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Le couple fragilisé:

vers une nouvelle unité

Sommaire

Souffrance de la mésentente toute nue

Il n'y a que l'amour

De la double vie à la communion

L'enfant qui vient tout bouleverser

Pour accompagner les couples en crise, " Raphaël "

Se préparer à l'inattendu

Dans l'épreuve, la grâce du sacrement de mariage

 

 

 


                  

 

Le couple fragilisé: vers une nouvelle unité.

 

La naissance d'Alexis, notre troisième fils, né profondément handicapé, avait révélé les divergences profondes de notre couple. A la souffrance du handicap s'était ajoutée celle du conflit grave avec Arnaud, mon mari. Comment assumer seule ce petit garçon rejeté par son père ? Comment vivre l'amour dans le couple sans renier l'amour de Dieu pour tous ses enfants, surtout pour les plus démunis ? (C'est Jésus qui le dit).

Comment survivre moi-même ? Comment vivre l'espérance ?

Aujourd'hui, Alexis nous a quittés. Le matin de sa mort, après une très longue agonie, j'ai su qu'Alexis, le premier, était arrivé au port : désormais je n'avais plus à me faire de souci pour lui; il était dans les bras infiniment aimants du Père et mon assoiffé d'amour et de tendres- se était comblé.

Le problème de l'entente avec Arnaud ne s'est pas arrangé pour autant avec la mort d'Alexis. Finalement Alexis n'a été qu'un révélateur. Arnaud est en révolte contre le monde tel qu'il est, qu'il juge mal fait, et donc contre son Créateur. Il n'accepte pas la souffrance, ni le vieillissement, ni la mort. Il considère que tout don gratuit de soi est une perte de soi et nous nous heurtons toujours aussi violemment sur toutes sortes de choix de vie concrets. La souffrance de la mésentente, de la désunion, demeure entière, plus terrible peut-être encore maintenant qu'elle est toute nue: nous n'avons plus Alexis comme motif de notre mésentente.

Et moi, je n'ai plus Alexis pour qui me battre. J'ai envie de dire avec qui me battre, parce que peut-être que c'est lui qui, mystérieusement, m'a garantie le plus sûrement contre la tentation du désespoir, comme si sa présence m'avait permis de percevoir -et continuait à m'enseigner- que notre souffrance est accompagnée: alors, c'est Jésus qui nous tient serrés dans ses bras.

Monique

 

 

Comme un navire

Tant que mes parents ont vécu ensemble, la maison était comme un navire projeté dans la tempête. Mais il y avait encore un navire et nous étions ensemble. C'est 1'essentiel. Le pire, c'est de ne plus avoir de navire. La séparation de mes parents m'a fait plus souffrir que l'amputation de mon pied. On dit que lorsque ça ne va plus dans un couple, il vaut mieux se séparer. Est-ce qu'il en est de même pour les enfants ?

Plutôt que d'abandonner le navire, est- ce qu'il ne faudrait pas tout faire pour essayer de le ramener en eaux calmes ?

                                                                                J.B.

Je fuyais la maison

Quand j'ai compris que ma fille Sabina ne verrait jamais, ne mangerait jamais seule, ne marcherait pas, ne parlerait pas plus, je suis entré dans la phase de ma vie la plus terrible et la plus triste. Or, il n'y a rien de pire que de n'avoir aucun but, aucune espérance. Sa- bina n'était" rien ". Personne ne venait la voir, personne ne demandait de ses nouvelles. Je n'avais plus la force de lutter et de conduire ma fille chez de nouveaux spécialistes. Je travaillais beaucoup parce que c'était une forme de distraction et une fuite de la maison.

Plus le temps passait, plus je m'éloignais de ma famille, de mes amis, de la religion. Mes rapports avec ma femme, Olga, étaient faits de tensions et d'indifférence tout à la fois. Le dimanche, pour ne pas rester à la maison, j'allais au match de foot même si je n'en avais aucune envie. Je haïssais la société.

Francesca Gammarelli

 

N.D.R.L : Francesco et sa famille, après avoir rencontré Foi et Lumière, ont progressivement retrouvé la paix.

 

 

 

 

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Il n'y a que l'amour

________________

Le handicap d'un enfant peut provoquer l'éclatement du couple, ou au contraire le cimenter dans une unité beaucoup plus profonde. Comment traverser la tourmente qui ébranle tant d'époux ? Pierre et Suzon Caubel, parents déjà âgés d'enfants handicapés, témoignent.

 

R.TOURNUS

Préserver des temps de retrouvailles à deux

 

Marie, puis Jérôme (pour ne citer que ces deux-là), ont absorbé toute l'énergie et la disponibilité de Suzon pendant des années, et aujourd'hui encore... comme cette maman d'un enfant atteint de handicaps multiples qui nous confiait " depuis huit ans je n ' ai pris aucun jour de repos, je n'ai pas eu un jour de vacances."  L'enfant blessé accapare ses parents et contraint souvent sa maman à l'abandon de telle ou telle activité, professionnelle ou autre. La fatigue accumulée empêche l'épouse d'être disponible pour son mari et pour ses autres enfants. L'époux a l'impression de ne plus avoir sa place, dans la maison, et pire encore, dans le couple. La vie relationnelle, les sorties deviennent impossibles.

