Intervention Henri DENIS

VALPRE 17 nov 2001 REFLEXION THEOLOGIQUE ET PASTORALE

SUR LA SITUATION DES DIVORCES DANS L' EGLISE CATHOLIQUE

Introduction

I. UNE PREMIERE APPROCHE DE LA SITUATION: perte et gain

1. le divorce

2. le remariage après divorce

II. ESSAI d'ANALYSE A PARTIR DE LA NOTION DE SACREMENT

A. Un rappel de la théologie sacramentaire classique

1. le signe ou signifiant

2. le signifié ou la grâce du sacrement

B. CONSEQUENCES théologiques à propos du divorce

              1. quant au signifiant

2. Quant au signifié

III. QUELS APPELS POUR AUJOURD'HUI ?

1. un appel pour un changement de discipline

2. un appel pour une justification de l'intervention des autorités

3. Un appel pour une aide réciproque: une confortation entre les deux signes vécus dans et pour l'Eglise

CONCLUSION: sur la réintégration des divorcés remariés à l'eucharistie

1. Un geste pénitentiel

2. Des conditions claires de réintégration

ANNEXE I: texte de DUQUOC

ANNEXE II: sur les trois deuils dans le mariage

ANNEXE III: une définition du rite sacramentel

INTRODUCTION

C'est une des questions, avec celle de l'ordination des personnes mariées, qui est la plus lancinante, la plus insistante, en particulier au cours des synodes qui se sont tenus dans nombre de diocèses de France.

Rappelons que ces questions (en y ajoutant la contraception) sont précisément celles que Paul VI, selon une intuition regrettable, a décidé de se réserver, alors qu'elles relèvent de la responsabilité de toute l'Eglise.

Puis-je ajouter, tout de suite avant d'entrer dans le vif de notre sujet, que le sort des divorcés remariés dans notre Eglise est une question où l'intuition du Peuple de Dieu (pour ne pas dire le sensus fidei) est très nettement en avance sur la législation ? Et cela, toutes tendances, toutes situations sociales confondues, que l'on soit progressiste, centriste ou même lepéniste. Sauf exception, tous disent: " !çà ne va pas, ce n'est pas normal. Il faut changer la discipline " !.

                                                                         (retour sommaire)

I. UNE PREMIERE APPROXIMATION DE LA SITUATION

Pour reprendre (en en changeant un peu le sens) le titre d'un ouvrage de NEWMANN, nous parlerons de perte et gain.

Car, dans tout problème difficile, il n'y a jamais que du noir et blanc, mais beaucoup de gris.

Au cours de cette première analyse plutôt sommaire, considérons donc cette situation dans son ambiguïté même (ambiguïté au sens de dualité).

1. Le divorce

Il peut apparaître en première approximation :

-comme une perte

une perte pour les époux: celle d'une promesse non tenue, celle d'un avenir commun désormais impossible (" nous ne vieillirons pas ensemble "),

une perte pour l'Eglise: un signe visible disparaît, il se dissout et ne peut plus être pris en compte,

une perte pour la conjugalité (l'amour-toujours est un rêve, pourquoi pas une dérision ?) et pour la famille (ce sont toujours les enfants qui " trinquent ")

-comme un gain

pour la vérité faite dans le couple, le refus du mensonge. On s'aime encore assez pour ne pas vouloir jouer la comédie des fausses apparences,

pour l'expérience de la fidélité, qui avoue sa faiblesse devant la fidélité de Dieu. Une promesse humaine peut s'avérer faillible (comment être sûr de la fidélité " de fait " ?),

pour la paix. La séparation peut épargner aux enfants le spectacle douloureux d'un conflit permanent et traumatisant.

2 .Le remariage après divorce

On retrouvera ici aussi les deux aspects de perte et gain.

Le remariage peut être en effet vécu:

-comme une perte

pour les époux séparés: la perte d'un amour unique tout au long d'une vie, elle-même unique, entre personnes uniques,

pour l'Eglise, car il y a de l'ineffaçable qui ne signifie plus rien, l'ineffaçable de la première union (un ineffaçable que l'on va parfois chercher à effacer),

pour les enfants, dans la mesure où les liens aux vrais parents, ineffaçables eux aussi, doivent se vivre en tension avec le nouveau couple et souvent en dehors de lui.

