Article paru le:14/05/2002

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Rubrique: FORUM - Type d'article: - Paru en page: 21

COURRIER DES LECTEURS Le courage de dire « non »

ce « non » dit avec tant de miséricorde m'a bien davantage interpellée que blessée ….

 

Epouse d'un « divorcé remarié », Marie-Andrée Poirson, des Vosges, témoigne sur son parcours dans l'Eglise :

J'ai rencontré et épousé civilement, il y a près de trente ans, un homme divorcé, père de famille nombreuse, et de vingt ans plus âgé que moi. Des années difficiles commençaient, mais qui connurent aussi de vrais bonheurs, dont les naissances de nos enfants. Pendant une dizaine d'années, vivant dans différentes régions, les prêtres rencontrés n'avaient pas trop attiré notre attention sur les difficultés liées à notre situation ; nous allions à la messe chaque dimanche, en famille, et communiions alors sans trop nous poser de questions. Avec le recul, je crois pouvoir dire que nous n'avons jamais « fait scandale », nous étions bien insérés en paroisse ; j'ose dire aussi que je n'ai pas l'impression d'avoir alors commis quelque « péché » en recevant dignement l'Eucharistie pendant toutes ces années.

Il se trouve que, malgré notre situation de « divorcés remariés », j'avais été appelée à faire de la catéchèse. Lorsque s'est présentée la possibilité de me préparer un avenir professionnel, un ami prêtre m'a suggéré de me former pour, ensuite, mieux servir l'Eglise. Et me voilà, portée par une grande confiance, entrée en faculté de théologie. Grand intérêt pour ces études et, au dire des enseignants, aptitudes à poursuivre. Ce que je fis, et qui me vaut aujourd'hui des responsabilités pastorales.

L'engagement dans l'Eglise et dans ces études de théologie venait évidemment m'interroger sur « notre situation dans l'Eglise ». Or, à cette époque précisément, j'ai rencontré le prêtre qui, le premier, le seul, eut le courage de nous dire : non. Non, il ne souhaitait pas nous voir communier, bien que nous venions d'arriver dans sa région, et que donc nous n'y étions pas connus. Très curieusement, sur le coup, ce « non » dit avec tant de miséricorde m'a bien davantage interpellée que blessée. Ce prêtre avait le courage de dire non quand tant d'autres règlent plus facilement le problème !

J'avais senti que ce non n'était pas pur énoncé d'une règle, qu'il s'offrait comme aide fraternelle et que, surtout, il nous valait encore plus de miséricorde...

Sans pourtant chercher la provocation, je suis allée demander à ce prêtre le (sacrement du) pardon. Même non : « Je vous accueille et vous écoute, je vous assure du pardon de Dieu mais je ne peux vous donner le signe ecclésial de ce pardon. » Une telle clarté, une telle justesse rendait encore plus belle la miséricorde de ce prêtre, ministre de la miséricorde de Dieu. Plus de quinze ans après, je veux témoigner à quel point cette attitude a structuré ma foi et ma vie spirituelle. Jamais d'amertume ni de rancoeur contre l'Eglise, grâce à l'accueil de ce prêtre qui m'a longtemps accompagnée.