Mais le plus difficile est de faire le deuil de l'enfant parfait, de celui que l'on espérait, et d'éviter dans le couple des" non-dits " lourds de conséquences. Mari et femme risquent de s'installer dans des attitudes culpabilisantes, chacun se réfugiant dans un silence qui éloigne et qui détruit. Trop souvent chacun vit sa souffrance de son côté, ce qui exacerbe les détresses respectives. Trop souvent enfin le père s'isole dans la tour d'ivoire de son travail ou d'une autre passion. A la limite, il disparaît purement et simplement.

 

 

C'est l'amour qui a fait sortir notre couple vivant de cette épreuve, un amour don de soi renouvelé au service de notre conjoint, un amour don de soi renouvelé au service de nos enfants.

Nous nous sommes trouvés devant un choix radical, celui de poursuivre à deux

notre service d'amour tout en préservant notre relation de couple qui en est le fondement... ou de nous replier, chacun dans sa souffrance. Choix radical, car il est vrai que la vie bascule avec le handicap d'un enfant. Jour après jour il faut accepter cette vie nouvelle, où certaines satisfactions précédentes n'ont plus leur place et où les valeurs du monde perdent leur importance. Mais d'autres valeurs s'installent qui sont tout aussi riches et porteuses d'espérance.

Cette acceptation est difficile, douloureuse, pleine de renoncements.

Elle nécessite un long cheminement sur lequel il faut sans cesse revenir.

Pour y arriver, nous avons voulu protéger le dialogue.

Eviter le refuge du silence, mais au contraire entretenir une communication de tous les instants. Les" devoirs de s'asseoir" bien connus des " Equipes Notre-Dame ", ces moments de rencontre à deux pour partager nos souffrances, nos faiblesses, mais plus encore notre espérance et la force de notre amour, nous ont été d'une aide considérable.

Ensemble, " placés sous le regard du Seigneur ", nous ressortions de la rencontre réconfortés d'abord par Son amour.

Nous avons aussi recherché ensemble des appuis extérieurs. Nos amis d'autrefois n'ont pas tous accueilli les handicaps de nos enfants. D'autres amitiés plus profondes, d'autres relations se sont bien vite établies. Nous avons rencontré des parents connaissant une épreuve du même ordre, mais également des amis simplement heureux de nous aider. Nous avons appris à demander pour trouver des solutions d'entraide, afin de préserver à notre couple la respiration des temps de retrouvailles à deux.

Ainsi, le Seigneur nous a permis de réagir en sorte que ce fut l'unité qui sortit gagnante de l'épreuve, et non l'éclatement. Il a permis à notre amour de grandir au lieu de s'étioler. Il nous a permis de nous aimer chaque jour davantage. Grâce à cet amour nous avons pu ne jamais nous sentir, l'un ou l'autre, seul dans notre couple.

Oui, il n'y a que l'amour qui puisse faire sortir le couple vivant de l'épreuve !

Pierre et Suzon Caubel

" Me remémorant la petite enfance de Marie, qui nécessitait des soins lourds et constants, je m'adresse souvent des reproches. En tant que mari, n'aurais-je pas dû participer davantage aux tâches pesantes de la maison et de l'éducation ? N'avais-je pas profité de mes préoccupations professionnelles pour " fuir ". Oui, c'est vrai, je n'ai pas assez aidé Suzon pour les tâches matériel- les. Mais dans ma pauvreté, je lui ai fait sentir que chaque jour douloureux me la faisait aimer encore davantage, elle, ainsi que notre enfant blessé. Au fond, cet amour n'était-t-il pas l'essentiel de ma tâche ? Pierre

 

 

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De la double vie à la communion

 

 

Mariés très jeunes, Pierre et Marthe voient rapidement l'arrivée de cinq enfants. C'est le cataclysme dans la famille, quand, après des périodes de crainte et de doute, on découvre que Georges, puis plus tard Rémy, sont atteints de myopathie. Une faille s'insinue dans le couple et ne cesse de s'agrandir quarante ans durant.

 Mais, pour Dieu, il n'est jamais trop tard.

 

Ombres et Lumière : Qu'est-ce qui peu à peu a provoqué cet éloignement au sein de votre couple ?

 

Marthe: Les premières années de notre mariage ont été très heureuses, avec les enfants que nous voulions, arrivés peut-être un peu plus vite que nous le souhaitions. Peu à peu, est apparu ce problème du handicap de Georges auquel nous n'étions pas du tout préparés. Dès le début, nous avons rencontré des familles atteintes comme la nôtre, au sein de l'Association française contre les myopathies. Je me suis beaucoup, beaucoup investie. J'étais terriblement accaparée par notre famille et par l'association. Peut- être est-ce en partie pour cela que l'éloignement s'est produit. Mon mari s'intéressait aussi à cette action et me secondait, mais pour lui j'étais devenue quelqu'un de différent, qui avait des engagements ailleurs. Il y avait aussi ce problème, encore nébuleux à l'époque, de l'espacement des naissances. Il était évident que nous ne devions plus avoir d'autres enfants, étant donné les risques que nous courions. A la suite de diverses circonstances, et surtout avec des méthodes de régulation peu au point à l'époque, il y a eu la naissance de Rémy, vécue très difficilement. Mon mari était révolté. Il me dit un jour: " Est-ce que tu crois donc qu'on a le droit de fabriquer des martyrs ? "

 

Pierre: Pour moi, cet éloignement remonte à très loin. Mon épouse avait reçu une éducation très classique. Alors que dans ma famille, une seule chose comptait, c'était d'être en bonne santé, de faire des hommes beaux et forts. Sur le plan religieux, nous étions des catholiques très formalistes.