-comme un gain

pour les époux, capables désormais de ne pas désespérer de l'Amour, puisqu'ils tentent de se lancer dans un nouvel engagement, avec un bénéfice escompté pour les enfants,

pour l'Eglise, dans la mesure où se construit  - dans et par l'amour mutuel de deux baptisés - une manifestation de l'Amour vécu dans le Corps du Christ,

pour une vérité rendue visible, à savoir l'option pour une nouvelle union conjugale, donc pour un amour qui ne veut pas rester clandestin ou sans engagement réciproque.

On reconnaîtra dans cette analyse purement dialectique (Abélard !) une situation extrêmement fréquente d'un point de vue éthique, où il est difficile parfois de trancher dans un sens ou dans l'autre. Puis-je dès maintenant exprimer ce que j'appellerais un critère, pas seulement théorique mais "opératoire", pouvant guider nos choix ? Ce critère -qui m'a beaucoup servi au cours de ma vie -peut se formuler ainsi, avant toute décision: "En choisissant telle position, est-ce que je crois ou plutôt nous croyons que nous allons ainsi nous détruire ou au contraire nous construire ? Bien évidemment, un tel jugement ne sera jamais isolé de nos rapports avec nos proches et avec la société globale.

                                                                         (retour sommaire)

II. ESSAI D'ANALYSE A PARTIR DE LA NOTION DE SACREMENT

Après cette première approche de la question, essayons de pénétrer davantage dans la réalité sacramentelle du mariage chrétien.

Nous le ferons en deux temps:

un premier temps de rappel de la théologie élémentaire des sacrements;

un second temps d'application au cas du mariage chrétien marqué par le divorce.

A. Un RAPPEL de la THEOLOGIE SACRAMENTAIRE

Risquons une définition: un sacrement est un signe symbolique, par lequel le Christ ressuscité se donne à être reconnu dans sa présence et dans son action, dans telle ou telle situation humaine spécifique (je rappelle que l'Eglise, au XII ème siècle, a fini par retenir 7 situations humains considérées comme fondamentales). De cette simple définition, on peut retenir deux éléments ou deux aspects à considérer en tout sacrement :

- le signe, appelé encore le signifiant, c ' est à dire ce qui est visible, ce qui se touche, et s'entend. On pourrait dire: le signifiant, c'est ce qui est exprimé au premier degré  (par exemple le geste de l'eau qui lave et fait vivre, le pain offert pour qu'il nourrisse et le vin versé pour qu'il enivre, le "oui" déclaré entre deux êtres qui s'aiment pour la vie).

Mais il ne s'agit pas seulement d'un signe-signal comme un feu rouge ou comme un manomètre, qui désigne une réalité d'un autre ordre (l'arrêt d'une voiture, l'indication d'une pression). En effet, le signe sacramentel est toujours de l'ordre symbolique, ce qui veut dire qu'il a en lui-même une dynamique capable d'ouvrir le signifiant vers le signifié. Le signe désigne une autre réalité extérieure à lui, le symbole fait communier  (symbole, symbiose) avec une réalité plus profonde (c'est du réel au second degré): l'eau qui lave le péché, le pain qui nourrit la communauté, le "oui" qui accueille une source d'amour...

(On notera une fois pour toutes, les couples de mots qui s'opposent: réel-irréel, symbolique-imaginaire. Réel ne s'oppose pas à symbolique (car le symbolique est le réel le plus réel, le réel en profondeur) mais à l'irréel, tandis que le symbolique s'oppose à l'imaginaire, car c'est un imaginaire "dompté", échappant de ce fait à la mégalomanie.)

- le signifié (que l'on appelle parfois la grâce du sacrement). Il convient bien de ne pas en avoir une conception chosiste ou matérialiste. En effet, ce n'est ni le produit de l'acte posé, ni un contenu qui serait présent dans un contenant (Jésus dans l'hostie !), mais le signifié est ce qui est donné symboliquement (en symbiose) avec le signifiant, une présence active du Ressuscité dans l'acte qui est célébré. En ce qui concerne le sacrement de mariage, il importe de considérer deux aspects de cette grâce conjugale ( on pourrait les tirer du chapitre V des Ephésiens, le texte célèbre sur le mariage) :

- d'une part, le don de l'amour du Christ pour son Eglise, amour qui est au coeur de l'amour même des époux entre eux (signes de l'Humanité réconciliée). C'est le sens le plus direct du texte des Ephésiens.

