Ombres et lumière sur la famille

PLAN :

I. Introduction.. 1

II – S’accepter soi-même.. 2

III - Le sens du « mystère de l’autre ».. 3

IV - La complémentarité homme-femme.. 3

V – Le sens de la durée. L’engagement et la fidélité.. 5

1.      L’amour humain prend appui sur les qualités de l’autre.. 5

2.      Dieu nous aime d’une toute autre façon.. 5

3.      La fidélité.. 6

Conclusion.. 6

Père Christian Faimonville Fête de la Sainte Famille

I. Introduction

Lorsque Dieu crée le monde, il fonde la famille.

Lorsque Dieu renouvelle toutes choses, Il nous donne son Fils bien-aimé (Jn 3, 16) qui choisit de naître au coeur d’une famille... Dieu nous révèle ainsi la grandeur et l’éminente dignité de la famille.

Aujourd’hui la famille est attaquée.

Elle est contestée, dans sa nature même.

Et c’est la société elle-même qui est en danger dans ses fondements.

- que ce soit, de fait, à travers l’éclatement de la famille : que de souffrances dans les familles dites « recomposées, monoparentales, ...etc.

- que ce soit à travers le projet de loi concernant le P.A.C.S. qui  apparaît comme un non-sens anthropologique :

« ... Il serait préjudiciable, à long terme, d’oublier que seules les différences des sexes, la différence des générations et l’alliance entre un homme et une femme sont au fondement du lien social .

De plus, pour se développer, un enfant a besoin d’être au contact de son père et de sa mère qui sont respectivement, faut-il le rappeler, de sexe masculin et de sexe féminin et non pas dans une relation unisexuée qui ne peut pas symboliser la différence, l’autonomie psychique et l’altérité ... » (Documents Episcopat n° 14. Sept 1998 p19)

Combien de personnes recevons-nous, rendues fragiles dans leur psychologie, parce que dans leur enfance,

dans leur adolescence, ont manqué

              - soit la référence  paternelle, soit la référence maternelle,

              - soit l’amour fidèle de leurs parents,

autant de points de repère nécessaires à la structuration harmonieuse de la personne et à son insertion sociale.

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 Comment réagir ?

- par la prière, bien sûr

- mais aussi  par notre manière de vivre dans nos familles.

Le mariage et la famille ont besoin d’un supplément d’âme, et, comme toute réalité humaine, ils ont besoin d’être guéris, sauvés par le Christ Jésus.

A ce propos, je me souviens d’une conférence que le cardinal Danneels a donné à Paray-Le-Monial au cours de l’été 1983. Cette conférence s’intitulait : « Blessures et guérisons du couple et de la famille ». Elle garde aujourd’hui toute sa pertinence et éclaire singulièrement le contexte culturel actuel.

C’est pourquoi je vous en livre ci-après de larges extraits (ou je m’en inspire dans un ou deux courts passages). Puisse ce beau texte nous aider à grandir dans notre vie de famille. Puisse t-il donner ce supplément d’âme dont notre société a tant besoin.

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II – S’accepter soi-même

Beaucoup de nos contemporains n’acceptent pas leur corps et leur psychologie, leur être d’homme ou de femme.  Notre société éprouve une étrange fièvre qui nous contamine tous comme un virus et nous rend malheureux dans notre propre corps, dans notre être d’homme et de femme.

Or, la première chose que Dieu dit, dans la Bible, c’est qu’être  homme et être femme, ce n’est pas un accident biologique. Cette dualité n’est pas seulement le moyen technique par lequel la continuation de l’espèce humaine est assurée, être homme et être femme, c’est d’abord une grâce de Dieu.

Dès la première page de la Bible, on trouve cette admirable phrase où Dieu dit :

« Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance.

Et Dieu créa l’homme à son Image et à sa ressemblance : homme et femme Il les créa ... » (Gn 1, 26-27)

S’accepter homme ou femme, c’est donc dans notre être différencié d’homme ou de femme qu’il y a quelque chose de  visible sur la terre de l’intimité même de Dieu. Car Dieu dit :

« ...Je veux faire quelqu’un qui me ressemble et pour qu’il me ressemble, je le ferai homme et femme... »

Sommes-nous conscients que, dans notre être même, notre être sauvé, il y a révélation - partielle, bien sûr, limitée, mais réelle - de l’intimité de Dieu et que nous reflétons l’immense richesse qui est Dieu dans la Trinité elle aussi, différenciée dans l’unité : Père, Fils et Esprit-Saint.