Lorsque j'ai rencontré Marthe, j'ai été complètement séduit, bouleversé, étonné par elle. Nous nous sommes mariés très jeunes. Mes parents y étaient opposés, surtout mon père. Nous avons eu vite nos enfants, et très rapprochés. Tout ça me bousculait intérieurement. Notre intimité de couple en souffrait beaucoup. Je sentais bien que mon épouse n'était pas favorable à la contraception. Je lui en voulais.

Par ailleurs, mon travail me prenait énormément. Et toutes les nuits, nos enfants nous demandaient beaucoup de présence.

 

Nous nous levions parfois vingt fois par nuit. Il fallait accompagner nos enfants, et nous savions que c'était jusqu'à leur mort. Tout cela était invivable, et nous le vivions quand même. Sur le plan humain, c'était la faillite la plus totale. J'étais très blessé. Alors peu à peu, je me suis mis à vivre en pleine contradiction avec le serment de fidélité que j'avais échangé avec mon épouse le jour de notre mariage. Et j'ai vécu comme cela pendant longtemps, jusqu'à soixante-huit ans !

 

OL : Comment viviez .vous chacun cette situation ?

 

.M. : J'étais très malheureuse. Je ne comprenais pas pourquoi nous n'arrivions pas à être en phase. Surtout après la mort de nos enfants qui se sont éteints l'un à quatorze ans et l'autre à dix-huit. Nous avons alors eu du temps et pourtant nous ne par- venions pas à nous retrouver. Il y avait des absences que je ne m'expliquais pas. Je n'en parlais pas. Très entourée, je me donnais dans ce mouvement de soutien aux familles. J'avais l'impression de remplir ma vie. Mais notre couple se défaisait toujours davantage.

Pierre me vouait une grande admiration. Il me le disait et le disait aux autres. Mais cette admiration a fini par remplacer complètement l'amour et la tendresse, et faute de mieux, j'ai fini par m'en satisfaire. J'ai vécu le terrible handicap de nos enfants, puis leur mort, dans une paix apparente qui étonnait et même parfois scandalisait ceux qui en étaient témoins. Il y avait dans mon attitude un manque d'humanité dont j'ai mis bien longtemps à m'apercevoir. Je voulais paraître une femme forte. Je cachais mes sentiments. C'était ma façon de tenir le coup. Cette attitude a sans doute empêché Pierre de me dire ses difficultés. Je priais beaucoup, toujours seule. Mon désespoir et ma peine, je les offrais au Seigneur dans le secret de ma prière. Il m'était impossible de les partager en couple.

 

.P. : Cette vie que je menais en dehors de notre couple ne me posait aucun problème du moment que personne ne le savait, pas même mon épouse. Par ailleurs, je faisais semblant d'être un chrétien pratiquant pour faire plaisir à ma famille et surtout pour paraître un "type bien" aux yeux des autres, à commencer par mes enfants. Nous donnions l'image d'un couple exceptionnellement uni. Je ne ressentais pas le besoin de prier. Dieu était pour moi très lointain, je ne parvenais pas à lui dire la révolte de mon cœur.  Mais nous allions régulièrement à la messe le dimanche. Nous faisions des pèlerinages à Lourdes. ..

 

OL : Peu à peu, vous avez avancé sur le chemin d'une réconciliation ?

 

M. : Je ressentais de plus en plus douloureusement ce manque d'amour entre nous et je cherchais éperdument dans ma prière une aide et un chemin. La première réponse m'est venue d'amis qui nous ont invités à venir à une réunion d'information sur des semaines de rencontre et de prière pour couples.

 

.P. : Pour faire plaisir à mon épouse, j'ai accepté, sans aucun enthousiasme. Le témoignage d'autres couples qui parlaient de leurs problèmes en toute vérité et simplicité m'a bouleversé et donné envie d'en savoir un peu plus. Quelque temps après, toujours sous l'impulsion de Marthe, nous avons participé à une retraite pour couples. Nous sommes revenus touchés et enthousiastes. Ma façon de vivre était toujours la même, mais au fond de moi- même, je sentais confusément un profond désir de changement. Et nous avons commencé à participer à des réunions de prière.

 

Pour beaucoup de couples, la paix du soir retrouvée...

 

 

OL: Un jour, tout a basculé. Comment cela s'est-il passé i

 

.P. : C'était l'année de mes soixante-dix ans! Au cours d'un voyage au loin, dans un cadre de prière et d'accueil fraternel, je n'ai pu résister à ce que le Seigneur me demandait depuis si longtemps: faire toute la vérité avec mon épouse et rompre avec mon passé. J'appréhendais beaucoup la réaction de Marthe. J'ai été très surpris. Elle ne m'a rien dit. Elle m'a regardé avec un sourire et m'a embrassé.