- d'autre part, le don de cet amour pour faire grandir l'Eglise comme corps du Christ. Autrement dit l'amour des époux devient capable de nourrir la communion des saints, en même temps qu'elle en vit.

                                                                         (retour sommaire)

B. CONSEQUENCES THEOLOGIQUES à propos du DIVORCE

On devine le haut niveau de spiritualité où se trouve située la vie conjugale de deux baptisés. Dès lors, il nous faut mesurer le sens de la blessure infligée à cette union par la séparation ou le divorce. Pour cela, nous allons reprendre les deux termes de notre analyse du sacrement.

1. Le signe (ou le signifiant) est le consentement public d'un amour mutuel entre un homme et une femme. La "matière première" (si l'on peut employer un tel mot) du signifiant est donc l'amour mis en forme de consentement. D'où la question gravissime que l'on est en droit de poser: qu'en est-il de ce consentement quand l'amour est mort ?

Ou encore quand le signe n'est plus capable de porter le signifié (analogie avec le pain consacré qui pourrit ou le vin qui aigrit)?

Le signe devient " insignifiant ", la capacité de communion liée au symbole est coupée. Le signifiant n'est plus ouvert au signifié.

D'où la question dans la question :

est-on prêt dans notre Eglise à faire ce constat de la faillibilité possible de l'amour comme signe du mariage ?

ou bien doit-on la récuser pour sauver une indissolubilité devenue alors formelle ?

2. Considérons maintenant le signifié.

Que devient-il en cas de divorce ? On peut penser qu'il est doublement affecté :

- d'une part, si l'on considère le lien indéfectible de l'amour de Dieu dans la vie commune, ce lien se trouve brisé, renié, parce que devenu invivable. Ainsi, va s'expérimenter douloureusement la distance entre la foi des époux entre eux et la foi en Dieu de chacun d'eux..

La fidélité de Dieu est infaillible (indéfectible), la fidélité des époux est faillible.

Alors la distance, qui existe toujours, même dans les unions réussies, devient soudain tragiquement un abîme. L'union ne porte plus la grâce du mariage. On en arrive même à utiliser à l'envers le mot qui a exprimé l'union à savoir le consentement.

On va divorcer par "consentement" réciproque ou mutuel !

- d'autre part, le don de cet amour à l'Eglise et pour l'Eglise est également éteint: la flamme a été soufflée. Ce mariage n'est plus vécu ou pris en compte pour et par l'Eglise.

D'où la question qui rebondit: en cas de nouvel amour, dans une nouvelle union, celui-ci pourra-t-il être pris en compte au bénéfice de la communauté ecclésiale ?

L'amour du Christ pourra- t-il, entre deux baptisés, habiter l'échange d'amour vécu par les nouveaux époux.

Le "ceci est mon corps livré pour toi" pourra-t-il à son tour nourrir l'Eglise dans la communion des "saints"?

C'est tout le problème de la réintégration des divorcés remariés dans l'eucharistie.

                                                                         (retour sommaire)

III. QUELS APPELS POUR AUJOURD'HUI ?

Pour ne pas aller trop vite vers des conclusions pratiques ( que nous réservons à notre conclusion), nous voudrions montrer quels sont les appels qui montent du Peuple de Dieu et de l'inspiration évangélique, afin de tenter de trouver des chemins plus équitables et plus dynamiques pour les solutions du problème qui nous préoccupe. Il s'agit d'un triple appel.

1. Un appel pour un CHANGEMENT DE DISCIPLINE

L'appel le plus fort serait pour moi celui-ci :

vous ne pouvez laisser à la seule conscience individuelle ce qui relève du témoignage public de l'Institution ecclésiale.

Il va bien entendu, de soi que toute décision " appropriée " par un sujet personnel doit être une décision de conscience et non un acte de robot.

Mais l'Eglise est appelée à dire publiquement à quelles conditions les divorcés-remariés peuvent retrouver le chemin de l'eucharistie.

Car cela voudra signifier que cette réintégration n'est ni clandestine ni anonyme, mais qu'elle actualise la miséricorde de Dieu désormais annoncée officiellement par l'Eglise. Cela va jusqu'a signifier que l'amour vécu dans cette nouvelle union n'est point perdu pour l'Eglise et la communauté chrétienne. 


2. Un appel pour la JUSTIFICATION de l'intervention des AUTORITES sur ce point

Sans exagérer, cela fait presque plus de trente ans que, de Concile en synodes, une ouverture est demandée puis enfouie, pour remédier à ce qui est bien une injustice. Les autorités ont peur de porter atteinte à la sainteté de l'engagement du mariage.