Le chrétien devrait être rempli d’une immense action de grâce, d’un calme joyeux d’être simplement ce qu’il est.

              - Cela vaut pour l’homme et pour la femme

              - Cela vaut aussi pour les blessures que nous endurons à cause de notre âge : nous sommes presque incapables de vieillir dans la joie. Notre époque a forgé le mythe de la jeunesse à tout prix. Mais être enfant, grandir, être adulte et vieillir, c’est chaque fois l’occasion de rendre grâce à Dieu pour ce que nous sommes.

Dans les familles chrétiennes où l’homme et la femme sont joyeux et reconnaissants pour ce qu’ils sont et pour leurs différences, quelle paix ! Il y a alors une sorte de transparence de coeur où, au lieu de se regarder toujours l’un l’autre, de chercher qui est le plus grand ou l’opprimé ou le dominateur, on regarde ensemble Dieu. Celui qui nous a tout donné.

Nous avons besoin d’être guéris de cette non-acceptation de notre corps, de notre psychologie. Seul Jésus peut nous en guérir en nous donnant son amour, disant : « Tel que je t’ai créé, tu es si beau, si aimable... »

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III - Le sens du « mystère de l’autre »

Parfois, nous avons perdu ce sens du mystère del’autre, et cette blessure nous atteint profondément.

Les sciences humaines - physiologie, biologie, psychologie - nous expliquent bien sûr ce qu’est l’homme, la femme. Mais, même lorsqu’on a énuméré toutes les caractéristiques biologiques, physiologiques, psychologiques d’un homme ou d’une femme, il reste quelque chose d’inexprimé, un mystère profond : c’est le coeur où Dieu habite, dans mon mari, dans ma femme : et ce lieu est impénétrable.

Mon époux, mon épouse n’est pas un objet. Il ou elle a son mystère : non pas un secret égoïste, mais un mystère : le point de contact entre Dieu et lui, constitutif de toute personne humaine.

La Bible raconte que lorsque Dieu créa la femme, Adam était profondément endormi (Gn 2, 21), mais ce texte est souvent mal compris.

On peut se demander : « Est-ce qu’Adam devait justement s’endormir à ce moment-là ? »

Mais la Bible dit : « ...c’est Dieu qui envoya un profond sommeil sur lui... »

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Au premier moment où l’homme voit la femme, elle existe déjà. Il n’a pas assisté à sa naissance et il n’en est pas l’auteur. Elle est là, comme un cadeau de Dieu dont l’origine appartient au mystère divin.

Et inversement, lorsque la femme voit l’homme, pour la première fois, il est déjà là ; elle ne l’a pas créé.

C’est une chose extraordinaire que de vivre le mystère de l’autre, de ne pas réduire le conjoint à ce qu’on sait de lui, àsa biographie, au bien ou au mal que l’on sait de lui, mais de le découvrir, de plus en plus profondément dans son mystère.

De là découle un immense respect du corps et du coeur de l’autre, une attitude de contemplation, le refus d’en faire un objet, le désir de ne pas la ou le désacraliser. Lorsqu’on reçoit l’autre dans ses bras, on le reçoit de Dieu, on ne le prend pas, on respecte profondément son mystère jusque dans sa fécondité ; tous les jours, on l’épouse. Cf. « Je te reçois comme époux(se) et je me donne à toi ».

Dans la publicité, dans bien des films, dans les manifestations de masculinité ou de féminité, l’homme et la femme sont montrés comme un terrain complètement exploré, où il ne reste plus aucun mystère de l’autre. Là, nous portons de graves blessures

Tout l’enseignement de l’Eglise sur la transmission de la vie repose sur ce mystère de l’autre, c’est-à-dire :

une acceptation, à la fois extrêmement révérencieuse et profondément amoureuse de notre conjoint ; c’est le fruit du sens du mystère de l’autre qui se répercute dans tous les aspects de la vie.