 

de cacher au plus profond de moi ma douleur et ma peine. Mais peu à peu, dans les larmes, mon mas- que de "femme forte" a enfin com- mencé à se fissurer... Nous ve- nions de vivre une véritable libé- ration.

 

.M. : Devant ce qui me semblait être la révélation d'un échec radical de notre couple, mon premier souci a été une fois encore de faire taire et de cacher au plus profond de moi ma douleur et ma peine. Mais peu à peu, dans les larmes, mon masque de "femme forte" a enfin commencer à se fissurer …

Nous venions de vivre une véritable libération.

 

OL : Et maintenant ? Comment vivez-vous cette communion retrouvée ?

 

.P. : Tous les matins, nous lisons un texte biblique. Nous envisageons notre journée. Nous essayons de faire le point sur ce qui n'a pas été bien entre nous la veille. Car ce n'est pas toujours facile. Il y a des moments très douloureux. Des souvenirs resurgissent. Le passé ne s'oublie pas aussi facilement. Le Seigneur et mon épouse m'ont pardonné. Mais accueillir la miséricorde demande une vraie conversion. C'est un chemin. Au fil des années, nous vivons un plus grand apaisement.

 

.M. : Oui, un chemin avec ses creux et ses bosses, ses montées et ses précipices. Le pardon demande d'aller très loin. Même après plusieurs années, je réalise combien il est exigeant. Avec une infinie patience, le Seigneur nous reprend par la main à chaque fois que nous faiblissons.

 

OL : Quel message aimeriez-vous transmettre à d'autres

 

.P. : Un message d'espérance.  Le mariage donne une grâce extraordinaire. C'est un sacrement.  Même si on n'en tient pas compte, quelles que soient les circonstances, cette grâce demeure. Elle resurgit, même très tard.

 

.M. : Ne pas rester seuls, face aux difficultés conjugales. J'aurais tant aimé consulter quelqu'un qui, de l'extérieur , nous aurait conseillés. Aujourd'hui les familles peuvent davantage se soutenir, partager leurs difficultés, c'est important.

Enfin, lorsque nous avons davantage de difficultés, nous nous tournons vers nos fils qui nous ont précédés auprès du Père et nous leur demandons leur aide. Ils intercèdent pour nous.

Comme à Cana, le meilleur vin des noces est bien pour la fin.

Propos recueillis par Catherine Biaise

 

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L'enfant qui vient tout bouleverser

Depuis plus de quarante ans,

le Professeur Marie-Odile Réthoré reçoit, à sa consultation, des nouveau-nés, des enfants, des adolescents, des adultes atteints d'un handicap mental. Les liens qu'elle a tissés avec leurs parents, au fil des ans, lui ont permis de vivre, avec eux, les bons et les mauvais jours.

 

Interview du Professeur Marie-Odile Réthoré par Marie- Vincente Puiseux et Caroline de la Goutte

 

 

 

 

A l'annonce du handicap, le père et la mère réagissent-ils de la même façon ?

 

.Bien souvent, à ce moment-là, on est tenté de ne penser qu'à la mère, de ne s'adresser qu'à elle comme si c'était à elle seule de porter la charge quotidienne de cet enfant, de se débrouiller seule avec lui. Elle accapare, alors, toute la souffrance, bien souvent aggravée par un sentiment de culpabilité qu'elle n'ose avouer et se fait un devoir d'assumer le tout! Mais, un enfant se conçoit à deux... et s'accueille à deux ! Il est l'incarnation de l'union du père et de la mère et tout ce qui le concerne est à partager entre les deux parents. A cause de cela, je m'arrange toujours pour parler, en même temps, au père et à la mère. Si, dès le début, on ne permet pas aux parents de prendre conscience qu'ils sont tous les deux face aux mêmes interrogations, à la même révolte, à la même souffrance, on risque d'aboutir à ce qu'a vécu une maman épuisée: " Vous savez, je suis sûre que mon mari m'en veut. Depuis la naissance de la petite, il ne m'a pas dit un mot... ". Lorsque j'ai pu parler avec cet homme, muré dans son silence et sa souffrance, il m'a dit: " Si je ne lui parle pas, c'est parce que j'ai peur de pleurer devant elle. Elle a tant de courage! "

 

Des dissensions se montrent-elles au grand jour ?

Oui, en général, pas au tout début. Il s'agit de griefs que l'on entend dans toutes les familles, je crois: " Qu'est-ce que tu en sais ", dit la mère, " Tu n'es jamais là. C'est toujours moi qui dois faire les démarches seule! ", " C'est elle qui a décidé et, moi, je ne veux pas cela pour mon enfant ", dit un papa. Ou bien: " Elle le couve trop "...

Dans ce cas, je parle à tous les deux, en dehors de la présence de l'enfant, sans juger mais en essayant d'analyser, avec eux, la situation et en espérant qu'ils continueront à en parler... La rupture de dialogue conjugal est mortelle, chacun le sait !