Mais elles ferment les yeux sur la précarité de cet engagement.

Du même coup -comme toujours dans ces cas-là - le langage se raidit: alors l'autorité ecclésiale identifie totalement son Institution sacramentelle à la prophétie qu'elle annonce.

Un manquement à la fidélité conjugale devient finalement le seul péché irrémissible, le seul péché que l'amour de Dieu ne peut pardonner pour ouvrir la voie à l'eucharistie.

Or, on sait bien qu'il y aura toujours une distance entre l'Amour annoncé et l'Amour vécu, comme le suggère la parole " Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait ".

La distance reconnue et parfois l'échec vécu ne portent pas atteinte à l'exigence de la visée prophétique

(On trouvera dans l'annexe l (à la fin de notre texte) des citations du livre de Christian DUQUOC "Je crois en l'Eglise", Cerf 1999, montrant clairement que la crispation de l'Eglise sur la lettre finit par la rendre infidèle à l'Esprit. Il en est de cette pratique du mariage comme de celle du sabbat, si violemment contestée par Jésus.).

On retrouverait même, dans le pardon de l'Eglise, la preuve que le banquet de l'eucharistie est ouvert non pas aux purs et aux bien-portants mais aux pécheurs et aux malades. " Seigneur, je ne suis pas digne…"

3. Un appel pour une AIDE RECIPROQUE, une confortation entre LES DEUX SIGNES vécus

    en Eglise et pour l'Eglise

Notre réflexion aura focalisé surtout sur le cas des divorcés-remariés. Loin de nous l'idée que les divorcés non-remariés seraient exclus de la solidarité ecclésiale. Il s'agit bien plutôt de faire en sorte que - en cas de discipline renouvelée - les deux situations s'apportent une confortation mutuelle :

-  d'une part, le signe des divorces non-remaries qui témoignent de la fidélité de leur engagement et portent ce témoignage au bénéfice de leurs frères et sœurs qui ont tenté de refaire leur vie. Il s'agit là d'une forme de "présence" de l'amour maintenu au-delà de sa mort psychologique. Cet hommage à l'amour dans l'absence n'est pas sans rappeler quelque chose du célibat consacré: les divorcés non-remariés annoncent l'au-delà eschatologique de tout amour humain.

(Il y aurait d'ailleurs à ce sujet matière à approfondir le sens des divers deuils vécus à propos des altérations de la  relation conjugale: le deuil du partenaire défunt; le deuil du- partenaire divorcé non remarié; enfin le deuil de l'union préalable, remplacée par un nouveau mariage. On trouvera quelques réflexions sur ce point dans l'annexe II, à la fin de notre texte).

-  d'autre part, le signe des divorcés-remariés, qui apportent la qualité de leur amour et leur bonheur (malgré les inévitables difficultés) au bénéfice de ceux et celles qui vivent  l'amour dans l'absence. Il n'est pas faux de dire qu'ils comptent  aussi sur les non-remariés pour nourrir leur propre fidélité et leur apprendre la profondeur de leurs nouveaux liens. Cette relative "solidarité" entre mariage et divorce donne à réfléchir. On constate souvent aujourd'hui que le mariage bâti sur le seul sentiment est très fragile ("Si l'on ne s'aime plus, on se quitte"). Mais, comme il a été dit maintes fois, le divorce est une sorte d'hommage rendu au mariage, en même temps peut-être qu'un excès d'attente dans l'ordre de la réussite.

La menace du divorce ( toujours possible à l'horizon de toute union) ne doit pas pour autant "éroder" l'aspect volontaire du vivre-ensemble.

Si le divorce devient si facile, n'est-ce pas qu'en amont (et non en aval) la force de l'engagement n'avait pas de quoi traverser les premiers obstacles. Le pari pour une seconde chance n'a rien à voir avec l'errance sexuelle, laquelle se moque tout simplement du mariage.

                                                                         (retour sommaire)

CONCLUSION: sur la réintégration des divorcés-remariés à l'eucharistie

C'est une affaire de conscience, bien évidemment, mais -nous le répétons - c'est aussi une affaire de responsabilité ecclésiale des autorités.

L'Eglise ne peut plus tolérer longtemps que des baptisés vivent un amour fidèle dans un remariage, sans que cela puisse être porté au compte de la communion des croyants.