On dit que l’Eglise défend ; oui elle défend, au sens où elle protège la dignité de l’homme et de la femme, la dignité de l’amour humain.

Dans les familles où existe ce sens du coeur de l’autre, du mystère de la Présence de Dieu en lui comme dans un tabernacle, il règne une grande délicatesse. Mais nous sommes pauvres et nous l’oublions souvent.

Cette redécouverte est une guérison. Il faut que Jésus vienne nous guérir, pour qu’à chaque fois que nous posons la main sur notre conjoint, ce soit un geste de respect et d’amour, de tendresse, de profonde contemplation de l’être profond qu’il est.

Pour vivre cette guérison, nous avons besoin de regarder longuement le Corps pur et mystérieux de Jésus dans l’Eucharistie.

Car c’est le même regard qui va de nous au Christ exposé, ce même regard qui devrait nous relier à notre mari, à notre femme : un regard respectueux, amoureux, oblatif et non pas possessif.

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IV - La complémentarité homme-femme.

Sous prétexte d’égalitarisme, on risque de tomber dans un monde uni-sexe qui nie les différences profondes, non seulement psychologiques, mais spirituelles de l’homme et de la femme.

Or, fondamentalement égaux en dignité, l’homme et la femme sont différents dans leur manière d’être, dans leur manière d’agir : l’homme n’est pas la femme, la femme n’est pas l’homme. Le père n’est pas la mère, la mère n’est pas le père.

Ce n’est pas un accident de l’évolution de l’espèce humaine, mais c’est inscrit dans le Dessein d’amour de Dieu : le couple et la famille sont à l’image de la Trinité, des trois Personnes Divines, infiniment distinctes dans l’Amour.

A la lumière du Nouveau Testament, nous voyons comment le mystère de l’homme et de la femme dans le mariage est signe efficace et sensible de l’union du Christ et de son Eglise (Eph 5).

C’est là la grande dignité du mariage : c’est le lieu sur la terre où on peur voir, toucher quelque chose de l’Amour de Jésus sauveur pour son Eglise qui est son épouse : « Le Christ aimé l’Eglise et s’est livré pour Elle ». A partir de là, la famille peut se construire. « La communion des époux fait exister la communauté familiale, comme matrice de la personne et  berceau de la société «  (Jean-Paul II).

Mais dès que l’on perd Dieu et que l’on ne sait plus que le mariage est en quelque sorte une illustration sur terre de la vie intime de Dieu, dès lors qu’on oublie que le mariage est un reflet réel de l’union du Christ et de son Eglise, dès que ce lien qui nous a relié à Dieu est rompu, nous devenons plus fragiles. Le calme et la paix disparaissent, les familles et les couples deviennent inquiets, fiévreux. Ils deviennent une sorte de tour de Babel où l’on dit : «Je n’ai pas besoin de Dieu dans mon mariage, ni du Christ, ni de l’Eglise, je veux construire moi-même ma tour ».

Et six mois après, c’est comme à Babel... Personne ne comprend plus personne : il y a du brouillage dans la communication.

Pourquoi ? Parce que si nous perdons tout lien vertical avec Dieu, le lien de la prière et de la contemplation, de l’adoration, du pardon sacramentel, nous devenons orphelins et sous sommes inquiets, nerveux.

Et c’est tout cela que Jésus veut guérir en nous par la puissance de l’Esprit de Pentecôte.

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V – Le sens de la durée. L’engagement et la fidélité.

Même en dehors de l’Eglise, on ne peut pas se marier sans une certaine espérance, une certaine confiance :

Je n’ai aucune preuve que dans 10 ans, 20 ans, il ou elle continuera toujours à m’aimer ; il faut que je fasse le saut.

Or les jeunes sont tellement imprégnés de cette incertitude qu’ils disent : « Ne vaudrait-il pas mieux que je ne m’engage pas pour toujours, car je ne sais pas ce qui va arriver dans 5 ans ? »

Cette espérance simplement humaine est vulnérable et fragile, mais on ne peut pas s’en passer.