Il m'arrive, aussi, d'être le témoin de prises de conscience de certains manques, de demandes de pardon. Des couples séparés, parfois depuis très longtemps, viennent, ensemble, à la consultation pour parler de" celui" qui reste malgré tout

" leur petit ". Je suis, alors, bien souvent, émerveillée de ce que j'entends !

 

Que proposer ou conseiller à des parents complètement ébranlés ?

 

Je leur demande toujours s'ils peuvent être aidés, secondés, au moins pendant une courte période, mais très vite. Certains

grands-parents, une tante, une marraine peuvent très bien prendre l'enfant quelques jours, si on le leur demande...

Les parents pourront alors se ressourcer en- semble, retrouver la force dans leur amour, quitte à pleurer tout simplement ensemble.

S'il n'y a personne dans l'entourage, je propose de confier l'enfant, pour un temps, à une pouponnière ou, s'il est plus grand, à une maison d'accueil temporaire. Dans ces cas, c'est moi qui propose cette solution. Si l'initiative venait du papa, ou, de la maman, le doute pourrait s'insinuer: il (ou elle) ne supporte pas son enfant, il (ou elle) cherche à s'en débarrasser.

Il m'est arrivé de proposer à des parents de confier leur tout-petit à d'autres parents parce qu'ils ne pouvaient vraiment pas assumer cette charge pour des raisons que l'on n'a pas à juger. Cette démarche, difficile, leur a permis de garder leur dignité de parents alors qu'un abandon décidé dans le désarroi de l'urgence est, bien souvent, source d'un conflit fatal pour le couple à plus ou moins brève échéance.

 

Quand le couple retrouve-t-il

son équilibre ?

 

.L'équilibre est sans cesse à refaire car la fragilité des parents est là, que l'enfant ait trois ou quarante ans, la plaie existe, un rien la ravive. On met l'enfant au monde une fois mais c'est chaque jour qu'il faut l'adopter. C'est la même chose entre les époux : le" oui " est à redire chaque jour !

Dans les moments de crises (quel couple n'en connaît pas), il faut savoir se faire aider et je pense que la consultation peut être, pour les parents, un lieu de réflexion, d'apaisement, de réconciliation. Si les parents repartent plus forts, c'est l'enfant qui sera le grand gagnant !

 

Marie-Odile Réthoré

Membre de l'Académie de Médecine Directeur du Centre Médical Jérôme Lejeune

 

 

 

 

 

Un enfant se conçoit à deux...

et s'accueille à deux".

 

 

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Pour accompagner les couples en crises, " Raphaël "

 

Nadine Grandjean, conseillère conjugale (après avoir été long- temps à l'écoute des couples aux sessions Cana), et Dominique Andrade, thérapeute de couples, fondent un cabinet de consultation " Raphaël", pour couples en difficulté. Rattaché à une paroisse de Paris, il fonctionne depuis deux ans.

 

Ombres et Lumière : Pourquoi avez-vous créé " Raphaël" ?

 

Nadine Grandjean : En ce moment, quand un couple va mal, il va voir un avocat, et la logique d'un avocat, c'est le divorce... Avec Dominique Andrade, nous nous sommes demandées comment trouver un autre chemin, celui de la réconciliation. Ah ! Si on mettait toute l'énergie qu'on dépense pour divorcer à se réconcilier!

" Raphaël ", cela signifie " Dieu guérit ". La réconciliation, c'est une guérison.

Toute sa vie, le couple peut se réconcilier, même à quatre-vingts ans, je l'ai vu ici.

 

 

En quoi consiste votre accompagnement?

 

 

.Je reçois des couples et les aide à diagnostiquer ce qui ne va pas. La première chose que je leur demande, c'est de miser sur l'espérance. Mon étalon de base, c'est la graine de sénevé. Vous voyez, ce n'est pas grand...

Lorsque la paix revient, on peut passer à une autre étape qui est parfois de remonter à la blessure personnelle, par une remise en question de chacun. Je renvoie le couple à la prière car c'est un lieu d'intériorisation, de lumière et d'ouverture de cœur. Les époux se rendent compte : " Peut-être faudrait-il que nous nous fassions aider ? "

C'est alors l'occasion pour moi de les guider vers une thérapie, ou une guérison intérieure, ou des sessions, des retraites, etc.

 

 

 

Et quand le couple ne vient pas ensemble !

 

C' est fréquent, mais je pars du principe que lorsque l'un va mieux, l'autre aussi.

Je ne vois pratiquement que des femmes. Elles sont plus exigeantes sur l'amour, plus clairvoyantes aussi, mais elles l'expriment très mal: pleurs, colères, bouderies...

Les hommes, eux, n'aiment pas parler de leur vie personnelle.

 

A quel moment de leur " crise " viennent-ils vous voir ?

 

Tard. .. parfois trop. Le conseil conjugal n'est pas passé dans les mœurs : " Ça ne regarde personne. ..Je ne vais pas aller déballer ma vie privée... "

 

Or, nous, professionnels, sommes formés pour écouter tout; et pour écouter sans juger. J'aimerais que les prêtres, qui ne sont pas formés au conseil conjugal, puissent dire à un couple en difficulté : " Allez aussi voir tel professionnel ".

 

Avant d'en arriver là, quels sont les signes avant-coureurs de la crise ?