Sinon, les divorcés remariés "fidèles" à leur foi et à leur baptême seraient traités comme des exclus, ou encore comme des frères séparés avec qui l'inter-communion est encore impossible.

 

Cela dit, notons les deux points essentiels permettant cette ré-intégration dans la communauté eucharistique.

I. Une célébration pénitentielle

Quelle que soit la manière de faire, il ne faudrait pas que des "non-communiants" (parfois pendant des années) retrouvent le chemin de l'eucharistie comme "à la sauvette".

Il serait donc tout à fait souhaitable qu'un geste pénitentiel soit proposé aux remariés

(avec, si c'est nécessaire une inscription canonique, comme le suggère le chanoine L. MENUZ d'Annecy qui a beaucoup travaillé ces questions).

Certes, il ne s'agit point de poser des actes publics indiscrets. Encore faut-il qu'une Eglise ou mieux une communauté d'Eglise soit là présente, pour recevoir cette "repentance" relative à un passé, qui de toute façon pèse sur le présent et qui appelle la miséricorde du Seigneur. Sans tomber dans une imprudente ostentation, il ne s'agit pas pour autant d'une réintégration en catimini. Les plus proches des intéressés, par la parenté ou par l'amitié, peuvent très bien être cette communauté ecclésiale d'accueil et de solidarité.

II. Des conditions claires de réintégration --

On pourrait appeler cela: les "données" de l'épreuve ecclésiale et humaine nécessaires à l'authenticité de la réintégration. Le simple bon sens suffirait d'ailleurs à pouvoir les énoncer, comme suit : 


 1. Que soit demande un temps d'épreuve de la fidélité du nouveau couple (ce temps étant à évaluer par les intéressés et par leurs témoins). Il va de soi, en effet, qu'il ne serait pas ! question de faire une "réintégration" à l'eucharistie le même jour que le remariage civil (même si l'Eglise peut et même doit s'assurer, à cette occasion, selon la demande, un accueil pour le nouveau couple, mais sans donner à penser qu'il s'agit d'un nouveau sacrement).

2. Que les deux partis pratiquent une nécessaire justice vis-à-vis de l'autre partenaire et relativement à la subsistance physique et moral des enfants du couple antérieur.

3. Que les enfants nés de la nouvelle union soit baptisés, en tous cas reçoivent une éducation religieuse, conforme à la conviction eucharistique des parents

4. Enfin que ce nouveau couple ait pu déjà montrer de quelque manière sa participation à la vie de la communauté chrétienne qui est la sienne. Cette dernière condition peut être modulée selon les degrés de responsabilité dans la communauté. Il reste qu'elle est essentielle pour la raison suivante. On sait en effet que le rite est ce par quoi l'individu ou le couple se trouve "identifié"dans son appartenance au groupe (cf. Raymond DIDIER,Les sacrements de la foi,Centurion 1975,p.22) (voir annexe III ).

Ne pas pouvoir communier à l'eucharistie est d'une certaine façon se voir refuser d'être membre de ce groupe ecclésial qui communie (c'est bien une ex-communion, si ce n'est pas une ex- communication).

Nous pensons que de tels repères rendus publics pourraient rompre un silence inquiétant et dire enfin que la miséricorde de Dieu est inépuisable. Réconcilier les divorcés- remariés avec l'eucharistie du Seigneur, ne serait-ce pas l'annonce et le gage d'autres réconciliations ?

Henri DENIS

Lyon Valpré 17 nov.2001

                                                                         (retour sommaire)

ANNEXE I:

UN EFFORT THEOLOGIQUE NECESSAlRE "  Christian DUQUOC, "Je crois en l'Eglise" (Cerf, 1999)

La discipline est si sévère qu'elle est relativement peu respectée. L'Institution est dans une impassse. La discipline paraît loin de la compassion évangélique et de la pratique des autres Eglises" (p.35)

" Le sabbat est fait pour l'homme s'applique à l'ensemble de l'Institution, donc aux sacrements. Mais pour sauver un principe, l'Institution admet que l'on doit écraser les membres faibles et pécheurs" (p. 38)

"Dans le temps de l'Histoire, aucun acte ne détruit absolument le lien à Dieu, puisque le négatif peut devenir le matériau d'un renouveau de la proximité de Dieu. Le lien entre homme et femme est indissoluble en son désir. Mais si le sacrement dit le sens, il n'exprime pas le jugement ultime, il laisse ouvert l'avenir .