Et si l’on se marie dans la foi chrétienne et dans la grâce, Dieu nous dit : « C’est Moi qui m’engage le premier ; c’est Moi qui garantis, qui certifie que l’amour qui est maintenant dans ton coeur pour ta femme ou pour ton mari restera toujours jeune et vrai dans 10 ans. Parce que c’est mon amour-même que je te donne. »

Il faut donc guérir et approfondir cette foi et cette espérance que tous doivent avoir pour se marier, pour vivre la fidélité dans le mariage. Il faut surtout opérer un renversement complet dans ce qu’est l’amour.

1.   L’amour humain prend appui sur les qualités de l’autre.

Nous disons : « c’est parce que tu es beau, que tu es travailleur et intelligent que je t’aime ».

Seulement quelle femme peut pendant 10, 15, 20 ans demeurer celle de ses 18 ans ? Aucune ne peut réaliser cet idéal de beauté et de jeunesse.

De même quel homme peut rester pendant 30 ans l’athlète qu’il a été ? C’est impossible !

Si donc notre amour repose uniquement sur les qualités de l’autre, il reste fragile. Et si nous en restons là, nous serons obligés de « faire des pieds et des mains » pour mériter l’amour de l’autre et l’on est perpétuellement inquiet.

2.   Dieu nous aime d’une toute autre façon.

Dieu n’attend pas que nous soyons aimables pour nous aimer. Il nous aime tels que nous sommes : pauvres, faibles, fragiles, pécheurs. C’est son Amour qui justement rendra à l’être le plus méprisé son vrai visage et toute sa beauté. C’est son Amour qui nous fait exister...

Mais Dieu nous aime trop pour nous laisser tels que nous sommes...

Dans le mariage chrétien, il y a une guérison à opérer, et une conversion à vivre de cet amour qui part seulement des qualités de l’autre. Nous sommes appelés à élever notre amour jusqu’à dire : « Tel que tu es, je t’aime », à la manière de Dieu qui nous prend tels que nous sommes aujourd’hui, là où nous en sommes, avec toute notre histoire, avec ses périodes dures, tous les événements que nous avons vécus.

Si chaque époux, chaque épouse acceptait l’autre tel qu’il est pour l’aider à grandir, si les parents acceptaient aussi leurs enfants tels qu’ils sont et si les jeunes n’exigeaient pas de leur parents qu’ils battent des records tous les jours, tout changerait.

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3.   La fidélité

La fidélité a pour objet les personnes telles qu’elles sont, telles qu’elles vivent et évoluent,

et non pas l’image idéaliste qu’on en a ou qu’on en a eu.

La fidélité n’est pas une maîtrise sur l’avenir : ce n’est pas de se dire : « aimerai-je encore dans 10, 20, 30 ans ?

C’est un engagement vis à vis de la personne, et donc dire : « Quoi qu’il t’arrive, je t’aimerai ».

La fidélité ne vient après l’amour.

Elle est au coeur de l’amour et même le précède : elle exprime la solidité et la maturité de notre oui.

La fidélité sait que l’amour ne se vit pas sans heurts et qu’il n’est pas réglé une fois pour toutes ; mais c’est chaque jour que j’ai à redire ce oui, à l’approfondir pour que l’amour grandisse : l’amour est vie et meurt de ne pas croître. l’amour se construit avec le temps, s’inscrit dans la durée.

Vous saurez que vous aimez vraiment quelqu’un si l’amitié, l’amour dure depuis des années, qu’il n’est pas un enthousiasme passager, épidermique : « Je te prends tel que tu est et je t’aime profondément de plus en plus ».

La fidélité implique, exige que l’amour aille jusqu’au pardon, à la plénitude du don de soi.

Lorsque notre don jaillit de la tendresse, c’est relativement facile, mais être capable de pardonner, c’est aimer encore plus.

Aujourd’hui, combien nous avons à témoigner que la fidélité est possible dans le couple et la famille. Ce témoignage est d’une importance capitale dans une société qui  a tendance à ne croire qu’à l’éphémère.

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Conclusion

Prions l’Esprit-Saint, l’Esprit de Lumière,

- pour que, par Lui, le Christ Jésus guérisse et renouvelle notre manière de vivre en famille.

- pour que, par Lui, le Christ Jésus éclaire ceux et celles qui ont la noble et lourde tâche de voter les lois.

Le mariage et la famille, avant d’être une institution civile, sont DON et CREATION de DIEU Lui-même et donc d’abord un « MYSTERE ».

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