 

L'absence de communication profonde: on peut beaucoup se parler, sans se dire. Le nombre de femmes qui me confient: " Mon mari ne me dit rien ". Je leur demande: " Peut-être ne l'écoutez-vous plus ? "...

Le manque de temps passé ensemble. La violence. Le manque de vie personnelle. On finit par se mépriser soi-même, on méprise l'autre. Si l'un des deux perd du terrain, l'autre étend son territoire, jusqu'à la dictature, et le couple s'appauvrit. Il faut être vivants tous les deux. Le manque de vérité, les non-dits. Les blessures personnelles aussi. Les résurgences du passé (amour blessé, jalousies. ..).

 

Pourtant rien n'est rédhibitoire: la psychologie et la grâce peuvent permettre aux couples de devenir plus forts. Beaucoup de crises sont des crises de croissance : si la première a bien été gérée {c'est-à-dire si on a pu formuler ce qui a été vécu), les autres le seront aussi.

 

Et l'arrivée de l'enfant handicapé ?

 

Cette arrivée provoque une béance... qui fait resurgir toutes les blessures. Elle ébranle le couple, parce qu'elle tombe à pieds joints sur ses fragilités, Elle va le creuser dans le sens des failles et du rôle de chacun.

Je peux vous donner mon témoignage personnel. Nous avons quatre enfants, le deuxième est né sourd. Je me suis dit :   " Je sauverai mon enfant" et je me suis substituée à Dieu dans sa toute-puissance, en écartant subrepticement mon mari. Mon idéal de mère s'est heurté à la réalité. Je n'y arrivais pas, je m'épuisais. Je remobilisais mon mari, mais pour lui dire ce qu'il fallait faire. Je le téléguidais... C'est fréquent chez la femme. Le père n'a plus sa place.

L'arrivée de l'enfant handicapé met brutalement ses parents devant le défi que tout couple doit traverser: la"dés idéalisation " du couple, du mari, des enfants, pour arriver à accepter, puis à aimer véritablement ce couple-là, ce mari-là, cet enfant-Ià. C'est là que doivent intervenir toutes les forces spirituelles de chacun, et les grâces du sacrement de mariage, lorsqu'il y en a un.

 

Quel chemin proposez vous ?

 

.Commencer par se reconnaître faible: " Un couple, c'est un pauvre qui aime un autre pauvre ". Alors, si chacun reconnaît ses blessures, ses manques, il laisse la place à l'autre. La femme a besoin de son mari, et le mari a

besoin de sa femme. Mais l'enfant handicapé peut aussi ressouder ses parents: ils se retrouvent liés pour un même combat. Ils apprennent à se connaître, à communiquer.

 

Que diriez-vous à de jeunes couples ?

 

C'est toute sa vie qu'il faut être vigilant sur sa relation! (Je signale à ce propos le livre très astucieux de psychologie pratique de John

Gray" Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus ", Ed. J'ai Lu, 346 p., 41 F. )

 

Aujourd'hui, je vois trois nouveaux défis :

 

la durée. Jamais nous n'avons été confrontés à vivre soixante ans ensemble! A l'heure actuelle, on ne dure pas dans l'immolation. Le choix est là : s'étioler ou se nourrir l'un l'autre.

 

l'égalité (ou la parité) entre l'homme et la femme. Sur des territoires très partagés auparavant, ils se trouvent confrontés ensemble au travail, à l'éducation des enfants, aux tâches de la maison... Comment faire ? S'épuiser ou partager.

 

enfin, pour que ça tienne, le sentiment amoureux du début ne suffit pas, pas plus que le simple " contrat ", il faut autre chose, et qui transforme, je veux parler de l'amour.

 

 

" Raphaël" : 7, rue Guillaume Ber- trand- 75011 Paris, tél. 06.81.42.47.55 ou 06.82.31.41.76

(sur rendez-vous uniquement).

 

Propos recueillis par Raphaëlle OG.Simon

 

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.

Au moment des fiançailles

 

" Si le médecin vous annonce que l'enfant que vous attendez risque d'être gravement handicapé, quelle serait votre réaction ? "

Telle est la question que j'ose poser aux fiancés lors des sessions de préparation au mariage. Les uns se réfugient dans un silence oppressant ou indifférent, car cela n'arrive qu'aux autres. D'autres expriment sans la moindre nuance leur volonté de recourir alors à l'avortement. Or il m'est arrivé plusieurs fois, quelques années plus tard, de recevoir un appel au secours de l'un ou l'autre de ces couples... et d'être appelé à les accompagner dans leur épreuve.

 

Je pense aux parents d'Antoine. Bouleversés par le diagnostic prénatal qui avait décelé une malformation du cerveau et soumis à la forte pression du corps médical pour" interrompre au plus tôt cette grossesse à haut risque ", ils n'hésitent pas à m'appeler du Texas et prennent le premier avion pour Paris. Ils ne peuvent envisager de supprimer cette vie naissante. Mais ils attendent de moi une présence, le soutien de mon amitié et de ma prière dans leur décision. Ils veulent non seulement consulter les meilleurs spécialistes, mais essayer aussi d'envisager le bouleversement que provoquera dans leur vie l'accueil de cet enfant. Quelques mois plus tard, Antoine est né sans handicap.

