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Frères et soeurs,
Aujourd'hui nous sommes témoins de cette parole de l'Ecriture: "Dieu dit: 'Faisons l'homme …'. Dieu créa l'homme à son image et à sa ressemblance. Homme et femme Il les créa … Et Dieu vit que cela était bon, très bon" (Gen 2, 26ss.).
Voilà ce qui est écrit dès la première page de la Bible. Voilà ce qui se réalise aujourd'hui: deux personnes s'avancent dans le jardin de l'amour. A la joie de Dieu et à la joie de tout un peuple. Avec nos compatriotes et avec bien des gens hors de nos frontières, nous entourons aujourd'hui ces deux êtres qui, avec Dieu et l'un avec l'autre, font un pas important dans la noble aventure de l'amour humain. Sans doute, n'y a-t-il personne pour ne pas s'en réjouir.
Nous vivons à une époque où de lourdes masses d'ombre obscurcissent le mariage
et la famille. La réalité est souvent dure, parfois affligeante. Il y a beaucoup
de souffrance entre mari et femme, beaucoup de découragement et même de culpabilité.
Nous ne sommes pas autorisés pour autant à passer sous silence la grandeur,
la noblesse de l'amour entre homme et femme. Non, la vision de Dieu sur l'homme
et la femme, sa vision sur leur alliance, il nous faut continuer à l'annoncer.
Car "quand il n'y a plus de vision, le peuple est dans la torpeur"
(Prov 29, 18), et cette situation est la pire de toutes. C'est pourquoi aucune
faiblesse humaine en la matière ne peut nous réduire au silence quant au rêve
que faisait Dieu en créant l'homme et la femme et en les conduisant l'un vers
l'autre.
Mais ils seront nombreux à objecter: qui nous garantit que ce rêve n'est
pas un mirage, une illusion? Nous autres, humains, ne cherchons-nous pas par
tous les moyens à étancher notre soif quand il nous faut vivre dans un pays
où la pluie du véritable amour peut être si absente?
N'y a-t-il donc nulle part un Sage, un Guide qui puisse nous montrer le chemin
vers une source qui ne trompe pas, qui ne tarit jamais? En ces temps de soif
si ardente d'amour et de fidélité, où pouvons-nous trouver à boire?
Plusieurs fois, dans les évangiles, il est question de noces. Il y a entre autres le récit des noces de Cana - nous venons de l'entendre - quand Jésus remplit de vin les jarres à ras bord. Il y a aussi la parabole des dix vierges qui vont à la rencontre de l'époux. Toutes, elles ont leur lampe à la main, les unes avec une provision d'huile, les autres sans. Dans ces deux passages, nous pouvons puiser quelque sagesse pour un jour de mariage comme celui-ci.
Quand deux êtres se marient, ils ont reçu en partage du Créateur leurs lampes, et leurs jarres sont prêtes. Ils ont même un peu de vin et un peu d'huile. C'est que chacun a des dons et des talents. Tout ce qu'il y a bon en chacun le rend capable de faire de l'amour quelque chose de grand. Nous avons une dose de vitalité et de joie de vivre, un certain sens de l'abnégation et de don de nous-mêmes; nous sommes capables de fidélité et de dévouement. Chaque fois qu'un homme et une femme se rencontrent pour se lier l'un à l'autre, un moment tout est possible, à commencer par la venue d'un nouveau petit bout d'homme. L'homme et la femme apportent donc eux-mêmes pas mal de choses pour réussir un mariage heureux: ils fournissent les jarres et portent leur lampe à la main. Mais que faire si le vin vient à manquer, si les lampes s'éteignent faute d'huile? Chez qui chercher le vin, où acheter l'huile?
Quand il se marie, tout homme a foi en sa femme. Et inversement. Sinon, ils ne peuvent tout simplement pas se marier: sans un minimum de foi 'humaine' l'un en l'autre, leur mariage est voué à l'échec. De toutes sortes de petits signes, de petites attentions chez son partenaire on peut conclure qu'il s'agit bien d'amour. Oui, mais pour une bonne part il faut aussi le croire. C'est qu'on ne voit que de pauvres signes. Au-delà c'est une véritable foi qui s'impose. Car les signes ne sont jamais des preuves. Je remarque quelque chose dans ses gestes, j'entends quelque chose dans ses mots, je lis quelque chose dans son regard. Mais je ne puis approcher de son coeur. C'est seulement par la foi qu'on peut aller aussi profond.