"Un constat d'échec ne diminue pas la grandeur du sacrement, il reconnaît la fragilité et le tragique de la précarité. Le sacrement ne nie pas cela, mais doit l'assumer , sinon le sens du sacrement se transforme en condamnation"(p.39)

"La réconciliation habite le sacrement de mariage, comme celui de l'eucharistie. Sinon, on écrase la prophétie sur l'Institution figée. Aucun sacrement ne dit l'absolu, sinon comme indice, comme visée"(p.40)

(L'auteur montre plus loin que la discipline a changé tant pour le -baptême que pour la pénitence, en raiSon de cette "distance" entre le présent faillible et l'eschatologie: le baptême n'est plus considéré comme sacrement obligatoire pour le Salut, excluant ainsi les non-baptisés, et la pénitence a fini par être assouplie, du fait d'une désaffection totale)(cf. p.41).

Christian DUQUOC, "Je crois en l'Eglise" (Cerf, 1999)

                                                                         (retour sommaire)


ANNEXE II:

REFLEXION SUR LE DEUIL DANS LE MARIAGE 

Si le deuil peut-être considéré comme- un processus d'intériorisation et de catharsis de la mort, c'est-à-dire à la fois un apprivoisement et un apaisement on-peut être amené, pour notre sujet ;à parler de trois sortes ou trois formes de deuil :

- Il y a le deuil qui provient de la mort d'un des conjoints.

La douleur de la rupture peut être très forte, surtout si le lien conjugal est brisé en pleine jeunesse. On sait aussi que cette épreuve n'empêche pas le remariage (ce qui n'a pas été le cas dans les premiers siècles de notre ère). On ne saurait parler en rigueur de termes de "compagnons d'éternité" dans le temps de l'histoire. Mais, en principe, le remariage est une certaine atteinte à l' unicité de l'amour, en ce sens que l'on aimera désormais, sans problème, un autre homme ou une autre femme: on connaîtra la "multiplicité" de l'amour. Il reste que l'expérience de la mort physique de la personne est plus radicale et plus"entière" que la mort de l'amour dans le temps terrestre d'un mariage.

-Il y a le deuil consenti par un conjoint qui a accepté un divorce mais sans remariage.

On pourrait alors parler d'un deuil permanent, en raison d'un consentement blessé et pourtant jamais renié. C'est un deuil entretenu, vécu comme un échec, une déchirure, une souffrance qui vont marquer profondément le "relationnel" de la personne restée fidèle. C'est une sorte de fidélité "voilée", défiant la mort de l'amour.

-Il y a enfin le deuil dépassé, assumé et recouvert tel qu'il est vécu dans le cas d'une nouvelle expérience de l'amour conjugal. C'est à la: longue une sorte d'effacement pouvant ressembler à la mort physique du conjoint, mais à ceci près que le conjoint ou la conjointe porte en lui (en elle) la marque ou la responsabilité d'une union rompue et défigurée par l'échec. C'est pourquoi l'on comprend qu'il y ait un geste pénitentiel à accomplir, pour pouvoir commencer une nouvelle route.

                                                                         (retour sommaire)

ANNEXE III :

LES ELEMENTS DU RITE SACRAMENTEL

                             Raymond DIDIER, Les sacrements de la foi, Centurion, 1975

                                            NB. Nous avons proposé entre parenthèses nos propres commentaires.

"Le rite est un agir social ( donc un acte et non pas seulement une prise de conscience mentale), spécifique (donc capable d'être distingué de tout autre acte, il y a eu sacrement oui ou non), programmé (sous peine de devenir méconnaissable, le rite ne saurait être sans cesse "inventé" par le ministre, ce dernier étant lié par le rituel sans en être esclave) , répétitif ( ce qui ne veut pas dire routinier, mais appartenant à une Eglise qui peut pratiquer ce rite ailleurs), symbolique (au sens de faire une communion, une symbiose) , par lequel s'opère l'identification de l'individu dans son groupe social et de ce groupe dans la société globale (par exemple le baptême fait entrer quelqu'un dans le groupe des baptisés, et par là même le distingue des non-baptisés dans la société )

Raymond DIDIER, Les sacrements de la foi, Centurion, 1975

NB. Nous avons proposé entre parenthèses nos propres commentaires.

                                                                         (retour sommaire)