 

La naissance de Pauline, lourdement handicapée, a été un tel drame que, dans la panique et cédant à la pression du corps médical, un acte d'abandon a été signé, à l'initiative de la maman. A tous, elle déclare que son bébé est mort-né et elle-même plonge dans une profonde dépression. Un jour , elle retrouve mon adresse et vient me voir. Elle me demande de l'aider à vivre dans la vérité...

Elle mesure alors la gravité du geste. Le délai des trois mois laissé aux parents avant l'abandon définitif n'est pas révolu. Avec son mari, ils vont rechercher Pauline à l'Oeuvre d'adoption. Son baptême fut une grande joie dans la paix des cœurs. Depuis lors, je continue de soutenir le couple dans les moments difficiles, voire impossibles, et de partager leurs petits bonheurs au moindre progrès de Pauline.

Si à l'heure du drame, ces parents parmi bien d'autres se sont tournés vers moi, ne serait-ce pas parce que, lors de la préparation de mariage, nous avions envisagé cette éventualité ? J'incline à le penser .

Père Jacques Cuche

 

 

ANNE JOUDIOU

 

 

Avant la naissance

Deux maternités parisiennes proposent aux couples des soirées de préparation humaine et spirituelle à la naissance. Une de celles-ci est consacrée à parler des inquiétudes liées à l'arrivée de l'enfant.

 

Quelle préparation possible ? " Rien ne peut nous préparer à l'intolérable, rien, aucune préparation au mariage ou à la naissance, sauf que... "

Les couples qui témoignent ce soir à la maternité Sainte-Félicité sont unanimes. Sauf que, fiancés, au cours d'un CPM (Centre de préparation au mariage), ils ont fait ensemble le choix de la vie, de l'accueil à la vie. Si on ne fait pas ce choix-là, à froid, il est presque impossible de le faire dans l'urgence et la panique quand le corps médical vous assène la nouvelle :

 

 

" L'enfant que vous portez a un handicap, que décidez-vous ? "

Ces couples chrétiens qui ont traversé cette épreuve du feu reconnaissent presque tous s'être tournés, dans leur désarroi, vers le prêtre qui avait reçu le consentement de leur mariage. Auprès de lui, ils ont retrouvé une paix pour prendre librement leur décision. Une décision ensemble, que d'autres prennent avec le soutien d'un religieux, d'un ami sûr...

M.-V. P.

 

 

 

 

" J'essaie d'être disponible pour tout couple qui a besoin de parler, qui aimerait comprendre ce qui se passe, sous le choc de l'annonce du handicap.

Il faut voir avec eux, comment ils se situent face à ce qu'ils vivent. Le dialogue dans le couple est important mais pas facile car les réactions de l'homme et de la femme sont différentes face à la souffrance.

Quand c'est possible, je leur propose de s'appuyer sur leur sacrement de mariage. Il y a toujours à passer de l'enfant rêvé à l'enfant réel! C'est dur, c'est un chemin de souffrance qui s'ouvre à eux ! Tant mieux s'ils peuvent laisser le Christ visiter cette souffrance et avec Lui vivre ce chemin. "

 

Sreur Marie-Albert Petite Sceur des Maternités Catholiques

 

 

 

Les cycles de préparation à la naissance, sous forme de cinq soirées, ont lieu :

 

-soit à la maternité Sainte- Félicité, 37, rue Saint-Lambert 75015 Paris, tél. 01.53.68.58.58

 

-soit à l'hôpital de Bon Secours, 68, rue des Plantes, 75014 Paris,

tel. 01.40.52.41.09

 

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Dans l'épreuve, la grâce du sacrement de mariage.

 

 

Ils étaient alors jeunes fiancés. On avait préparé ensemble la célébration de leur mariage. Ce furent des heures d'échange que l'on n'oublie pas. On était tellement à l'unisson, eux, et moi le prêtre qui devait présider la cérémonie... Ils avaient déjà participé à des rencontres avec de jeunes foyers, et réfléchi, avec eux, aux divers aspects d'une vie à deux. Ils avaient apprécié ces rencontres. Non pas qu'elles aient réponse à tout, mais elles permettent un regard plus lucide sur ce qui les attend. C'est un sujet sur lequel le prêtre s'aventure avec réserve, bien conscient de son incompétence.

Quant à nous -ces jeunes fiancés et moi-même -ce que nous cherchions, ou du moins nous essayions, c'était de mieux comprendre ce qu'était la dimension chrétienne de leur engagement, ce qu'on appelle, dans l'Eglise, le sacrement.

Je me souviens que nous étions émerveillés de ce que les futurs époux, en s'engageant devant Dieu, ne se donnaient pas seulement l'un à l'autre, mais qu'ils faisaient alliance avec le Christ. Ou plutôt, c'est le Christ qui fait alliance avec eux. Il prolonge l'alliance première de leur baptême, par cette alliance à la nouveauté qui est née entre eux, et qui est leur amour.