Qui peut me garantir que pareille foi n'est pas risquée? Ne faut-il pas Quelqu'un de plus grand que nous qui nous dise: "Si vous vous êtes approchés l'un de l'autre - si près -, c'est parce que Moi, Je vous ai donnés l'un à l'autre, avant même que vous ne vous choisissiez mutuellement. Je vous ai conduits jusqu'ici. En Moi vous pouvez avoir foi, et bien plus encore que l'un en l'autre. Certes vous avez préparé les jarres, et les lampes aussi, vous les avez apportées. Vous avez même un peu de vin et d'huile, puisque vous avez foi l'un en l'autre. Mais si le vin venait à manquer, si les lampes s'éteignaient faute d'huile? Eh bien, Je m'en occuperais", dit Dieu. "Croyez donc tranquillement l'un en l'autre, parce que Je crois en vous. Je fournis vin et huile, suffisamment pour toutes les années à venir".
Il en est de même pour l'espérance. Car il n'est pas possible de se marier
sans prendre le risque d'avoir confiance l'un en l'autre, sans accepter la
gageure de l'espérance. Il n'y a pas de mariage sans confiance mutuelle, sans
une dose d''espérance humaine'. Mais les gens peuvent perdre courage, douter
et trébucher. Aussi Dieu dit-Il aujourd'hui: "Je vous donne mon espérance,
l'espérance divine". Un coeur humain peut faiblir, s'arrêter tout à coup.
"Mon coeur", dit Dieu, "ne connaît pas l'infarctus. Appuyez-vous
sur lui pour continuer à espérer. Restez des enfants de l'espérance, parce
que votre Père est un Dieu d'espérance. D'accord, les jarres sont prêtes,
ainsi que les lampes; il y a aussi un peu de vin et de l'huile, certainement
assez pour commencer à espérer. Mais Je suis la vigne véritable;
Je suis l'olivier éternellement vert".
Il y a aussi l'amour. Parmi les humains, rien n'est davantage que l'amour objet de réflexion, de conversation et de littérature, de chansons, de cris de joie et de lamentations. "Comment en irait-il autrement? C'est parce que vous êtes faits à mon image et à ma ressemblance, que vous êtes capables d'amour. Car Je suis Amour", dit Dieu. "A cause de cette jarre et de cette lampe - de l'amour -, Je suis émerveillé quand Je vous regarde. Vous réalisez en la matière de très belles jarres. Quant à la lampe de l'amour entre humains, Je n'en reviens pas: c'est du cristal de qualité. Qu'ils sont beaux mes enfants quand ils s'aiment! Mais la question se pose: qui remplira les lampes et les jarres à ras bord? Comment continuer à aimer quand il ne vient plus de réponse de l'autre? Comment continuer à se chérir dans les bons et les mauvais jours, dans la maladie et la santé, dans la pauvreté et la richesse jusqu'à ce que la mort sépare? Comment grandir de l'amour qui accapare à celui qui donne et abandonne? Mais surtout qui vous apprendra à aimer jusqu'à pouvoir pardonner? Qui vous rendra capables de faire plus que donner: pardonner? N'est-il pas préférable que Je m'en charge? J'en ai l'expérience", dit Dieu.
Philippe et Mathilde, je suis heureux - et toute l'Eglise avec moi - que
vous soyez venus en cette maison du Seigneur pour vous marier. Vous avez été
baptisés et votre mariage est un sacrement. Vous avez apporté des jarres robustes
et de jolies lampes: ce sont tous vos dons humains, qui sont nombreux. Le
pays tout entier a pu s'en rendre compte durant les dernières semaines. Nous
sommes donc très heureux avec vous. C'est maintenant le Seigneur Jésus qui
vient à votre rencontre. Il est le plus noble des invités à votre fête de
Cana. Il apporte le vin, le plus fin.
Ce vin provient des raisins du mont Calvaire, foulés au pressoir de la passion.
Jésus apporte de l'huile pour vos lampes: foi et espérance et beaucoup d'amour.
Cette huile, ce sont les larmes coulant de l'olivier de la croix sur laquelle
Il fut suspendu pour vous. Si vous remplissez vos jarres et préparez vos lampes
avec ce que le Seigneur Jésus va vous donner maintenant, alors Dieu vous adresse
à vous personnellement les paroles du Cantiques des Cantiques que nous avons
entendues tantôt:
"Plus fort que la mort est
votre amour …
Ses flammes sont des flammes ardentes,
un coup de foudre sacré.
Les grandes eaux ne pourraient éteindre cet amour,
et les fleuves ne le submergeraient pas" (cf. Cant 8, 6-7).
Pareil amour, je vous le souhaite au jour de votre mariage. A cette intention, je prie avec tous ceux qui partagent notre foi. Puisse le Seigneur combler vos attentes.
+ Godfried Cardinal DANNEELS,
Archevêque de Malines-Bruxelles.