon l'expression de F. Héritier, qui est susceptible de s'établir. En droit, s'il est relativement aisé de poser des interdits prohibant l'inceste du deuxième type, il est beaucoup plus difficile d'envisager des relations nouvelles d'autorité parentale.

L'interdit des relations sexuelles apparait déjà en droit pénal: le partenaire du parent de l'enfant est une personne ayant autorité, ce qui lui interdit toute relation sexuelle avec l'enfant de moins de dix huit ans. Mais rien n'empêche le mariage de l'enfant avec le partenaire du parent de cet enfant. La loi pourrait prendre en considération l'existence de la situation de fait pour créer un nouvel empêchement au mariage. Il appartient au juge d'apprécier l'existence de cette relation affective, née de circonstances  et non de l'état des personnes. Il s'agirait pour le juge de considérer que, pendant un temps assez long (un ou deux ans au minimum), l'homme a rempli la fonction de père de fait. Pour interdire le mariage, il suffirait alors de rapporter la preuve de la vie au sein d'une famille patchwork sous l'autorité de fait ou de droit des membres du couple composant cette famille. Par le jeu des oppositions à mariage, l'officier d'état civil pourrait saisir le Procureur de la République qui lui même, après enquète, demanderait au Tribunal de grande instance de se prononcer.

Envisager des relations d'autorité parentale avec le partenaire du parent est plus complexe.

Il convient en effet d'attribuer au nouveau partenaire du parent, de manière officielle et juridiquement reconnue, des prérogatives d'autorité parentale.Ce ci ne peut être vécu que comme une atteinte à l'exercice de l'autorité parentale de l'autre conjoint. Pourtant les nécessités de la vie pratique paraissent imposer ce type de solution. Ainsi, lorsque le partenaire du parent vient chercher l'enfant à l'école, lorsqu'il autorise une sortie de l'enfant, il est aujourd'hui sans droit et l'autorisation donnée est sans valeur; ce qui soulève difficulté au regard de la responsabilité de l'établissement. On peut imagnier une déclaration faite d'une autorité (greffe du tribunal de grande instance par exemple), conjointement par le parent et son nouveau partenaire, autorisant ce dernier à effectuer les actes usuels de l'autorité parentale de l'enfant. Cette déclaration nécessiterait le consentement de l'enfant dans la mesure où celui ci est susceptible de discernement. Il conviendrait de préciser que cette déclaration entraînerait la responsabilité de plein droit du partenaire du parent tant que l'enfant est sous sa garde.Une telle déclaration serait révocable par l'un ou l'autre des déclarants. On ne peut cependant être sceptique sur l'efficacité d'une telle déclaration quand on sait le peu d'empressement des concubins à faire des déclarations conjointes d'autorité parentale, souvent plus par manque d'information que par refus d'assumer le

La démarche de déclaration marque la volonté du parent de permettre les actes usuels concernant l'enfant à son nouveau partenaire.

 

Telle est la condition du père dans notre droit français. Elle est relativement simple, juridiquement, dans une famille unie et stable. Cela n'empêche pas les difficultés de l'exercice de l'autorité parentale. Mais tout se complique à partir du moment où la famille éclate, où le couple parental est dissocié. Le droit n'a pour répondre que les décisions des tribunaux alors qu'il faudrait privilégier les recours aux médiations. Encore faudrait-il débloquer les crédits nécessaires pour mettre en oeuvre ces médiations familiales.En définissant les liens de filiation paternelle, la loi inscrit ainsi l'enfant dans le continuum des générations.

Cela se marque par la transmission du nom et certaines civilisations sont plus explicités que nous: le nom comporte la mention "fils ou fille de...".

En disant que le père, cornme la mère d'ailleurs, mais c'est du père qu'il est question ici, a, droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation (C. civ. art. 371-2), le Droit fait que le père incarne la Loi, au sens double sens juridique et symbolique.

En donnant comme finalité à l'autorité du père l'intérêt de l'enfant, la loi infléchit le rôle du père, espérant sans doute un profit pour l'ensemble de la société.

 

C'est cela que le Droit attend des pères: inscrire l'enfant dans la société comme nouveau chaînon dans la transmission, donner à l'enfant le sens de la citoyenneté.

Les pères et la société d'aujourd'hui, ont-ils pris conscience de ce rôle irremplaçable?.