Il n'est pas courant que l'on comprenne l'effet bouleversant de cette alliance. Y parviendra-t-on même jamais ? Nous avons retrouvé ce que disait naguère Paul VI : " Tout l'être y participe, dans les profondeurs de son mystère personnel et de ses composantes, affectives, charnelles, aussi bien que spirituelles ", Il ajoutait même: " Il n'est aucun amour conjugal qui ne soit, dans son exultation, élan vers l'infini ",

 

Ambassadeurs de l'amour du Christ l'un pour l'autre et pour l'enfant

 

Vivre cette alliance, c'est Vivre dans la certitude que le Christ est notre compagnon de route. Cette présence, dans la mesure où nous en vivons, donne à tout ce que nous faisons, valeur d'éternité. C'est devenir l'un pour l'autre, et demain pour les enfants, l'ambassadeur de l'amour du Christ. Tout cela, nous en avons rêvé.

 


 

 

La célébration du mariage s'est déroulée, comme on peut l'imaginer dans une intense ferveur. J'ai oublié de dire que lui, s'appelait Eric, et elle Valérie.

 

Les années ont passé. Nous ne nous étions pas revus. Un jour, ils ont sonné à ma porte. Ils étaient là sans rien dire. Valérie était devenue maman. Elle avait un bébé dans les-bras. Je vis -trop vite - que cet enfant était un enfant blessé, " pas comme les autres ". Ils étaient toujours silencieux. J'ai éprouvé ce silence comme un reproche: " Où sont donc, l'abbé, vos belles théories ?

Vous ne pouvez savoir comme nous avons souffert. Non, vous ne pouvez pas comprendre ".

 

C'est Valérie qui se décida la première à parler. Ils s'étaient tant réjouis à la première annonce de la venue d'un enfant. Et puis bientôt, ce fut l'effroi devant la découverte du handicap inévitable du petit à venir. Elle dit son cauchemar , sa révolte, ses doutes, ses  tentations, le calvaire qu'ils avaient vécu et vivent encore.

Eric, lui, avait le visage fermé: pas d'aimer notre croix. Il n'a pas Dieu ne l'avait-il pas trahi ?

Ils ont parlé longtemps. Ils en avaient besoin. Ils avaient besoin que ce soit ce prêtre, qui avait assisté à leur mariage,

qui les entende. Qu'ai-je bien pu répondre ?

Je ne saurais plus le dire. Je crois bien que nous avons pleuré ensemble...

 

L'enfant, lui, nous a souri. C'était une petite fille. Ils l'avaient appelée Marie Pia.

 

Ce que je sais, c'est que Dieu, notre Père n'aime pas la souffrance. Nos épreuves ne viennent pas de lui. La souffrance ne vient pas de lui.  D'où vient – elle ?  De notre infirmité de créature, de notre ignorance, de nos limites, parfois de notre péché ?

A moins qu'elle reste toujours un mystère.

Mais dans ce mystère, Jésus s'est plongé avec nous; il l'a assumé jusqu'à l'extrême limite, jusqu'à la folie.

Au point que là, plus encore que partout ailleurs, il s'est fait, dans nos épreuves, notre compagnon de route.

 

Il ne nous laisse jamais seul dans la douleur. Il souffre avec nous. Il est cet enfant blessé dans les bras de sa maman.

Il est tous ces enfants que l'on rejette. Il est ces parents qui pleurent. Il est toujours avec nous, en nous, dans nos souffrances.

Il leur donne, comme à nos amours, valeur d'éternité.

 

Mais Jésus ne nous demande pas d'aimer notre croix. Il n'a pas aimé la sienne: Il à demandé à son Père, s'il pouvait, de la détourner de Lui.

Mais il l'a assumée librement car disait il, c'était son " heure ". L'heure du suprême amour.

 

Transfigurer notre souffrance, par la présence de Celui qui la porte avec nous, c'est un apprentissage. Y parviendra-t-on jamais assez ?  Il y faut parfois toute une vie. Comme il faudra aussi toute une vie aux jeunes époux pour comprendre vraiment et réaliser ce qu'ils se sont promis au premier jour: " Je te reçois et je me donne à toi, pour t'aimer fidèlement, dans le bonheur et dans les épreuves, tout au long de notre vie ". Mais Dieu notre Père est patient.

 

Un mot encore.

Vivre toujours plus en présence avec le Seigneur qui vit en nous notre peine, c'est aussi oser se plaindre à Lui comme on le fait avec un ami cher. Il ne faut pas faire de manières avec le Bon Dieu: il ne faut pas craindre de tout Lui dire.

L'Esprit Saint nous a montré la voie, lui qui nous propose, dans les psaumes, tant de cris de détresse et d'appels au secours : " Dans ma détresse, j'ai crié vers toi, Seigneur! ...Vois ma misère, libère-moi ! " Mais, peut-être le cri le meilleur c'est encore celui qui jaillit de notre cœur. Quand j'ai confié à un ami ce qui me pèse, je me sens moins accablé. Il se peut que, en criant ma peine à mon Père, s'ouvre un peu pour moi un chemin de paix et de confiance.

C'est peut-être ce qu'Eric et Valérie venaient chercher, en criant à ce prêtre, ce qu'ils n'osaient pas encore crier à leur Père.

Eux aussi découvriront-ils enfin ce chemin d'acceptation et de paix ?

 

 

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